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29/12/2016 | FRANCE | N°15MA04066

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 29 décembre 2016, 15MA04066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il serait, le cas échéant, éloigné.

Par un jugement n° 1505122 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2

015, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il serait, le cas échéant, éloigné.

Par un jugement n° 1505122 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2015, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2015 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et de lui délivrer, dans l'attente du réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme qu'il appartiendra à la Cour de fixer en équité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 19 juin 2015 est insuffisamment motivé et a été pris par une autorité incompétente ;

- les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être réunie ;

- le refus de séjour méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il viole l'article 372 du code civil ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et la déclaration des droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée des mêmes erreurs de droit que le refus de séjour.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Paix,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

1. Considérant que M. C..., de nationalité tunisienne, demande à la Cour d'annuler le jugement du 17 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il serait, le cas échéant, reconduit ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que M. C... reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 19 juin 2015, de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de la méconnaissance de son droit à être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " " ; que l'article 10 du même accord stipule : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) / c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...). / 2. Sont notamment considérés comme remplissant la condition de séjour régulier, les bénéficiaires d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 7 ter et 7 quater (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) " ; qu'enfin, l'article L. 311-4 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté, dispose : " La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un ressortissant tunisien parent d'un enfant français résidant en France peut solliciter la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans sur le fondement des stipulations du c) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ou une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an sur la base de l'article 7 quater du même accord et du 6° de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, d'une part, que M. C..., qui est en situation irrégulière, ne remplit pas les conditions prévues par l'article 10 de l'accord franco-tunisien ; qu'il ne peut se voir délivrer, sur ce fondement, un titre de séjour de dix ans en qualité de parent d'enfant français ;

6. Considérant, d'autre part, que M. C... produit à l'appui de sa demande de titre de séjour trente-six mandats cash portant entre les mois de juin 2013 et août 2015 sur environ 120 euros mensuels ; que, toutefois, alors qu'il vit séparé de la mère de son enfant et de celui-ci, il n'établit nullement contribuer à l'éducation de cet enfant, le bénéfice de l'autorité parentale étant à cet égard insuffisant ; qu'il ne satisfait, par suite, pas aux conditions cumulatives de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant posées par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour d'un an ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que pas davantage en appel que devant les premiers juges, M. C... n'établit résider en France depuis l'année 2007 comme il le soutient ; qu'ainsi qu'il a été mentionné au point 6, il ne vit pas avec son enfant ; qu'il ne démontre ni avoir fixé le centre de ses intérêts privés en France ni être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que dans ces conditions, le refus de séjour qui lui a été opposé ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elle soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, ces stipulations n'ont pas été méconnues ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que la déclaration des droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1959 par l'Assemblée générale des Nations unies, est dépourvue d'effet direct en droit interne ; que le moyen tiré de sa méconnaissance doit, dès lors, être écarté comme inopérant ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que M. C... ne peut se prévaloir de la méconnaissance de l'article 372 du code civil qui prévoit que " Le père et la mère exercent en commun l'autorité parentale " dès lors que la décision qu'il conteste n'a pas d'incidence sur son autorité parentale ;

12. Considérant, en sixième lieu, que les articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposent que : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et que " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que la situation de M. C... ne relevant pas de ces dispositions, le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; /4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; /5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

14. Considérant, en premier lieu, que, par l'arrêté attaqué, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. C... et a motivé cette décision ainsi qu'il a été dit au point 2 ; qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 12, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision rejetant sa demande de titre de séjour ; que, par suite, le moyen par lequel il entend exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision d'éloignement doit être écarté ;

16. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 4 à 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 10 alinéa 1 c) de l'accord franco-tunisien, et des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

17. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux développés au point 8, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, au regard des buts poursuivis par l'administration, porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré à l'issue de l'audience du 15 décembre 2016, où siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Ouillon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2016.

2

N° 15MA04066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04066
Date de la décision : 29/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : MOUSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-29;15ma04066 ?
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