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20/12/2016 | FRANCE | N°15MA02687;15MA02701

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2016, 15MA02687 et 15MA02701


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I- La SARL Les serres Vermeil a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres de recettes n° 597 et n° 599 du 9 avril 2013, de montants respectifs de 116 173,24 euros et 38 724,41 euros, émis à son encontre par l'établissement FranceAgriMer, et de mettre à la charge de l'établissement la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302117 et 1302118 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rej

eté cette demande.

II- La EARL Les serres de Corneilla a demandé au tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I- La SARL Les serres Vermeil a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres de recettes n° 597 et n° 599 du 9 avril 2013, de montants respectifs de 116 173,24 euros et 38 724,41 euros, émis à son encontre par l'établissement FranceAgriMer, et de mettre à la charge de l'établissement la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302117 et 1302118 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

II- La EARL Les serres de Corneilla a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres de recettes n° 598 et n° 600 du 9 avril 2013, de montants respectifs de 125 299,37 euros et 41 766,46 euros, émis à son encontre par l'établissement FranceAgriMer, et de mettre à la charge de l'établissement la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302117 et 1302118 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédures devant la Cour :

I- Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 juillet 2015, 30 septembre 2016 et 28 novembre 2016, la SARL Les serres Vermeil, représentée par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 ;

2°) d'annuler les titres de perception n° 0000597 et n° 0000599 du 9 avril 2013 valant demande de restitution de la somme de 154 897,65 euros, émis à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il a omis de répondre à un moyen, de viser un autre moyen et parce qu'il est insuffisamment motivé ;

- il a méconnu l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat qui a annulé l'article 2 de la cour, lequel est la base légale des titres attaqués ;

- l'administration a méconnu les règles de prescription ;

- l'auteur des titres est incompétent pour ce faire ;

- l'article 192 du décret n° 2012-1246 ne pouvait s'appliquer ;

- le jugement a méconnu le principe de proportionnalité ;

- les titres émis en 2002 n'ont pas interrompu la prescription car ils ont été annulés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 septembre et 18 novembre 2016, l'établissement public FranceAgriMer, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Les serres Vermeil une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Les serres Vermeil ne sont pas fondés.

II- Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 juillet 2015, 30 septembre 2016 et 28 novembre 2016, l'EARL Les serres de Corneilla, représentée par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 ;

2°) d'annuler les titres de perception n° 0000598 et 0000600 du 9 avril 2013 valant demande de restitution de la somme de 167 065,83 euros, émis à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il a omis de répondre à un moyen, de viser un autre moyen et parce qu'il est insuffisamment motivé ;

- il a méconnu l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat qui a annulé l'article 2 de la Cour, lequel est la base légale des titres attaqués ;

- l'administration a méconnu les règles de prescription ;

- l'auteur des titres est incompétent ;

- l'article 192 du décret n° 2012-1246 ne pouvait s'appliquer ;

- il a méconnu le principe de proportionnalité ;

- les titres émis en 2002 n'ont pas interrompu la prescription dès lors qu'ils ont été annulés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 septembre 2016 et 18 novembre 2016, l'établissement public FranceAgriMer, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'EARL Les serres de Corneilla une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EARL Les serres de Corneilla ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 3816/92 du Conseil du 28 décembre 1992 ;

- le règlement (CE EURATOM) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 relative à la création de l'Agence de services et de paiement et de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif au recouvrement des créances des établissements publics nationaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant l'établissement public FranceAgriMer.

1. Considérant que les affaires n° 15MA02687 et n° 15MA02701 sont afférentes à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que, dans le cadre du programme d'actions des autorités françaises élaboré en application des dispositions de l'article 2 du règlement n° 3816/92 du Conseil du 28 décembre 1992, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (Oniflhor) a attribué à l'EARL Vila et à l'EARL Les serres de Corneilla des subventions pour la réalisation d'un projet de construction et d'équipement de serres maraîchères d'un montant respectivement de 1 016 062 francs et 1 095 880 francs ; qu'à la suite d'un contrôle réalisé par l'agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole révélant que les demandes de subvention émanant de ces deux sociétés se rapportaient à un projet unique, l'Oniflhor a émis, à l'encontre de l'EARL Vila, trois titres de recette les 3, 4 et 8 avril 2002 et de l'EARL Les serres de Corneilla, deux titres de recette les 4 avril et 16 mai 2002 pour le reversement des subventions perçues, au motif que ces aides avaient été attribuées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 341-3 du code rural relatives au plafonnement des subventions ; que par deux jugements du 21 décembre 2005, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes présentées par l'EARL Vila et l'EARL Les serres de Corneilla tendant à 1'annulation des titres exécutoires et des décisions portant rejet de leur recours gracieux ; que, par un arrêt du 19 mars 2008, la cour administrative d'appel de Marseille, sur l'appel de la SARL Les serres Vermeil, venant aux droits de 1'EARL Vila, et par 1'EARL Les serres de Corneilla, a annulé les titres et décisions en litige ; que sur demande de l'établissement FranceAgriMer, venant aux droits de l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (Vinifhor), lui-même étant venu aux droits de l'Oniflhor, le Conseil d'Etat a annulé, par une décision du 4 février 2011, l'arrêt du 19 mars 2008 et renvoyé 1'affaire devant la Cour qui a statué à nouveau par un arrêt du 14 février 2013, n° 11MA00782 ; que par une nouvelle décision du 16 janvier 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 14 février 2013 en tant qu'il subordonne 1'injonction adressée à FranceAgriMer de restituer les sommes perçues à raison des titres exécutoires annulés à la condition que l'établissement public n'ait pas émis de nouveaux titres dans des conditions régulières et rejeté les conclusions à fin de remboursement des sommes en cause ; que dans l'intervalle, soit le 9 avril 2013, l'établissement public FranceAgriMer avait émis, d'une part, à l'encontre de l'EARL Les serres de Corneilla, deux titres exécutoires n° 598 et n° 600, de montants respectifs de 125 299,37 euros et de 41 766,46 euros et, d'autre part, à 1'encontre de la SARL Les serres Vermeil, deux autres titres exécutoires n° 597 et n° 599, de montants respectifs de 116 173,24 euros et de 38 724,41 euros ; que l'EARL Les serres de Corneilla et la SARL Les serres Vermeil relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'annulation de ces quatre titres ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que l'EARL Les serres de Corneilla et la SARL Les serres Vermeil ont soutenu devant les premiers juges que l'annulation par la décision du Conseil d'Etat du 16 janvier 2015 des articles 2 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 février 2013 privait de base légale les arrêtés attaqués ; que le tribunal administratif n'ayant pas statué sur ce moyen, qui n'est pas inopérant, son jugement est irrégulier et ne peut qu'être annulé ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de statuer sur les conclusions de première instance et d'appel, par la voie de l'évocation ;

Sur le bien-fondé des titres exécutoires :

4. Considérant que la décision du Conseil d'Etat du 16 janvier 2015, si elle a annulé l'injonction prononcée par l'arrêt de la cour administrative de Marseille du 14 février 2013, n° 11MA00782, n'a pas statué sur les titres exécutoires n° 597, 598, 599 et 600 ; qu'ainsi, faute d'identité d'objet entre les affaires jugées par le Conseil d'Etat, et les présentes requêtes, le moyen tiré de l'autorité absolue de la chose jugée ne peut qu'être écarté ; que, de même, l'annulation de la condition de l'injonction par cette même décision ne prive pas de base légale les titres attaqués ; qu'elle ne faisait donc pas obstacle à l'émission de nouveaux titres exécutoires, dont l'injonction annulée ne constituait pas le fondement ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce règlement : " 1. Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l'application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d'assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. (...) 4. Sous réserve du droit communautaire applicable, les procédures relatives à l'application des contrôles et des mesures et sanctions communautaires sont régies par le droit des Etats membres " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1 (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indument perçus (...). / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire (...). / 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions " ;

6. Considérant qu'il résulte des termes du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 que ce texte a pour objet de constituer une réglementation générale devant servir de cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques de l'Union européenne ; qu'à cet effet, il comporte des dispositions relatives à la récupération des aides indûment versées à un opérateur économique sur le fondement d'une disposition du droit de l'Union, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à l'action des Etats membres, lorsqu'ils procèdent à la récupération de telles aides ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-3 du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur : " La division d'une exploitation agricole ne peut conduire les exploitations qui en sont issues à bénéficier d'aides ou de subventions publiques supérieures à celle dont l'exploitation initiale aurait bénéficié en l'absence de division. / Cette règle s'applique quelle que soit la forme des exploitations en cause. / Il peut toutefois y être dérogé lorsque la division est justifiée, d'une part, par la distance entre les fonds séparés ou l'autonomie des moyens de production desdits fonds et, d'autre part, par l'amélioration de la viabilité des exploitations ou le maintien de cette viabilité, notamment dans le cas d'une installation répondant aux conditions de l'article L. 330-1. Pour l'appréciation de la viabilité des exploitations, il n'est pas tenu compte des aides publiques plafonnées. " ; que si les titres contestés sont fondés sur la méconnaissance de l'article L. 341-3 du code rural, ces dispositions, qui permettent à l'administration de sanctionner les comportements frauduleux commis en vue d'obtenir un avantage, ne font pas obstacle à l'application de la réglementation communautaire ; que les subventions obtenues en l'espèce par les sociétés requérantes ont été versées en application d'un programme de restructuration des secteurs de fruits et légumes prévu par le règlement n° 3816-92 du 28 décembre 1992 du Conseil des communautés européennes ; qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'il apprécie la légalité ou le bien-fondé d'une décision intervenue dans une matière régie par le droit communautaire, d'interpréter les règles de droit national dans un sens conforme à ce droit, ou le cas échéant de les écarter, afin d'en assurer la pleine effectivité ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que le fait pour l' EARL Les serres de Corneilla et la SARL Les serres Vermeil de déposer une demande de subvention séparée a eu pour effet, en évitant le plafonnement de l'aide, de leur permettre de bénéficier d'une subvention supérieure à celle qu'elles auraient obtenue en ne déposant qu'un seul dossier, ; que, par suite, les dispositions combinées de l'article L. 341-3 du code rural avec celles de l'article 4 du règlement du Conseil du 18 décembre 1995, en particulier celles contenues dans le 3) autorisent la poursuite du reversement des sommes indûment versées, pendant quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité commise ; que les dispositions du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 trouvent dès lors à s'appliquer aux modalités de récupération de l'aide indûment perçue, à l'exclusion des règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droit ;

8. Considérant que si les sociétés requérantes font valoir qu'il " Il ne fait pas de doute que ce délai qui s'applique en cas d'" irrégularité " commise par le débiteur d'une aide indûment obtenue avait sans doute expiré le 9 avril 2013 ", elles ne mettent pas à même la Cour d'apprécier la portée de ce moyen, dès lors qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que les subventions ont été versées en 1999 et que l'administration en a réclamé le reversement dès l'année 2002, soit dans le délai de quatre ans prévu par les dispositions du règlement précité du 18 décembre 1995 ; que les titres émis en 2002, contrairement aux affirmations des sociétés, ont interrompu le délai de prescription, quand bien même ils ont été annulés ; que contrairement à ce qu'elles affirment, les sociétés Les serres de Corneilla et Les serres Vermeil ont commis une irrégularité, définie au point 7 ;

9. Considérant que selon les dispositions de l'article 3 du règlement : " la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. / (...) " ; que l'émission des titres exécutoires les 4 avril et 16 mai 2002 a la nature d'une sanction au sens du règlement précité n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ; qu'alors même que les titres ont été ultérieurement annulés, FranceAgriMer, autorité compétente en la matière, a prononcé une sanction dans le délai de huit années, privant de tout effet les dispositions précitées de l'article 3 du règlement précité ; que le moyen tiré de ce que les créances seraient prescrites ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant que les titres exécutoires critiqués ont été signés par Mme C... A..., chef par intérim de l'unité des " suites de contrôles " de FranceAgriMer, délégation lui ayant été donnée par décision du directeur général le 18 février 2013, publiée le lendemain au bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture, " à fin de signer les actes relevant des attributions de l'unité " ; qu'il résulte de l'instruction, en tout état de cause, que la décision du 2 avril 2009 a fait l'objet de plusieurs modifications, notamment par décision du 19 décembre 2012, remplaçant la décision initiale et fixant en son point 2.3.4.2. les attributions de l'unité considérée, notamment la préparation de l'ordonnancement, le cas échéant, des actions en répétition de l'indu ou des redressements ; qu'ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la définition des attributions de cette unité, fixée au point 2.4.5.2. de l'organigramme de FranceAgriMer par le directeur général de cet organisme le 2 avril 2009, alors que l'intéressé a été nommé à ce poste par décret du 1er avril 2009, publié le 3 avril 2009 et entré en vigueur le lendemain, serait intervenue irrégulièrement dès lors qu'à cette date, le directeur général pouvait régulièrement fixer les attributions de l'unité " suites de contrôles " ; que, si les sociétés Les serres de Corneilla et Les serres Vermeil soutiennent également que les attributions de l'unité se bornaient à la préparation de l'ordonnancement, la délégation accordée par le directeur général au chef de l'unité " suites et contrôles " combinées au point 2.3.4.2 précité autorisait le chef de cette unité à émettre, sur délégation, les " actes " relevant de l'unité au nombre desquels figurent les titres exécutoires émis afin de recouvrer les indus ou les redressements dont la préparation incombe à l'unité ; que dès lors, le moyen tiré de ce que les titres exécutoires en cause auraient été signés par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'aux termes du 4° de l'article 1er du décret n° 2012-1246 : " Les dispositions du titre Ier du présent décret sont applicables aux administrations publiques au sens du règlement (CE) du 25 juin 1996 visé ci-dessus, mentionnées aux 1° à 5° suivants ainsi qu'aux personnes morales mentionnées au 6° : 4° Les autres personnes morales de droit public, dont la liste est établie par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé du budget. " ; qu'aux termes de l'article 192 dudit décret : " L'ordre de recouvrer émis dans les conditions prévues à l'article 28 est adressé aux redevables sous pli simple ou, le cas échéant, par voie électronique, soit par l'ordonnateur, soit par l'agent comptable, conformément aux dispositions arrêtées par le ministre chargé du budget. Tout ordre de recouvrer donne lieu à une phase de recouvrement amiable. En cas d'échec du recouvrement amiable, il appartient à l'agent comptable de décider l'engagement d'une procédure de recouvrement contentieux. L'exécution forcée par l'agent comptable peut, à tout moment, être suspendue sur ordre écrit de l'ordonnateur. " ;

12. Considérant qu'il ressort de l'article 230 du décret du 7 novembre 2012 que les règles du titre III, et notamment l'article 192, applicables aux personnes morales de droit public mentionnées au 4° et au 6° de l'article 1er du décret du 7 novembre 2012 dont relève l'établissement FranceAgriMer, qui a la nature d'un établissement public administratif, sont entrées en vigueur à compter du 1er janvier 2013 ; que les titres exécutoires attaqués, qui visent l'article 192 du décret, ont été émis le 9 avril 2013, soit après l'entrée en vigueur de ces dispositions qui leur sont donc applicables ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 4 du règlement n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, que les irrégularités ou les actes pour lesquels il est établi qu'ils ont pour but d'obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire en créant artificiellement les conditions requises pour l'obtention de cet avantage, ont pour conséquence soit la non obtention de l'avantage, soit son retrait ; que la subvention en cause a été versée en application d'un programme d'actions des autorités françaises élaboré en application des dispositions de l'article 2 du règlement n° 3816/92 du Conseil du 28 décembre 1992 ; que les subventions entrent donc, en leur intégralité, dans le champ des dispositions de l'article 4 précité, lequel prévoit uniquement le retrait de l'avantage indu ; que par suite, les conclusions à fin de réformation des titres contestés, pour que soit seulement rappelée la part indue de la subvention par application du principe de proportionnalité, doivent être rejetées ;

14. Considérant que si l'EARL Les serres de Corneilla et la SARL Les serres Vermeil soutiennent que le procès serait " inefficace " et les droits de la défense méconnus dès lors qu'elles n'obtiendraient pas la décharge des sommes en cause, cet effet résulte directement de la nature du moyen qu'elles ont invoqué devant les juridictions saisies et qui a entraîné l'annulation des titres exécutoires, à savoir l'incompétence de l'auteur de l'acte, lequel ne privait pas l'administration de la possibilité de prendre d'autres actes tendant aux mêmes fins, dès lors que les sommes réclamées étaient effectivement dues ; que ne porte pas davantage atteinte au droit à un recours effectif, l'obligation pour les requérantes d'établir l'illégalité des actes qu'elles attaquent, y compris ceux émis après la lecture de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 février 2013 ; qu'ainsi, en tout état de cause, les moyens tirés de la " déloyauté du procès " ou de " loyauté de la preuve " ne peuvent qu'être écartés, comme le moyen tiré du défaut d'impartialité des juges ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux demandes des sociétés requérantes dès lors que l'établissement public FranceAgriMer n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL Les serres de Corneilla et de la SARL Les serres Vermeil une somme de 2 000 euros chacune au titre des frais non compris dans les dépens, à verser à l'établissement public FranceAgriMer ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 22 mai 2015 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de la SARL Les serres Vermeil et de l'EARL Les serres de Corneilla sont rejetées.

Article 3 : La SARL Les serres Vermeil, d'une part, et l'EARL Les serres de Corneilla, d'autre part, verseront chacune une somme de 2 000 euros à l'établissement public FranceAgriMer.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les serres Vermeil, à l'EARL Les serres de Corneilla, et à l'établissement public FranceAgriMer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2016, où siégeaient :

- Mme Erstein, président de la Cour,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2016.

8

Nos 15MA02687- 15MA02701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02687;15MA02701
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AGRICULTURE ET FORÊTS - EXPLOITATIONS AGRICOLES - AIDES DE L'UNION EUROPÉENNE - AU SENS DE L'ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT N° 2988/95 DU CONSEIL DU 18 DÉCEMBRE 1995 RELATIF À LA PROTECTION DES INTÉRÊTS FINANCIERS DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES - L'ÉMISSION D'UN TITRE EXÉCUTOIRE A LA NATURE D'UNE SANCTION - MÊME S'IL A ÉTÉ ULTÉRIEUREMENT ANNULÉ - L'ÉMISSION D'UN TITRE EXÉCUTOIRE PAR FRANCEAGRIMER - AUTORITÉ COMPÉTENTE EN LA MATIÈRE - DANS LE DÉLAI PRÉVU PAR CES DISPOSITIONS - LES PRIVE DE TOUT EFFET.

03-03-06 Aux termes de l'article 3 du règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : « la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. / (…) ».,,A la suite d'un contrôle, l'établissement public FranceAgriMer, pour recouvrer des aides communautaires indument versées à deux sociétés, a émis des titres exécutoires en 2002, qui ont été ont été ultérieurement annulés pour un motif de procédure. En 2013, FranceAgriMer a émis de nouveaux titres aux mêmes fins.... ...La cour confirme que l'émission d'un titre a la nature d'une sanction au sens des dispositions de l'article 3 du règlement du 18 décembre 1995. Elle juge que l'émission des titres par FranceAgriMer, autorité compétente en la matière, ne permet plus d'invoquer utilement le délai de prescription prévu par ces disposition, alors même que ces titres auraient été annulés.... ,[RJ1],,[RJ2].

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - LITIGES RELATIFS AU VERSEMENT D`AIDES DE L'UNION EUROPÉENNE - AU SENS DE L'ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT N° 2988/95 DU CONSEIL DU 18 DÉCEMBRE 1995 RELATIF À LA PROTECTION DES INTÉRÊTS FINANCIERS DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES - L'ÉMISSION D'UN TITRE EXÉCUTOIRE A LA NATURE D'UNE SANCTION - MÊME S'IL A ÉTÉ ULTÉRIEUREMENT ANNULÉ - L'ÉMISSION D'UN TITRE EXÉCUTOIRE PAR FRANCEAGRIMER - AUTORITÉ COMPÉTENTE EN LA MATIÈRE - DANS LE DÉLAI PRÉVU PAR CES DISPOSITIONS - LES PRIVE DE TOUT EFFET.

15-08 Aux termes de l'article 3 du règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : « la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. / (…) ».,,A la suite d'un contrôle, l'établissement public FranceAgriMer, pour recouvrer des aides communautaires indument versées à deux sociétés, a émis des titres exécutoires en 2002, qui ont été ont été ultérieurement annulés pour un motif de procédure. En 2013, FranceAgriMer a émis de nouveaux titres aux mêmes fins.... ...La cour confirme que l'émission d'un titre a la nature d'une sanction au sens des dispositions de l'article 3 du règlement du 18 décembre 1995. Elle juge que l'émission des titres par FranceAgriMer, autorité compétente en la matière, ne permet plus d'invoquer utilement le délai de prescription prévu par ces disposition, alors même que ces titres auraient été annulés.... ,[RJ1],,[RJ2].


Références :

[RJ1]

CJUE, 3 septembre 2015, n° C-383-14, Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) contre Sodiaal International SA,,

[RJ2]

CE, 11décembre 2015, n° 380102 et 380104, ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (FRANCEAGRIMER) SOCIETE FLECHARD.


Composition du Tribunal
Président : Mme ERSTEIN
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-20;15ma02687 ?
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