Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Office public d'HLM (OPDHLM) Mistral Habitat a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Roussillon à lui payer, d'une part, la somme de 494 050,06 euros représentant les dépenses effectués sur un terrain objet d'un bail emphytéotique et, d'autre part, une somme à déterminer ultérieurement représentant la remise en état du terrain, telle qu'ordonnée par le tribunal de grande instance d'Avignon.
Par un jugement n° 1302248 du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2015 complétée par un mémoire enregistré le 22 janvier 2016, l'OPDHLM Mistral Habitat, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er octobre 2015 ;
2°) de condamner la commune de Roussillon à lui payer d'une part, une somme de 494 050,06 euros TTC représentant les dépenses effectuées par l'office sur un terrain objet d'un bail emphytéotique, d'autre part, une somme à déterminer ultérieurement représentant la remise en état du terrain, telle qu'ordonnée par le tribunal de grande instance d'Avignon, enfin, une somme de 20 000 euros à titre de préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Roussillon une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le litige en cause relève de la compétence du juge administratif ;
- le bail emphytéotique conclu présente un caractère administratif ;
- le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Avignon n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée à l'égard du juge administratif dès lors que la demande indemnitaire repose sur le fondement du manquement au devoir de loyauté dans l'exécution d'une convention ;
- la demande indemnitaire est fondée sur le comportement contractuel fautif de la commune dans l'exécution du bail ;
- le préjudice est établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2016, la commune de Roussillon, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 5 000 euros lui soit versée par l'OPDHLM Mistral habitat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- la juridiction administrative est incompétente et les demandes indemnitaires de l'OPDHLM se heurtent à l'autorité de la chose jugée par la décision du 12 mars 2013 du tribunal de grande instance d'Avignon ;
- les préjudices ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;
- les observations de MeA..., pour l'OPDHLM Mistral Habitat et Me B...pour la commune de Roussillon. .
1. Considérant que l'Office public d'HLM Mistral Habitat, établissement public à caractère administratif, et la commune de Roussillon ont conclu, le 27 juillet 2007, un bail emphytéotique d'une durée de cinquante-cinq années, par lequel la commune a donné à bail diverses parcelles au lieu-dit Les Huguet,,à l'office public d'HLM, locataire, lequel s'est engagé à édifier douze logements sociaux, conformément au permis de construire délivré le 11 mai 2006 par le préfet de Vaucluse ; que le 12 avril 2008, sur recours de riverains, le tribunal administratif, confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille, a annulé le permis de construire délivré au motif que les constructions portaient atteinte au site et que l'assainissement prévu n'était pas suffisant ; qu'une nouvelle demande de permis de construire a été rejetée ; que la légalité de cette décision a été confirmée par le tribunal administratif, puis par la cour administrative d'appel de Marseille le 26 novembre 2013 ;
2. Considérant que par un jugement du 12 mars 2013 devenu définitif, le tribunal de grande instance d'Avignon a constaté la résiliation de plein droit du bail intervenue le 14 mai 2011, ordonné l'expulsion de l'office public d'HLM Mistral Habitat, rejeté les demandes de dommages-intérêts de l'office et l'a condamné à remettre les parcelles louées en l'état sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification du jugement ; que par un jugement du 7 novembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon a autorisé la commune à faire procéder aux travaux de remise en état ; que par un arrêt du 16 avril 2015, la cour d'appel de Nîmes a condamné l'office d'HLM à payer à la commune de Roussillon la somme de 63 900 euros au titre de la remise en état des lieux ;
3. Considérant que par un courrier du 14 juin 2013, l'office public d'HLM Mistral Habitat a saisi la commune de Roussillon d'une demande indemnitaire, fondée sur la mauvaise foi contractuelle de la commune, en méconnaissance de l'article 1134 du code civil, correspondant au montant des travaux effectués, s'élevant à la somme de 494 050,06 euros TTC ; que la commune de Roussillon a, par courrier du 29 juillet 2013, refusé de faire droit à cette demande ; que l'OPDHLM Mistral Habitat relève appel du jugement du 1er octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, saisi à fin de condamnation de la commune, a rejeté sa demande pour incompétence de la juridiction administrative ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
4. Considérant d'une part, qu'un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt en principe un caractère administratif, impliquant la compétence des juridictions administratives pour connaître des litiges portant sur les manquements aux obligations en découlant, sauf dans les cas où, eu égard à son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé ; qu'en l'espèce, le bail emphytéotique conclu entre la commune de Roussillon et l'office public d'HLM Mistral Habitat, lequel est un établissement public à caractère administratif, en vue de la construction de logements sociaux, présente le caractère d'un contrat administratif ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a jugé que la demande de l'office Mistral Habitat, fondée sur les droits qu'il estime détenir du bail ci-dessus mentionné, était porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de l'OPDHLM Mistral Habitat ;
Sur l'autorité de la chose jugée :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal de grande instance d'Avignon a, par jugement du 12 mars 2013, devenu définitif, constaté la résiliation de plein droit du bail emphytéotique intervenue le 14 mai 2011, a ordonné l'expulsion de l'OPDHLM desdites parcelles, à leur remise en état, a condamné l'office à verser à la commune une indemnité d'occupation annuelle de 5 euros jusqu'à la restitution du terrain, et a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée à titre reconventionnel par l'OPDHLM ; que l'autorité de la chose jugée par le jugement rendu le 12 mars 2013 fait obstacle à ce que les prétentions de l'OPDHLM Mistral Habitat puissent être accueillies ; que, par suite, la commune de Roussillon est fondée à opposer à l'OPDHLM Mistral Habitat l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement rendu le 12 mars 2013 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'OPDHLM Mistral Habitat tendant à obtenir réparation des préjudices qu'il estime avoir subi, résultant de la résiliation du bail emphytéotique conclu avec la commune de Roussillon et de la faute contractuelle de la commune doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Roussillon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'OPDHLM Mistral Habitat demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de l'OPDHLM Mistral Habitat le versement à la commune de Roussillon la somme demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1302248 du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'OPDHLM Mistral Habitat devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Roussillon tendant au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'OPDHLM Mistral Habitat et à la commune de Roussillon.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
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N°15MA04347