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15/12/2016 | FRANCE | N°15MA03626

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 décembre 2016, 15MA03626


Vu la procédure suivante :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1300477 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2015, M. C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 décembre 2014 ;

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) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui dél...

Vu la procédure suivante :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1300477 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2015, M. C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 décembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente, sous huitaine, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu son office en ne visant pas le contrat de travail qui lui était soumis ou en s'abstenant de le transmettre aux services compétents ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de droit ;

- cet arrêté est entaché d'erreur de fait ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation s'agissant de la situation de l'emploi ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Coutier, premier conseiller.

1. Considérant que M. C..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 5221-1 du code du travail, les dispositions relatives aux titres de séjour pouvant être délivrés aux étrangers et les autorisant à travailler en France ainsi que les conditions de délivrance de ces titres s'appliquent sous réserve des conventions internationales ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de cette même convention : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées du 14° de l'article R. 5221-3 et de l'article R. 5221-17 du code du travail, applicables en l'espèce, le préfet est l'autorité compétente pour viser, dans l'attente de la délivrance de la carte de séjour portant la mention salariée, le contrat de travail ou la demande d'autorisation de travail lorsqu'il est saisi en ce sens, en application de l'article R. 5221-11 du même code, par une personne envisageant d'employer un étranger ; que, s'il lui est loisible, alors même qu'il est directement saisi par l'employeur, ainsi que le prévoit l'article R. 5221-15 dudit code, lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire français, de donner délégation de signature au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en matière de délivrance des autorisations de travail des ressortissants étrangers, et ainsi de charger cette administration plutôt que ses propres services de l'instruction de telles demandes, il ne peut, sans méconnaître l'étendue de sa propre compétence, opposer à l'intéressé un défaut d'autorisation de travail ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que, saisi le 2 août 2012 par M. C... d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 précité de l'accord franco-marocain, le préfet a rejeté cette demande motif pris, notamment, que l'activité de maraîchage, pour laquelle postulait l'intéressé, ne connaissait aucune difficulté de recrutement, le préfet précisant que n'était recensée dans le département de l'Hérault, au 31 août 2012, qu'une seule offre d'emploi pour la profession de maraîcher alors que le nombre de demandes s'élevait à trois cent quarante sept, dont cent quatre-vingt trois sur le secteur de Montpellier dans lequel était proposée l'unique offre ; que, ce faisant, l'autorité préfectorale, qui a ainsi elle-même procédé à l'instruction de la demande qui lui était soumise, a pu, sans commettre d'erreur de droit ni entacher l'arrêté contesté de vice de procédure en ne transmettant pas cette demande à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, constater que n'était pas satisfaite la condition de justification d'un contrat de travail visé, telle que posée par les stipulations précitées de l'accord franco-marocain ;

5. Considérant qu'en indiquant, dans l'arrêté attaqué, que M. C... ne justifiait pas de la visite médicale exigée par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, le préfet s'est borné à relever que l'intéressé ne satisfaisait pas à l'un des prérequis posés par cet article, conditionnant la délivrance du titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de ces stipulations ; que le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article R. 5221-1 du code du travail qui prévoit un délai de trois mois après la délivrance de l'autorisation de travail pour se soumettre à la visite médicale requise pour exercer une activité professionnelle en France ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit ;

6. Considérant que si les stipulations de l'accord franco-marocain n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié, l'autorité préfectorale n'y est aucunement tenue ; qu'il ressort des pièces du dossier, particulièrement des énonciations de l'arrêté attaqué, que le préfet a effectivement examiné la situation personnelle du requérant, en particulier s'agissant des éléments relatifs à sa vie personnelle et familiale ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue du champ de sa compétence doit être écarté ;

7. Considérant que, pour soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait, M. C... produit une extraction du site internet de Pôle emploi faisant apparaître seulement huit demandes pour un emploi de maraicher dans le département de l'Hérault, alors que le préfet en a, lui, dénombré trois cent quarante sept; qu'à supposer même cette erreur établie, le préfet pouvait légalement, ainsi qu'il le fait valoir dans ses écritures en défense, fonder sa décision de refus sur le seul motif tiré du défaut de justification du visa de long séjour exigé par les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles sont applicables en l'espèce ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen ; qu'au même motif, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation sur la situation de l'emploi dans le secteur d'activité de maraichage ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que M. C... se prévaut de la durée de son séjour dans l'Union européenne, ainsi que de son intégration et de la scolarisation de ses enfants en France en classes de maternelle et de cours élémentaire première année ; que, toutefois, il ne séjournait sur le territoire français au plus que depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué; que le requérant ne justifie pas, par la seule production d'une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier maraicher, d'une insertion socioprofessionnelle particulière en France ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie personnelle et familiale au Maroc, où il a épousé une compatriote, ou sur le territoire espagnol, où il déclare avoir résidé dix-huit années et conserver des attaches familiales, et où il dispose d'une carte de résident, valable jusqu'au 3 juin 2016 ; que dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que, par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 décembre 2016.

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acr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03626
Date de la décision : 15/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-15;15ma03626 ?
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