La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2016 | FRANCE | N°15MA01487

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2016, 15MA01487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés EMTS et Envéo Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée à verser à leur groupement la somme de 337 906,50 euros hors taxes au titre de leur rémunération de maître d'oeuvre.

Par un jugement n° 1203034 du 13 février 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2015, complétée par un

mémoire du 19 août 2016, la société Enveo Ingénierie, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés EMTS et Envéo Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée à verser à leur groupement la somme de 337 906,50 euros hors taxes au titre de leur rémunération de maître d'oeuvre.

Par un jugement n° 1203034 du 13 février 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2015, complétée par un mémoire du 19 août 2016, la société Enveo Ingénierie, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 février 2015;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée à verser au groupement EMTS/Enveo Ingénierie la somme de 337 906,50 euros hors taxes au titre de leur rémunération de maître d'oeuvre, dont 171 304,28 euros à la seule société Enveo Ingénierie ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le courrier du 20 septembre 2010 doit être regardé comme un mémoire en réclamation au sens de l'article 40.1 du CCAG applicable aux prestations intellectuelles ;

- l'économie du contrat a été bouleversée et le groupement a le droit d'être rémunéré du montant des prestations alors même que le marché est à forfait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2015, la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Enveo Ingénierie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Enveo Ingénierie n'a pas qualité pour agir au nom de l'autre membre du groupement ;

- la lettre du 20 septembre 2010 ne constitue pas le mémoire en réclamation au sens de l'article 40.1 du CCAG applicable aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- elle est entachée de forclusion en application de l'article 17 du CCAG-PI ;

- la commune intention des parties était de rémunérer le marché au forfait et aucun bouleversement contractuel du marché ne peut être retenu ;

- la société requérante n'établit pas l'existence et le quantum de son préjudice ;

- les sociétés EMTS et Inveo Ingénierie ont failli à l'exigence de loyauté dans les relations contractuelles.

Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2016, la société EMTS, représentée par la SELARL Abeille et Associés, conclut aux mêmes fins que la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'acte d'engagement instituant une solidarité entre les cocontractants, l'appel interjeté par la société Envéo Ingénierie est recevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;

- les conclusions de M. Thielé, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., pour la société EMTS, et de Me B...pour la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée.

Une note en délibéré présentée pour la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée a été enregistrée le 22 novembre 2016.

1. Considérant que, le 3 mars 2008, le syndicat intercommunal de la région toulonnaise pour le traitement et l'évacuation en mer des eaux usées, aux droits duquel est venue la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, a conclu avec les sociétés EMTS et Envéo Ingénierie un marché public de maîtrise d'oeuvre portant sur la réhabilitation de la station d'épuration Amphitrea ; que le 20 septembre 2010, le groupement des sociétés EMTS/Envéo Ingénierie a demandé une augmentation du prix du marché ; que le 30 novembre 2010, le président de la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée a rejeté leur demande ;

2. Considérant que la société Envéo Ingénierie relève appel du jugement du 13 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la société EMTS et de la société Envéo Ingénierie tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération à leur verser la somme de 337 906,50 euros HT au titre de sa rémunération de maître d'oeuvre ;

Sur la recevabilité de l'appel :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles : " Au sens du présent document, les titulaires sont considérés comme groupés et sont appelés " cotraitants s'ils sont souscrit un acte d'engagement unique. Les cotraitants sont soit solidaires, soit conjoints. Les cotraitants sont solidaires lorsque chacun d'eux est engagé pour la totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires ; l'un d'entre eux, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des cotraitants vis-à-vis de la personne responsable du marché. Les cotraitants sont conjoints lorsque chacun d'eux n'est engagé que pour la partie du marché qu'il exécute. Toutefois, l'un d'entre eux, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l'égard de la personne responsable du marché, jusqu'à la date où ces obligations prennent fin ; cette date est soit l'expiration de la garantie technique prévue à l'article 34, soit, à défaut de garantie technique, la date de prise d'effet de la réception des prestations. Le mandataire représente, jusqu'à la date ci-dessus, l'ensemble des co-traitants conjoints vis-à-vis de la personne responsable du marché pour exécution de ce dernier. Dans le cas où l'acte d'engagement n'indique pas que les cotraitants sont solidaires ou conjoints : - si les prestations sont divisées en lots dont chacun est assigné à l'un des cotraitants et l'un de ces derniers est désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, les cotraitants sont solidaires ; - si les prestations ne sont pas divisées en lots dont chacun est assigné à l'un des cotraitants, ou si l'acte d'engagement ne désigne pas l'un de ces derniers comme mandataire, les cotraitants sont solidaires. " ;

4. Considérant que si l'acte d'engagement conclu par les sociétés Enveo Ingénierie et EMTS ne comporte aucune clause de solidarité, aucune répartition des missions entre les deux cotraitants et ne désigne aucun mandataire, il résulte des dispositions précitées que les cotraitants sont réputés solidaires et s'être donné mandat mutuel de se représenter ; que, par suite, l'appel de la société Envéo Ingénierie, qui demande à la Cour de condamner la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée à verser au groupement EMTS/Enveo Ingénierie la somme de 337 906,50 euros hors taxes au titre de leur rémunération de maître d'oeuvre, est présenté au nom du groupement, et la fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, tirée de l'absence de qualité de la société Envéo Ingénierie pour représenter le groupement, doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 40.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles approuvé par décret modifié n° 78-1306 du 26 décembre 1978 : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché.(...) " ;

6. Considérant qu'un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens de l'article 40.1 du CCAG prestations intellectuelles que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes ;

7. Considérant que par un courrier du 20 septembre 2010, adressé au président de la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, la société EMTS a fait part de difficultés " dans l'exécution de notre contrat de maîtrise d'oeuvre portant sur des travaux de réhabilitation des ouvrages en béton de la station d'épuration Amphitria ", et a précisé que " le présent écrit s'inscrit dans une démarche non contentieuse destinée à trouver un accord sur le montant de la rémunération contractuelle et définitive ", dès lors, ajoutait-elle qu'en exécution de la phase diagnostic du marché, il a été confirmé la nécessité de réhabiliter l'intégralité des ouvrages béton, pour un marché dont le montant s'élèvera à 3 306 781,22 euros HT ; que cette lettre indiquait que la maîtrise d'oeuvre porterait alors sur l'intégralité des ouvrages prévus au marché de travaux a proposé de retenir une rémunération de 10,22 % du montant réel des travaux" ;

8. Considérant que le courrier précité du 20 septembre 2010, qui détaille le montant des prestations dont les sociétés demandent l'indemnisation et les motifs de cette demande, à savoir la réalisation de prestations supplémentaires, doit être regardé comme constituant une réclamation au sens de l'article 40.1 du CCAG prestations intellectuelles précité ; que la circonstance que le mémoire précise qu'il s'inscrit dans une démarche " non contentieuse " et qu'il suggère diverses solutions juridiques n'a pas pour effet de lui ôter le caractère de mémoire en réclamation ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la requête présentée par la société Envéo Ingénierie et la société EMTS devant le tribunal administratif était recevable ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que si le 30 novembre 2010, le président de la communauté d'agglomération a rejeté la demande de réajustement de la rémunération du maître d'oeuvre, au motif que l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoit que " la rémunération est réputée établie en tenant compte de la complexité de la mission " et que " l'estimation définitive du coût prévisionnel des travaux n'entraîne pas de modification de la rémunération fixée ", ces prescriptions, qui concernent l'ajustement du montant prévisionnel fixé à titre provisoire, ne peuvent faire obstacle à l'application du III de l'article 30 du décret du 29 novembre 1993 qui prévoit qu'en " cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés (...) et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre " ;

10. Considérant, que si la communauté d'agglomération invoque l'article 17 du cahier des clauses administratives et générales, prestations intellectuelles, qui prévoit que la personne publique peut prescrire par écrit une modification des prestations au titulaire du marché qui, faute de réserves formulées dans un délai de 45 jours, est réputé l'avoir acceptée, il ne résulte pas de l'instruction que la communauté d'agglomération ait demandé aux sociétés EMTS et Envéo Ingénierie de réaliser des prestations supplémentaires ; que, par suite, la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée ne peut se prévaloir d'un accord tacite des sociétés requérantes à la réalisation des travaux complémentaires de réhabilitation de la station d'épuration ;

11. Considérant que le montant des prestations supplémentaires supporté par le groupement de maîtrise d'oeuvre, dont le montant n'est pas contesté par la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, s'élève à la somme de 337 906,50 euros hors taxes; qu'en conséquence, sans qu'y fasse obstacle le principe de loyauté contractuelle, il y a lieu de condamner la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée à verser à la société Envéo Ingénierie, représentant le groupement EMTS/Envéo Ingénierie, la somme demandée ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Envéo Ingénierie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif et de condamner la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée à verser à la société Envéo Ingénierie, représentant le groupement EMTS/Enveo Ingénierie, la somme de 405 487,81 euros toutes taxes au titre de la rémunération de la maîtrise d'oeuvre ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Envéo Ingénierie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée le versement à la société Envéo Ingénierie, représentant le groupement Envéo Ingénierie/EMTS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1203034 du tribunal administratif de Toulon du 13 février 2015 est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée est condamnée à verser à la société Envéo Ingénierie, représentant le groupement EMTS/Envéo Ingénierie, la somme de 405 487,81 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : La communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée versera à la société Envéo Ingénierie, représentant le groupement EMTS/Envéo Ingénierie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Envéo Ingénierie, à la société EMTS et à la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 décembre 2016.

N° 15MA01487 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01487
Date de la décision : 12/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-12;15ma01487 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award