La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2016 | FRANCE | N°16MA01170

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2016, 16MA01170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A..., la société civile immobilière (SCI) Nana et la société civile immobilière (SCI) BML ont demandé au tribunal administratif de Marseille :

- de condamner la commune de Marseille à payer à la SCI Nana la somme de 357 000 euros et à Mme A... la somme de 15 575 euros, assorties des intérêts au taux légal et les intérêts étant capitalisés, en réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de la préemption illégale d'un immeuble situé 10, rue des Frères Merlot

Marseille ;

- de condamner la commune de Marseille à payer à la SCI BML la somme de 317 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A..., la société civile immobilière (SCI) Nana et la société civile immobilière (SCI) BML ont demandé au tribunal administratif de Marseille :

- de condamner la commune de Marseille à payer à la SCI Nana la somme de 357 000 euros et à Mme A... la somme de 15 575 euros, assorties des intérêts au taux légal et les intérêts étant capitalisés, en réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de la préemption illégale d'un immeuble situé 10, rue des Frères Merlot à Marseille ;

- de condamner la commune de Marseille à payer à la SCI BML la somme de 317 000 euros et à Mme A... la somme de 15 575 euros, assorties des intérêts au taux légal et les intérêts étant capitalisés, en réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de la préemption illégale d'un immeuble situé 8, rue des Frères Merlot à Marseille.

Par un jugement n° 1003310, 1003311 du 18 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marseille à verser, d'une part, à Mme A... la somme de 3 150 euros, d'autre part, à la société Nana une somme de 233 000 euros et, enfin, à la SCI BML la somme de 164 000 euros, lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2010 et les intérêts étant capitalisés au 20 janvier 2011 pour produire eux-mêmes intérêts.

Par un arrêt n° 12MA04845 du 25 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement du 18 octobre 2012 et rejeté les demandes présentées devant le tribunal administratif de Marseille par MmeA..., la SCI BML et la SCI Nana.

Par une décision n° 384802 du 4 mars 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt du 25 juillet 2014 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2012, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 avril 2014 et 2 mai 2016, la commune de Marseille, représentée par Me C..., demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1003310, 1003311 du 18 octobre 2012 du tribunal administratif de Marseille, de condamner le cas échéant MmeA..., la SCI BML et la SCI Nana à lui rembourser toute somme qu'elle pourrait être condamnée à leur payer et de mettre à la charge des intimées la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les deux décisions de préemption du 10 novembre 2009 étaient motivées par l'objectif concret de réaliser des logements sociaux à coûts maîtrisés et pouvaient l'être par référence au programme local de l'habitat ;

- il existait un intérêt général à mettre en oeuvre le programme local de l'habitat en ce qui concerne les deux immeubles en litige ;

- les décisions de préemption en litige ont été suivies d'une opération de rénovation et de production de logements sociaux ;

- subsidiairement, les préjudices subis par Mme A... ne sont pas la conséquence des illégalités alléguées des décisions de préemption et ne sont pas établis ;

- la délibération du 26 juin 2006 de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole approuvant le programme local de l'habitat a été transmise en préfecture le 7 juillet 2006 et publiée au recueil des délibérations de la communauté urbaine n° 4 de l'année 2006 ;

- par la délibération du 26 mars 2007, transmise en préfecture et régulièrement publiée, le conseil de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a délégué à la commune de Marseille le droit de péremption urbain ;

- le conseil des 4ème et 6ème arrondissements a émis un avis favorable le 2 février 2007, par une délibération transmise en préfecture ;

- l'opération immobilière a été terminée et entièrement louée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juin 2013 et 7 septembre 2016, Mme A..., la société civile immobilière (SCI) BML et la société civile immobilière (SCI) Nana concluent, dans le dernier état de leurs écritures, au rejet de la requête, par la voie d'un appel incident, à ce que la somme allouée à Mme A... soit portée à 16 150 euros et à la mise à la charge de la commune de Marseille de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la commune de Marseille ne justifie d'aucun projet concernant le 6ème arrondissement, et, a fortiori en ce qui concerne le quartier où sont implantés les immeubles en litige, qui ne se situe pas exactement dans le centre ville dans lequel la commune a mis en oeuvre des opérations programmées de l'habitat ;

- les décisions de préemption ne précisent pas quels types de logements sont concernés ;

- les décisions de préemption ont été motivées par l'hostilité de la commune envers Mme A... ;

- elles renoncent au moyen tiré de ce que la commune de Marseille n'aurait pas reçu de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole délégation de compétence pour le secteur concerné ;

- il convient d'indemniser la perte d'une plus-value subie par Mme A... ;

- ayant consacré des dizaines d'heures à son projet d'acquisition, le préjudice subi à ce titre par Mme A... doit être porté à 15 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Marseille, et de Me D..., représentant Mme A..., la SCI BML et la SCI Nana.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Marseille, a été enregistrée le 18 novembre 2016.

1. Considérant que, par des décisions 09/090 et 09/091 du 10 novembre 2009, le maire de la commune de Marseille a exercé le droit de préemption urbain sur des immeubles sis 8 et 10 impasse des frères Merlot, dans le sixième arrondissement de Marseille ; que Mme A..., la SCI BML et la SCI Nana, acquéreurs évincés, estimant que ces décisions de préemption étaient illégales, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à les indemniser des préjudices en résultant pour elles ; que, par un jugement du 18 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marseille à verser à Mme A... la somme de 3 150 euros, à la société Nana la somme de 233 000 euros et à la SCI BML la somme de 164 000 euros ; que, par un arrêt du 25 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et rejeté les demandes présentées par Mme A..., la SCI Nana et la SCI BML ; que, par une décision du 4 mars 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour pour qu'il y soit statué ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions et opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement " ; qu'au nombre des actions ou opérations mentionnées à l'article L. 300-1 figurent celles qui ont pour objet de mettre en oeuvre une politique de l'habitat ; que, selon les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 210-1 : " Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...)/ Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 302-12 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle le conseil de la communauté d'agglomération Marseille Provence Métropole a adopté son programme local de l'habitat : " La délibération adoptant le programme local de l'habitat est affichée pendant un mois au siège de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et dans les mairies des communes membres. Mention de cet affichage est insérée dans un journal diffusé dans le ou les départements intéressés " ; que l'article L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale. " ; qu'aux termes de l'article L. 2131-1 du même code: " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature. " ; que les dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation ne subordonnent pas à l'accomplissement des mesures de publicité qu'elles prévoient le caractère exécutoire de la délibération approuvant le programme local de l'habitat ; que la commune de Marseille justifie de la publication de la délibération du 21 juin 2006 qui a approuvé le programme local de l'habitat, et de sa transmission au représentant de l'Etat dans le département ; qu'ainsi, en applications des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, cette délibération était, en tout état de cause, exécutoire quand le maire de la commune de Marseille a exercé le droit de préemption ;

4. Considérant, d'autre part, que, lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences, résultant de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre de ce programme, et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe ; que les décisions de préemption du 10 novembre 2009 se réfèrent à la délibération précitée du 21 juin 2006 ; que le programme local de l'habitat et les documents annexés ont délimité un périmètre, dénommé centre ville, secteur géographique dans lequel se situent les parcelles d'assiette des immeubles préemptés, et où doivent être réalisées des opérations de requalification sur le parc existant de logements, notamment par des opérations programmées d'amélioration de l'habitat et des procédures opérationnelles, avec un objectif annuel de 1 000 logements réhabilités; que le maire de la commune de Marseille a pu légalement se référer dans les décisions de préemption en litige à la délibération qui a approuvé le programme local de l'habitat et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Marseille est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le maire de la commune de Marseille avait méconnu l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

6. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A..., la SCI BML et la SCI Nana, tant en première instance qu'en appel ;

7. Considérant, en premier lieu, que, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions de préemption en litige ont été prises, pour un motif d'intérêt général, en vue de la réalisation d'une opération répondant aux objectifs définis par les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 2 ; qu'au demeurant, la commune s'est portée acquéreur de ces immeubles et la société Marseille Habitat en a mené à bien la rénovation; que la circonstance que, sur trois immeubles mis en vente dans l'impasse des frères Merlot par l'Assistance Publique Hôpitaux de Marseille (APHM), aux n° 6, 8, 10, la commune de Marseille n'a exercé le droit de péremption urbain que sur les immeubles, situés aux n° 8 et 10, qu'envisageait d'acquérir Mme A..., n'est pas, dans ces conditions, de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si toute illégalité qui entache une décision de préemption constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle cette décision a été prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le vendeur ou l'acquéreur évincé lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision de préemption, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée ;

9. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, les formalités de publicité nécessaires à l'entrée en vigueur de la délibération du 21 mars 2006 portant approbation du programme local de l'habitat ont été accomplies ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le conseil du sixième arrondissement de Marseille a rendu un avis le 2 février 2007 préalablement à la délibération du 26 mars 2007 par laquelle le conseil de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a délégué à la commune de Marseille l'exercice du droit de préemption ; que les décisions de préemption comportent les noms, prénoms et qualité de leur signataire ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les circonstances, à les supposer avérées, que le signataire des décisions de préemption en litige ne justifierait pas d'une délégation de signature du maire de la commune de Marseille régulièrement publiée, et que l'acquéreur évincé n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de ces décisions, en méconnaissance, alléguée, des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, désormais codifiée à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, seraient à l'origine des préjudices allégués, alors qu'ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 6, les décisions de préemption sont légalement justifiées ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marseille à indemniser Mme A..., la SCI BML et la SCI Nana au versement des sommes visées au point 1; que la commune de Marseille est, par suite, fondée à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes présentées par Mme A..., la SCI BML et la SCI Nana devant le tribunal administratif de Marseille ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de ces dernières doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 18 octobre 2012 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme A..., la SCI BML et la SCI Nana devant le tribunal administratif de Marseille et leurs conclusions incidentes présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A..., la SCI BML et la SCI Nana sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marseille, à Mme B...A..., à la société civile immobilière BML et à la société civile immobilière Nana.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Busidan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.

2

N° 16MA01170


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award