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06/12/2016 | FRANCE | N°15MA03732

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2016, 15MA03732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de la décharger de l'obligation de payer résultant du titre exécutoire n° 002234 émis à son encontre le 29 août 2012 par la commune de Briançon, d'annuler ce titre exécutoire et de mettre à la charge de la commune de Briançon la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1206124 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a annulé le t

itre exécutoire n° 002234 émis le 29 août 2012 à l'encontre de Mme D..., a décharg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de la décharger de l'obligation de payer résultant du titre exécutoire n° 002234 émis à son encontre le 29 août 2012 par la commune de Briançon, d'annuler ce titre exécutoire et de mettre à la charge de la commune de Briançon la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1206124 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a annulé le titre exécutoire n° 002234 émis le 29 août 2012 à l'encontre de Mme D..., a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer la somme de 44 217,46 euros mise à sa charge par le titre exécutoire n° 002234 et a mis à la charge de la commune de Briançon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 septembre 2015, le 23 mai 2015 et le 2 novembre 2016, la commune de Briançon, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2015 ;

2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement n'est pas signée ;

- le tribunal s'est mépris sur la nature du contentieux qui lui était soumis ;

- le tribunal a appliqué le décret du 29 décembre 1962 alors que celui-ci était abrogé à la date à laquelle le jugement a été prononcé ;

- les documents qui étaient joints au titre exécutoire permettaient à Mme D... de connaître les bases de liquidation du titre exécutoire en litige ;

- Mme D... s'étant accordé frauduleusement les rémunérations dont le reversement lui est demandé n'est pas fondée à invoquer la prescription des sommes perçues plus de deux ans auparavant ;

- les compléments de rémunération en litige étaient illégaux et n'avaient pas été autorisés par les autorités communales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 décembre 2015, 14 juin 2016, 27 septembre 2016 et 8 novembre 2016, Mme D..., représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la commune de Briançon lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire ne justifie pas de sa qualité pour agir en justice au nom de la commune ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renouf,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me E... représentant la commune de Briançon et de Me A..., substituant MeF..., représentant MmeD....

1. Considérant que la commune de Briançon fait appel du jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé le titre exécutoire n° 002234 émis le 29 août 2012 à l'encontre de Mme D... et a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer la somme de 44 217, 46 euros ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par délibération du 17 avril 2014, le conseil municipal de Briançon a délégué sa compétence au maire de la commune pour agir en justice en son nom ; que, d'une part, cette délibération a été publiée et transmise au sous-préfet de Briançon dès le 23 avril 2014 ; que, d'autre part, la circonstance que le maire n'aurait pas postérieurement à l'introduction de l'instance rendu compte au conseil municipal de l'usage qu'il a fait de cette délégation est sans incidence sur la recevabilité de la requête ; qu'ainsi, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le maire de la commune de Briançon n'avait pas qualité pour introduire la requête ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que la commune de Briançon soutient, la minute du jugement attaquée porte les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

4. Considérant, d'autre part, que le tribunal, faisant droit à la demande qui lui était soumise, a déchargé Mme D... de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par le titre exécutoire dont il a prononcé l'annulation : qu'il ne s'est pas mépris sur la nature du contentieux qui lui était soumis ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette, alors même qu'il est émis par une personne publique autre que l'État pour lequel cette obligation est expressément prévue par l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 lequel, en tout état de cause, n'était pas abrogé lors de l'émission du titre en litige ; qu'en application de ce principe, la commune de Briançon ne pouvait imposer à Mme D... le reversement des sommes en litige sans indiquer, soit dans le titre lui même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fondait pour mettre les sommes en cause à la charge de l'intéressée ;

6. Considérant qu'en l'espèce, le titre exécutoire du 29 août 2012 précise avoir pour objet la restitution de sommes indûment perçues au titre de fonctions exercées par Mme D... en tant qu'agent de la commune de Briançon pendant une période qui est précisée ; qu'il n'est pas contesté qu'y était joint un état liquidatif établi le 6 juin 2012 et précisant pour chaque mois la nature et le montant des sommes en cause ; qu'ainsi, et alors au surplus que Mme D... n'établit pas que, contrairement à la mention expresse portée dans la partie du titre exécutoire décrivant le fait générateur, les bulletins de salaire de la période considérée n'y étaient pas annexés, les bases de liquidation de la dette étaient suffisamment précisées ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le fait que la commune aurait méconnu son obligation d'indiquer les bases de liquidation du titre exécutoire du 29 août 2012 pour décharger intégralement Mme D... des sommes mises à sa charge ;

7. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille ;

8. Considérant, en premier lieu, que le titre exécutoire contesté ne relève d'aucune des catégories visées par la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation en droit de cet acte est inopérant ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Briançon a constaté en avril 2012 que Mme D... percevait, depuis janvier 2007, en plus de son traitement et des indemnités statutaires liées à ses fonctions, dont la NBI et l'indemnité forfaitaire de travaux supplémentaires, une prime mensuelle variant entre 45 euros et 339,56 euros au titre d'astreintes, une indemnité au titre d'heures d'intervention d'un montant mensuel allant de 176 à 638 euros et une indemnité de travaux particuliers variant initialement entre 50 euros et 140 euros puis, à compter du mois de mai 2008, fixée à 100 euros ; que le titre exécutoire en litige porte sur

le montant total de ces rémunérations complémentaires pour la somme non contestée de

44 217, 46 euros ; que Mme D..., qui ne conteste pas qu'elle ne remplissait pas les conditions légales et réglementaires pour bénéficier de ces compléments de salaire, se borne à mettre en avant le fait qu'ils seraient acceptés par la commune ; que, cependant, d'une part, la circonstance que d'autres agents bénéficieraient des mêmes avantages est sans incidence sur la légalité des rémunérations complémentaires perçues par Mme D..., d'autre part, l'autorisation dont celle-ci se prévaut ne repose sur aucune délibération du conseil municipal et ne porte que sur les astreintes versées au titre de fonctions devant s'exercer au centre de loisirs, alors qu'elle a cessé de les accomplir dès le mois de septembre 2009 tout en continuant de percevoir l'indemnité d'astreinte correspondante, et, enfin, la charge particulière de travail invoquée, à supposer qu'elle soit effective, n'est pas de nature à justifier la perception des compléments de rémunération en litige en sus de l'indemnité forfaitaire de travaux supplémentaires qui a le même objet ; qu'ainsi, le caractère indu des versements dont la commune de Briançon demande le reversement est établi ;

10. Considérant, cependant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 37- I de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive./ Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement. " ;

11. Considérant que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le versement à Mme D... des sommes dont le reversement lui est demandé ne résulte pas de l'absence d'information de l'administration par l'intéressée de modifications de sa situation personnelle ou familiale ou de la transmission d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale au sens des dispositions précitées, la commune de Briançon étant par ailleurs parfaitement informée de la situation de Mme D... ; que, d'autre part, si Mme D... exerçait cumulativement à la date du versement des rémunérations complémentaires contestées les fonctions de directeur général adjoint des services et de directeur des ressources humaines et s'il est constant qu'étant chargée de la préparation des rémunérations des agents de la commune, elle était pour le moins en mesure d'apprécier le caractère irrégulier d'une large partie des rémunérations dont elle a bénéficié, ces circonstances ne suffisent pas, cependant, à établir que l'intéressée a agi frauduleusement, dès lors que les avantages indûment perçus n'étaient pas dissimulés et qu'il n'est pas sérieusement contesté que d'autres responsables administratifs de la commune bénéficiaient d'avantages similaires ; que, par suite, Mme D... est fondée à se prévaloir de la prescription instituée par les dispositions législatives précitées ;

12. Considérant qu'il résulte des chiffres portés sur l'état liquidatif établi le 6 juin 2012 et non contesté que le montant des sommes ainsi prescrites s'élève à la somme totale de 29 429,52 euros ; ; que la commune de Briançon est donc seulement fondée à soutenir que le montant de la décharge de l'obligation de payer accordée par le tribunal administratif de Marseille à Mme D... doit être ramené de 44 217, 46 euros à 29 429, 52 euros et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Briançon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Briançon et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de la décharge de l'obligation de payer accordée par le tribunal administratif de Marseille à Mme D... est ramené de 44 217, 46 euros à 29 429, 52 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Briançon est rejeté.

Article 4 : Mme D... versera à la commune de Briançon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Briançon et à Mme B...D....

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. Renouf, président assesseur,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.

N° 15MA03732 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03732
Date de la décision : 06/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL SDC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-06;15ma03732 ?
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