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21/11/2016 | FRANCE | N°16MA01947

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2016, 16MA01947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 octobre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1600925 du 9 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2016

, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 octobre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1600925 du 9 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2016, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un réexamen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en lui attribuant la charge de la preuve de l'absence de traitement médical dans son pays d'origine ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour et de communication de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- le préfet, qui s'est cru lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, n'a pas procédé à un examen individuel de sa demande ;

- la décision de refus de séjour viole les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- et les observations de Me A..., représentant M. B....

1. Considérant que M. B..., ressortissant ivoirien né en juillet 1972, entré en France selon ses déclarations en décembre 2013, a fait l'objet d'un refus de reconnaissance de la qualité de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 avril 2014 confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 13 octobre 2014 ; qu'il a sollicité le 6 mars 2015 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'il relève appel du jugement du 9 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 octobre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

3. Considérant que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ont indiqué dans le point 10 de leur jugement que M. B... " ne produit aucun élément probant complémentaire de nature à établir qu'il encourrait des risques le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine " ; que le jugement est ainsi suffisamment motivé ;

Sur le fond :

4. Considérant que M. B... reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté querellé et de l'absence d'examen individuel de sa situation par le préfet des Bouches-du-Rhône ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par les motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il convient, pour la Cour, d'adopter ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; que l'article R. 313-22 de ce code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions précitées, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;

6. Considérant qu'aucune disposition légale n'impose au préfet la communication des conclusions du rapport du médecin de l'agence régionale de santé au demandeur avant de prendre sa décision ; qu'en tout état de cause, cet avis a été produit par le préfet des Bouches-du-Rhône en première instance à l'appui de son mémoire en défense et a été communiqué à l'intéressé ;

7. Considérant que dès lors que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que le défaut de prise en charge de l'état de santé de M. B... n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la charge de la preuve de l'existence d'un traitement dans son pays d'origine n'incombe pas à l'administration ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas méconnu leur office en estimant que le requérant n'apportait pas la preuve de l'inexistence d'un tel traitement en Côte d'Ivoire ;

8. Considérant que M. B... se prévaut du rapport médical établi le 14 mars 2015 par un médecin agréé spécialiste en psychiatrie indiquant que ce dernier " souffre d'une profonde dépression mélancolique avec le sentiment d'être responsable de la mort de plusieurs amis", que son traitement associe un antidépresseur à de fortes doses d'anxiolytiques et un hypnotique et que l'absence de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé, décrit comme un homme " cassé ", présentant d'importantes idées morbides ; qu'il produit également un certificat médical du 16 février 2015, antérieur à l'arrêté critiqué, mentionnant qu'il est suivi par un centre médico-psychologique depuis le 25 novembre 2014 pour une symptomatologie anxiodépressive compatible avec un état de stress post-traumatique ; que, toutefois, saisi par le préfet des Bouches-du-Rhône de la demande de titre de séjour de M. B..., le médecin de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a indiqué, dans son avis émis le 10 avril 2015, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait un traitement approprié pour sa prise en charge médicale dans son pays d'origine ; que les documents produits par M. B... ne permettent pas de caractériser les conséquences d'exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale de sa pathologie ; que, par suite, il ne peut se prévaloir utilement de l'absence de traitement dans son pays d'origine, au demeurant non établie ; que si l'intéressé fait en outre valoir que ses difficultés de santé sont la conséquence d'évènements subis dans son pays d'origine, leur réalité n'est pas établie par les pièces versées au dossier et n'a été reconnue ni par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni par la cour nationale du droit d'asile lors de l'examen de sa demande d'asile ; que, dès lors, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité à M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône, qui ne s'est pas estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ainsi qu'il ressort des mentions portées dans l'arrêté querellé, n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant que pour les motifs exposés au point 8, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. B... ;

10. Considérant que dès lors que le requérant n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ;

11. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; qu'il ressort en tout état de cause des mentions portées dans l'arrêté querellé que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné s'il remplissait les conditions permettant de justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

13. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment s'agissant de la décision de refus de séjour, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, M. B... n'établit pas l'impossibilité d'accéder aux soins nécessaires au traitement de sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 8 avril 2014 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 octobre 2014 ; que l'intéressé ne justifie pas, par la production d'une lettre de son frère, au demeurant postérieure à la décision fixant le pays de destination, des risques qu'il serait susceptible d'encourir en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination de la mesure d'éloignement serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 novembre 2016.

3

N° 16MA01947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01947
Date de la décision : 21/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SELARL GOLDMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-21;16ma01947 ?
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