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21/11/2016 | FRANCE | N°15MA02939

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2016, 15MA02939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Clear Channel France a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 4 février 2013 par laquelle le maire de la commune de Cap d'Ail a résilié le marché du 23 décembre 2010 de " fourniture, installation, entretien et exploitation de mobilier urbain publicitaire et non publicitaires ", d'autre part, d'ordonner la reprise des relations contractuelles, et enfin de l'indemniser du préjudice subi, évalué à la somme de 187 795 euros, assortie des intérêts de ret

ard et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1300550 du 29 mai 2014, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Clear Channel France a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 4 février 2013 par laquelle le maire de la commune de Cap d'Ail a résilié le marché du 23 décembre 2010 de " fourniture, installation, entretien et exploitation de mobilier urbain publicitaire et non publicitaires ", d'autre part, d'ordonner la reprise des relations contractuelles, et enfin de l'indemniser du préjudice subi, évalué à la somme de 187 795 euros, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1300550 du 29 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Cap d'Ail à verser à la société Clear Channel France une somme de 91 124 euros, assortie des intérêts à compter du 18 mars 2013 et capitalisation des intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, la commune de Cap d'Ail, représentée par Me C... -D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2014, en tant qu'elle a été condamnée à verser la somme de 91 124 euros ;

2°) de rejeter la demande de la société Clear Channel France ;

3°) de mettre à la charge de la société Clear Channel France une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de résiliation a été régulière et n'avait pas à être précédée d'une nouvelle mise en demeure ;

- elle est fondée ;

- le quantum de la condamnation prononcée par les premiers juges n'a pas tenu compte des recettes perçues en 2013 et 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2016, la société Clear Channel France, représentée par Me B..., conclut :

- au rejet de la requête,

- par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la commune de Cap d'Ail à lui verser la somme de 187 795 euros ;

- au versement par la commune de Cap d'Ail d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune ne critique pas le vice d'incompétence retenu par les premiers juges ;

- la résiliation prononcée est irrégulière ;

- la décision de résiliation n'est pas fondée et est disproportionnée ;

- elle est fondée à demander la réparation intégrale de ses préjudices.

Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2016, la société Clear Channel France, qui maintient ses précédentes conclusions, soutient en outre que :

- la commune n'a pas validé les emplacements des dispositifs d'affichage municipal ce qui a généré pour elle une économie de 4 340 euros hors taxes ;

- il n'existe pas de facture par face publicitaire ;

- le caractère probant de l'attestation du commissaire aux comptes ne peut être contesté ;

- le taux d'occupation des faces d'affichage a été de 100 % pour les faces commercialisées en longue conservation et de 75 % pour les faces commercialisées en réseaux.

Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2016, la commune de Cap d'Ail, qui conclut aux mêmes fins que la requête, soutient en outre que :

- la société Clear Channel a bénéficié de recettes publicitaires issues de l'implantation irrégulière de deux panneaux publicitaires ;

- la société ne démontre pas, par un mode de calcul précis et vérifiable, le préjudice financier allégué.

Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2016, la société Clear Channel France maintient ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;

- les conclusions de M. Thielé, rapporteur public ;

- les observations de Me C... pour la commune de Cap d'Ail, et Me A... pour la société Clear Channel France.

1. Considérant que la commune de Cap d'Ail a confié à la société Clear Channel France, le 23 décembre 2010, un marché " de fourniture, installation, entretien et exploitation de mobilier urbain publicitaire et non publicitaire ", prévoyant au profit du titulaire le droit d'exploiter commercialement des faces d'affichage ; que ledit marché, d'une durée de six ans à compter du 1er janvier 2011, a été résilié par la commune de Cap d'Ail par décision du 4 février 2013 ; que par courrier en date du 18 mars 2013, la société Clear Channel France a formé une demande préalable d'indemnisation auprès de la commune de Cap d'Ail à hauteur de 187 795 euros ; que la commune d'Ail relève appel du jugement du 29 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à la société Clear Channel France une somme de 91 124 euros, assortie des intérêts à compter du 18 mars 2013 et de leur capitalisation ; que, par la voie de l'appel incident, la société Clear Channel France demande la condamnation de la commune de Cap d'Ail à lui verser la somme de 187 795 euros ;

2. Considérant qu'il incombe en principe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, de rechercher si cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et, dans cette hypothèse, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ;

Sur la légalité de la décision de résiliation :

3. Considérant en premier lieu, que la commune de Cap d'Ail ne conteste pas en appel le vice d'incompétence du maire de la commune à signer la décision de résiliation, retenu par les premiers juges;

4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 29 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services : " Principes généraux / Le pouvoir adjudicateur peut mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci, soit à la demande du titulaire dans les conditions prévues à l'article 31, soit pour faute du titulaire dans les conditions prévues à l'article 32, soit dans le cas des circonstances particulières mentionnées à l'article 30 (...) ". Aux termes de l'article 32 dudit cahier : " Résiliation pour faute du titulaire / 32.1. Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels (...). / 32.2. Sauf dans les cas prévus aux i, m et n du 32.1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. Dans le cadre de la mise en demeure, le pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 du cahier des clauses particulières applicables au marché litigieux : " Résiliation du marché. / En cas de non-respect par le titulaire du marché des engagements pris à l'égard de la commune de Cap d'Ail dans le cadre du présent marché (...), la commune aura la possibilité, après mise en demeure non suivie d'effet, dans un délai de huit jours, de procéder, aux frais du titulaire du marché, à la dépose d'office des mobiliers pour lesquels le titulaire du marché n'aurait pas respecté ses engagements. / Si le titulaire du marché ne régularise pas la situation dans un délai d'un mois à compter de la mise en demeure évoquée ci-dessus (...), la commune de Cap d'Ail aura la possibilité de résilier unilatéralement avec effet immédiat le présent marché, sans que le titulaire du marché puisse prétendre à une quelconque indemnité. Dans ce cas, les mobiliers urbains pourront être déposés d'office et les lieux remis en état par la ville de Cap d'Ail aux frais du titulaire du marché (...) " ;

5. Considérant que la commune de Cap d'Ail a mis en demeure, par courrier du 20 décembre 2012, reçu le 26 décembre 2012, la société Clear Channel France d'exécuter, sous un délai de un mois, les prestations de repositionnement de huit panneaux d'" affichage libre" et de pose d'un panneau supplémentaire, sous peine de résiliation du marché avec effet immédiat ; que, par décision en date du 4 février 2013, régulièrement notifiée à la société requérante, le maire de la commune a résilié le marché avec effet immédiat ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement des messages échangés entre les services techniques de la commune et les représentants de la société, que dès le 2 janvier 2013, le responsable du développement et des actifs de la société a proposé une rencontre avec le personnel de la commune afin d'effectuer une reconnaissance des sites d'intervention pour le repositionnement des 8 panneaux d'affichage libres et l'installation d'un nouveau panneau ; qu'un rendez-vous a finalement été fixé d'accord entre les parties le 29 janvier 2013, puis reporté au 7 février 2013, soit postérieurement au courrier de résiliation; que, par suite, alors même que le rendez-vous fixé est postérieur au délai d'un mois fixé dans le courrier de mise en demeure, la commune de Cap d'Ail ne peut utilement soutenir que la mise en demeure du 20 décembre 2012, reçue le 26 décembre 2012 est restée sans effet ;

7. Considérant en troisième lieu que les prestations, objet du marché de fourniture, installation, entretien et exploitation du mobilier urbain publicitaire et non publicitaire conclu entre les parties, consistent notamment en la fourniture et la pose de 14 panneaux d'affichage libre (affichage municipal, associatif...) qui deviendront propriété de la commune de Cap d'Ail dès leur réception ; que dès le 15 février 2011, puis les 31 mars 2011 et 14 avril 2011, la société a demandé à la commune de lui délivrer les autorisations de voirie nécessaires pour les emplacements retenus ; que toutefois, le 11 mai 2011, la commune revenait sur ses choix d'implantation et ne ratifiait les emplacements retenus que fin juin 2011, pour finalement, lors d'une réunion le 17 janvier 2012, demander qu'un avenant au marché soit signé afin que la société prenne à sa charge la dépose, la remise en état et la repose de 8 panneaux " affichage municipal " déjà installés sur le territoire de la commune et l'ajout d'un seul panneau au lieu des 14 panneaux d'affichage libre prévus ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dès le 16 mars 2012, la société Clear Channel France s'est engagée à exécuter les prestations de repositionnement de huit panneaux d'affichage libre et de pose de panneau supplémentaire à la condition d'obtenir les arrêtés d'autorisation de voirie afférentes ainsi que la signature de l'avenant correspondant ; que la commune de Cap d'Ail, qui n'établit pas avoir défini les emplacements retenus et délivré en temps utile les autorisations de voirie nécessaires, ne peut utilement soutenir que la société Clear Channel France a fait preuve de négligence dans l'exécution du marché ; qu'il en résulte que la décision litigieuse de résiliation du marché avec effet immédiat et aux torts exclusifs de la société qui n'est pas justifiée, est illégale ;

8. Considérant que si la société Clear Channel ne demande plus la reprise des relations contractuelles, elle maintient ses conclusions indemnitaires ;

Sur l'indemnité :

9. Considérant, en premier lieu, que la société Clear Channel France ne démontre pas avoir procédé à la dépose des panneaux publicitaires régulièrement implantés avant le 12 juillet 2013 ; que, par suite, la commune est fondée à soutenir, par ce moyen qui pouvait être présenté pour la première fois en appel dès lors qu'il ne repose pas sur une cause juridique nouvelle de celle invoquée en première instance, que la période indemnisable ne court qu'à compter du 12 juillet 2013 ; qu'il résulte de ce qui précède, qu'il y a lieu de prendre en compte la marge nette dont la société a été privée du fait de la décision de résiliation litigieuse à la date effective de dépose dudit mobilier, à savoir à compter du 12 juillet 2013 ;

10. Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents établis par le commissaire aux comptes de la société Clear Channel France que le préjudice s'élève, pour la période du 31 mars 2013 au 10 décembre 2013, à la somme de 36 468 euros, de 52 278 euros pour l'année 2014, de 52 494 euros pour l'année 2015 et de 46 455 euros pour l'année 2016 ;

11. Considérant toutefois, qu'au titre de l'année 2013, ainsi que cela ressort du considérant 9, il n'y a lieu de ne prendre en compte que la marge nette dont la société a été privée du fait de la décision de résiliation à la date effective de dépose dudit mobilier, à savoir du 12 juillet 2013 au 31 décembre 2013, soit au prorata du nombre de jours la somme de 24 838,06 euros ; que la société reconnaît elle-même, par un mémoire postérieur aux documents établis par le commissaire aux comptes, ne pas avoir dépensé une somme supplémentaire de 4 340 euros dès lors qu'elle n'a pas réalisé la pose des dispositifs d'affichage municipal ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, après prise en compte des éléments certifiés par le commissaire aux comptes au titre de l'année 2014 (52 278 euros), de l'année 2015 (52 494 euros), de l'année 2016 (46 455 euros), de la somme de 24 838,06 euros au titre de l'année 2013, et de la déduction de la somme de 4 340 euros, de relever le montant de la condamnation prononcée par les premiers juges de 91 124 euros à 171 725,06 euros, et de réformer le jugement dans cette mesure ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la commune de Cap d'Ail doivent être rejetées et que la société Clear Channel France est seulement fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité que le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Cap d'Ail à lui verser soit portée à la somme de 171 725,06 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Clear Channel France, qui n'est pas partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la commune de Cap d'Ail sur ce fondement ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cap d'Ail une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Clear Channel France et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 91 124 euros que la commune de Cap d'Ail a été condamnée à verser à la société Clear Channel France, par l'article 1er du jugement du 29 mai 2014, est portée à 171 725,06 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Cap d'Ail versera une somme de 2 000 euros à la société Clear Channel France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Clear Channel France et la requête de la commune de Cap d'Ail sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cap d'Ail et à la société Clear Channel France.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 novembre 2016.

2

N° 15MA02939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02939
Date de la décision : 21/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : KATTINEH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-21;15ma02939 ?
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