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21/11/2016 | FRANCE | N°15MA02902

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2016, 15MA02902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme ENIT SA a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale à lui verser la somme de 1 900 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, résultant de son éviction systématique des procédures de passation des marchés.

Par un jugement n° 1102167 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête, enregistrée le 13 juillet 2015, la société anonyme ENIT SA, représentée par la société d'avo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme ENIT SA a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale à lui verser la somme de 1 900 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, résultant de son éviction systématique des procédures de passation des marchés.

Par un jugement n° 1102167 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2015, la société anonyme ENIT SA, représentée par la société d'avocats Chabas et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mai 2015 ;

2°) de condamner la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale à lui verser la somme de 2 400 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exception de chose jugée ne s'applique pas à une situation qui s'est poursuivie dans le temps ;

- elle a été irrégulièrement écartée de l'ensemble des marchés passés par la société du canal de Provence entre 2000 et 2011 ;

- les manquements reprochés dans l'exécution du marché n° 2644 ne lui sont pas imputables et ne justifient pas le refus d'agrément de sa candidature ou l'absence de consultation pour les marchés que la société a conclus ;

- elle avait des chances sérieuses d'emporter les marchés et a droit à être indemnisée de son préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2016, la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, représentée par la société d'avocats Roustan-Beridot conclut au rejet de la requête et demande le versement par la société ENIT SA d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours en indemnisation est irrecevable ;

- il est dénué de tout fondement.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 5 octobre 2016, la société ENIT SA conclut aux mêmes fins que la requête, et demande en outre, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert.

Elle soutient que :

- l'exception de chose jugée doit être exécutée ;

- la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige ;

- elle n'a jamais été consultée pour les marchés en litige ;

- le préjudice est établi dès lors qu'elle avait des chances sérieuses de remporter les marchés en cause.

Par une lettre en date du 10 octobre 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré, d'une part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande de la société ENIT SA à être indemnisée de son éviction de marchés passés au nom de la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, d'autre part, de ce que la demande indemnitaire de la société ENIT SA est mal dirigée.

Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2016, la société ENIT SA, en réponse au moyen d'ordre public, soutient que la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale a la qualité de concessionnaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;

- les conclusions de M. Thiéle, rapporteur public ;

- les observations de Me A...pour la société ENIT SA, et de Me B...pour la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale.

1. Considérant que la société ENIT SA relève appel du jugement du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale à lui verser la somme de 1 900 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et résultant de son éviction systématique des procédures de passation des marchés ;

2. Considérant que la société ENIT SA fait grief à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, avec laquelle la société requérante, spécialisée dans la construction de réseaux d'adduction d'eau et d'assainissement, concluait depuis plus de trente ans des marchés de travaux, de l'avoir fautivement exclue de la passation de marchés à compter de l'année 2000, année au cours de laquelle s'est élevé un différend entre elles à raison de manquements par la société ENIT SA à ses obligations contractuelles lors du marché n° 2644, branchements particuliers ;

3. Considérant que la société anonyme d'économie mixte société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale a reçu la concession, par décret du 15 mai 1963, des travaux de construction du canal de Provence et de l'aménagement agricole et hydraulique de la région provençale ; qu'elle assure la gestion et l'entretien, outre d'ouvrages qu'elle a réalisés, d'un certain nombre d'ouvrages qui appartiennent à l'Etat et qui assurent l'alimentation en eau des agriculteurs, industriels, particuliers et communes en vertu de contrats passés avec la société, laquelle perçoit en contre partie une rémunération sous forme de redevance ;

4. Considérant d'une part, que la société d'économie mixte société du Canal de Provence est une personne morale de droit privé, bien qu'elle soit investie d'une mission de service public ; que les marchés conclus par elle en sa qualité de concessionnaire des travaux de construction de canaux d'irrigation ne sont pas des contrats de droit public ;

5. Considérant d'autre part, que si les marchés conclus par la société d'économie mixte société du canal de Provence en qualité de mandataire de personnes publiques soumises au code des marchés publics sont des contrats administratifs, il appartient à la société ENIT SA, si elle entend obtenir réparation de préjudices consécutifs à des fautes du mandataire du maître d'ouvrage dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées, de rechercher la responsabilité du maître d'ouvrage, seule engagée à son égard, et non celle du mandataire, y compris dans le cas où ce dernier a signé les marchés conclus avec la société ENIT SA, dès lors que le mandataire intervient au nom et pour le compte du maître d'ouvrage, et n'est pas lui même partie à ce marché ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître du litige opposant la société ENIT SA à la société anonyme d'économie mixte société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale ;

7. Considérant qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler le jugement du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille s'est reconnu à tort compétent pour connaître de la demande de la société ENIT SA, et par la voie de l'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société du Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société ENIT SA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de la société ENIT SA le versement à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale la somme demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mai 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société ENIT SA devant le tribunal administratif est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions de la société ENIT SA et de la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ENIT SA et à la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 novembre 2016.

2

N° 15MA02902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02902
Date de la décision : 21/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal - Autorité de la chose jugée.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP CHABAS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-21;15ma02902 ?
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