Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société française de restauration (SFR) a demandé au tribunal administratif de Nice, le 13 août 2012, de condamner l'Etat, représenté par le ministre de la défense, à lui verser la somme de 134 809,84 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au coût de la location des modules de cuisine mis à sa disposition sur le site de Cuers-Pierrefeu pour assurer l'exécution du marché de restauration collective dont elle était titulaire ;
Par un jugement n° 1202255 du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Toulon, auquel a été transmise la demande de la SFR, a , par l'article 1er du jugement, condamné l'Etat à lui verser la somme de 56 605,50 euros toutes taxes comprises et assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 14 août 2013 ainsi qu'à chaque échéance annuelle, par l'article 2, condamné la SFR à verser à l'Etat la somme de 185 373,50 euros toutes taxes comprises et assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 27 mai 2014 ainsi qu'à chaque échéance annuelle, par l'article 3, condamné la société Valenguy Provence à verser à l'Etat la somme de 28 519 euros toutes taxes comprises et assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2015, ces intérêts étant le cas échéant capitalisés à compter du 10 mars 2016, par l'article 4, a réparti les frais d'expertise entre l'Etat, la SFR et la société Valenguy Provence à raison respectivement de 26 605,25 euros, 69 173,65 euros et 10 642,09 euros et, par l'article 5, a mis à la charge de la SFR et de la société Valenguy Provence la charge des intérêts dus sur les frais d'expertise mis à la charge provisoire de l'Etat.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 12 octobre 2016, la SFR, représentée par la SCPA Courteaud-Pelissier, agissant par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 avril 2015 en tant qu'il n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 56 605,50 euros toutes taxes comprises ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser, à titre principal, la somme totale de 112 717,25 euros hors taxes soit 135 260,70 euros toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 14 août 2013 ainsi qu'à chaque échéance ultérieure et, à titre subsidiaire, la somme de 63 557,75 euros hors taxes soit 76 269,30 toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012, ces intérêts étant capitalisés à compter du 14 août 2013 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative outre le remboursement du timbre fiscal de 35 euros.
Elle soutient que :
- le tribunal a retranché à tort de la somme de 112 717,25 euros hors taxes la somme de 65 546 euros alors que la location de modules de cuisine provisoires a été nécessaire jusqu'à la fin du mois de septembre 2003 ;
- une quote-part de responsabilité ne peut être mise à sa charge.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2016, et deux mémoires complémentaires enregistrés les 7 et 12 octobre 2016, le ministre de la défense s'en remet à la sagesse de la Cour et au rejet de l'appel formé par la société Valenguy Provence.
Il soutient que :
- la somme de 65 546 euros hors taxes, que demande la société requérante, ne peut être comprise dans l'indemnisation des conséquences du sinistre et ne doit pas être, en tout état de cause, laissée à la charge exclusive de l'Etat ;
- sa demande présentée devant le tribunal et tendant à la condamnation de la société Valenguy Provence à lui verser la somme de 28 519 euros constituait un appel en cause et était recevable ;
- le moyen tiré de l'irrecevabilité de ces conclusions ne peut être soulevé d'office dès lors que la demande de la société Valenguy Provence est irrecevable puisque l'appel de la SFR porte sur la condamnation de l'Etat à son profit ;
- en tout état de cause, cet appel, qualifié d'incident par la société Valenguy Provence, constitue un appel principal formé au-delà du délai d'appel de deux mois courant à compter de la notification du jugement.
Par un mémoire, enregistré le 22 juillet 2016, la société Valenguy Provence, représentée par Me A..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 avril 2015 et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une violation des droits de la défense ;
- sa responsabilité ne peut être engagée.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de première instance du ministère de la défense dirigées contre la société Valenguy Provence, qui relevaient d'un litige distinct.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Markarian,
- les conclusions de M. Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant la SCPA Courteaud-Pelissier, pour la société française de restauration et de Me A... pour la société Valenguy Provence.
1. Considérant que, par un marché notifié le 14 novembre 2001, le ministère de la défense a confié à la société française de restauration (SFR), dénommée auparavant Sodexho, un marché à bons de commande pour assurer les prestations de restauration collective au sein du restaurant d'entreprise des personnels civils de l'atelier industriel de l'aéronautique de Cuers-Pierrefeu (AIE-CP), service du ministère de la défense ; que la SFR a sollicité du tribunal administratif de Nice la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 134 809,84 euros toutes taxes comprises correspondant au coût de la location des modules de cuisine mis en place sur le site de Cuers-Pierrefeu pour assurer, à la suite de l'incendie survenu le 11 janvier 2002, l'exécution du marché de restauration ; que le ministre de la défense a conclu au rejet de cette demande et, par voie reconventionnelle, a demandé au tribunal, d'une part, de condamner la SFR à lui verser la somme de 185 190 euros toutes taxes comprises correspondant aux travaux de remise en état du site et, d'autre part, de condamner la société Valenguy Provence, fournisseur de l'équipement à l'origine du sinistre, à lui verser la somme de 28 519 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal ; que la SFR, qui relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser seulement la somme de 56 605,50 euros toutes taxes comprises, doit être regardée comme demandant la réformation de l'article 1er du jugement attaqué ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant que la demande indemnitaire présentée par la SFR devant le tribunal tendait au paiement des frais de location de deux cuisines mobiles nécessaires à la poursuite de son activité après la destruction de la cuisine de l'AIE-CP lors de l'incendie survenu le 11 janvier 2002 et porte ainsi sur l'exécution du marché, auquel elle se réfère expressément, qui lui a été attribué par le ministère de la défense, pour une durée de trois ans, pour assurer les prestations de restauration collective du restaurant de l'AIE-CP ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6.2 de l'annexe C au marché à bons de commande notifié à la SFR le 18 novembre 2001 et relatif aux moyens immobiliers : " L'AIA-CP met à la disposition du titulaire les locaux à titre précaire et gratuit, sans occupation privative. Cette occupation cesse obligatoirement avec la fin du marché, que ce soit à une date contractuelle ou toute autre date (ex : résiliation). Les locaux techniques de restauration, les installations, les matériels et le mobilier mis à la disposition du titulaire sont décrits dans un inventaire prévu aux paragraphes 6.2.2 et 6.3 ci après. Pendant la durée du contrat, le titulaire en assure l'entretien préventif et curatif ainsi que le remplacement si nécessaire. Il assure également les contrôles réglementaires imposés pour les établissements recevant du public (...) 6.2.1 : L'AIA-CP prend en charge, outre les risques du propriétaire qui lui incombe, l'assurance des risques locatifs tels que notamment dégâts des eaux, incendies, explosions, dommages électriques afférents aux locaux définis ci-dessus sauf si la responsabilité du titulaire est engagée. L'AIA-CP prend également en charge l'alimentation électrique, le chauffage et la ventilation des infrastructures ainsi que toutes opérations d'entretien et de contrôles réglementaires y afférents (...) ; 6.3.1 Gros matériel : L'AIA-CP met à la disposition du titulaire le gros matériel (installations frigorifiques de cuisine, meubles, batterie de cuisine, matériel de salle à manger...) en bon état de fonctionnement ; 6.3.5 Sécurité incendie : L'entretien des réseaux et matériels relatifs à la sécurité incendie est à la charge de l'AIA-CP (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SFR a installé deux cuisines mobiles provisoires, dès le 23 janvier 2002 et jusqu'au 30 septembre 2003, afin d'exécuter ses obligations contractuelles ; qu'elle demande, en appel, le remboursement des frais de location exposés durant les six derniers mois de cette période ; que compte tenu des défaillances relevées par les experts dans les installations de la cuisine du restaurant de l'AIE-CP, qu'il s'agisse de la non-conformité des installations électriques des cuisines, des moyens de lutte contre l'incendie, du système d'alarme incendie, des insuffisances du dispositif de désenfumage et de ventilation ainsi que de l'agencement des locaux, la direction des travaux maritimes du ministère de la défense a en effet choisi de ne pas refaire les locaux à l'identique et de modifier leur agencement en opérant notamment une nouvelle répartition des appareils de cuisson afin d'améliorer le fonctionnement de la cuisine du restaurant de l'AIE-CP ; que l'expert a évalué à six mois le délai nécessaire pour la mise au point de cette restructuration qui dépassait en conséquence la simple remise en état des locaux ; que ce délai de six mois n'est contesté, ni par la société requérante, ni par le ministère de la défense ; que cette modification des installations durant une période complémentaire de six mois résulte d'un choix exclusif du ministère de la défense qui devait toutefois, en application des stipulations contractuelles du marché de restauration, mettre à disposition de son cocontractant, durant ces travaux, le gros matériel de cuisine ; que la SFR est par suite fondée à demander le remboursement des frais de location des cuisines mobiles qu'elle a exposés durant cette période de six mois ; que le présent litige n'ayant plus trait aux conséquences directes de l'incendie, il n'y a pas lieu de retenir une quelconque part de responsabilité à la charge de la SFR ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SFR est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à obtenir également le remboursement de la somme de 65 546 euros hors taxes correspondant aux frais de location des modules de cuisine engagés durant les six derniers mois de la période de location ; que la somme que l'Etat a été condamné à verser à la SFR par l'article 1er du jugement doit dès lors être portée à la somme totale de 112 717,25 euros hors taxes ;
6. Considérant que la loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 a porté, à compter du 1er janvier 2014, le taux normal de TVA applicable aux prestations de service de 19,6 % à 20 % ; qu'en vertu de l'article 269 du code général des impôts, applicable en l'espèce, le fait générateur en matière de prestations de service se produit " au moment où (...) la prestation de services est effectuée ", alors que la taxe ne devient exigible que " lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) " ; que le fait générateur comme l'exigibilité de la taxe ne pouvant en l'espèce intervenir qu'après la détermination de la rémunération par le juge administratif, c'est-à-dire en tout état de cause après le 1er janvier 2014, la somme de 112 717,25 euros doit être augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %, ce qui correspond à une somme de 135 260,70 euros toutes taxes comprises ; qu'ainsi que l'a demandé la SFR à l'appui de sa demande présentée le 13 août 2012 devant le tribunal administratif de Nice, cette somme sera assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de cette date ; que la SFR a également demandé la capitalisation des intérêts ; que cette demande prend effet à compter du 13 août 2013, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;
Sur les conclusions de la société Valenguy Provence :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : "Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie (...) " ; qu'il incombe au juge administratif, saisi d'une requête en appel, d'examiner si celle-ci a été formée dans le délai ainsi fixé qui commence à courir à compter de la date où l'appelant a reçu notification régulière du jugement le concernant ; que le dossier de première instance ne comportant pas l'avis de réception de la lettre recommandée adressée le 17 avril 2015 à la société Valenguy Provence ni aucune autre pièce permettant de déterminer cette date, le délai de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative ne peut être regardé comme ayant couru ; que le mémoire enregistré le 22 juillet 2016 doit par suite être regardé comme un appel principal ;
8. Considérant que les conclusions présentées par l'Etat devant le tribunal administratif de Toulon, tendant à ce que la société Valenguy Provence, fournisseur de l'équipement à l'origine de l'incendie, soit condamnée à lui verser la somme de 28 519 euros toutes taxes comprises, qui n'émanaient pas du demandeur et n'étaient pas un appel en garantie, relevaient d'un litige distinct de celui qui était l'objet de l'instance engagée par la SFR sur un fondement contractuel ; que ces conclusions étaient par suite irrecevables ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué invoqués par la société Valenguy Provence, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 28 519 euros toutes taxes comprises ;
Sur les conclusions de la SFR relatives aux dépens :
10. Considérant qu'à la date de son enregistrement, la requête de la SFR n'a pas donné lieu au paiement de la contribution pour l'aide juridique de 35 euros, au nombre des dépens mentionnés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que les dispositions des articles R. 411-2 et R. 411-2-1 de ce code imposant cette obligation ont été abrogées par le décret n° 2013-1280 du 29 décembre 2013 ; que les conclusions de la SFR ne peuvent ainsi, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SFR et la société Valenguy Provence en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à la SFR par l'article 1er du jugement du 17 avril 2015 est portée à 135 260,70 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 13 août 2012, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 13 août 2013 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées devant le tribunal administratif de Toulon et tendant à la condamnation de la société Valenguy Provence à lui verser la somme de 28 519 euros toutes taxes comprises sont rejetées.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4: Le surplus des conclusions de la SFR est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société Valenguy Provence sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société française de restauration, au ministre de la défense et à la société Valenguy Provence.
Délibéré à l'issue de l'audience du 17 octobre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 novembre 2016.
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N°15MA02482