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25/10/2016 | FRANCE | N°15MA05022

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 25 octobre 2016, 15MA05022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 27 mai 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau a décidé sa mise à la retraite d'office pour invalidité.

Par un jugement n° 1403981 du 30 octobre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2015, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour

:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 octobre 2015 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 27 mai 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau a décidé sa mise à la retraite d'office pour invalidité.

Par un jugement n° 1403981 du 30 octobre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2015, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 octobre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 27 mai 2014 du directeur du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau la plaçant à la retraite d'office pour invalidité ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de son inaptitude au travail au regard de son état de santé ;

- il n'a pas respecté son obligation de reclassement prévue par l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2016, les hôpitaux du bassin de Thau, représentés par la SCP d'avocats Schmidt-C... -Pelissier-Thierry-Eard-Aminthas et Tissot, concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement définitif du 29 novembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier fait obstacle à ce que la requérante invoque à nouveau son aptitude médicale à occuper un poste de travail aménagé ;

- en tout état de cause, les différents rapports médicaux attestent de son inaptitude totale à occuper un poste ;

- le seul poste proposé au titre de l'obligation de reclassement a été refusé par la requérante.

Un mémoire présenté pour Mme D... a été enregistré le 12 octobre 2016 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physiques et aux congés de maladie des agents de la fonction publique territoriale ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... représentant le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau.

1. Considérant que le 7 avril 2006, Mme D..., préparatrice en pharmacie titulaire, a été victime d'un accident du travail en cherchant à ouvrir le rideau de fer de la pharmacie du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, désormais dénommé les hôpitaux du bassin de Thau, ce qui lui a occasionné une hernie discale L4-L5 ; qu'elle n'a pas repris ses fonctions depuis cette date ; qu'elle a été placée en congé pour accident de service à compter du 3 octobre 2007 ; qu'après avis favorables du 14 avril 2011 de la commission de réforme et du 14 septembre 2011 de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le directeur du centre hospitalier, par décision du 16 septembre 2011, l'a placée d'office en retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2011 ; que, saisi par la requérante, le tribunal administratif de Montpellier, par jugement du 30 avril 2014, a annulé cette décision ; qu'en exécution de ce jugement, le centre hospitalier a pris la nouvelle décision en litige du 27 mai 2014, portant mise à la retraite pour invalidité de Mme D... à compter du 1er octobre 2011 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur l'exception de chose jugée opposée par le centre hospitalier :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1351 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. " ; que l'autorité de chose jugée dont est revêtu un jugement s'attache à son dispositif et aux points qu'il a tranchés implicitement ou explicitement et qui viennent au soutien de son dispositif ;

3. Considérant que, par jugement du 29 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier, saisi d'une demande indemnitaire de Mme D... en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis résultant de son accident de travail, a estimé notamment que la décision du 16 septembre 2011 du centre hospitalier portant mise à la retraite d'office pour invalidité n'était pas entachée d'illégalité en l'absence de toute possibilité d'opérer un reclassement de Mme D... du fait de son inaptitude à occuper un poste au centre hospitalier et a rejeté pour ce motif les indemnités demandées au titre de la perte de revenus consécutive à cette mise à la retraite d'office ; que ce jugement n'est revêtu que de l'autorité relative de la chose jugée ; que, dans le présent litige, Mme D... demande l'annulation de la nouvelle décision du 27 mai 2014 du centre hospitalier la plaçant à la retraite d'office ; qu'en l'absence d'identité d'objet du présent recours avec le litige jugé par le tribunal, dans son jugement du 29 novembre 2013, le centre hospitalier n'est pas fondé à se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par cette décision juridictionnelle ni n'est fondé à soutenir que la requérante ne pourrait contester à nouveau l'appréciation portée par le directeur du centre hospitalier sur son aptitude médicale à occuper un emploi ;

Sur le fond :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 8 juin 1989: " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé ;

6. Considérant que la requérante ne conteste pas qu'elle n'était plus apte, en raison de son état de santé, à occuper le poste de préparatrice en pharmacie qu'elle occupait et que ce poste, qui exigeait de porter du poids et de pousser de lourds engins à roulettes, ne pouvait être adapté à son état physique ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport établi le 16 septembre 2011, soit 4 ans après l'accident de service, par l'expert désigné dans le cadre d'une autre instance par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier pour évaluer les préjudices subis par Mme D... résultant de son accident du travail, que, selon l'expert, l'engagement de la procédure de la mise à la retraite d'office n'est pas justifiée au motif que la requérante peut exercer une activité administrative ou d'accueil au centre hospitalier de Sète ; que l'expert ne mentionne aucune difficulté pour l'intéressée à garder la position assise et ne conclut pas à une inaptitude physique et définitive à tout emploi ; qu'il fixe notamment un déficit fonctionnel permanent de 10 % et confirme la date de consolidation de son état de santé au 28 novembre 2007 ; que le DrB..., saisi par le centre hospitalier dans le cadre de la reconnaissance de son accident du travail, conclut dès le 3 octobre 2007 à la possibilité d'une reprise professionnelle de la requérante avec un aménagement du poste de travail, sans conclure à une inaptitude définitive de l'intéressée à tout emploi ; que la circonstance que le médecin du travail, dans son avis du 30 novembre 2010 et que le comité médical, dans son avis du 14 avril 2011 et la commission de réforme, dans sa séance du 19 avril 2011, tous saisis dans le cadre de la demande datée du 16 novembre 2010 de la requérante d'être mise à la retraite avant qu'elle ne retire cette demande le 6 février 2011, ont conclu à l'inaptitude définitive de l'intéressée à occuper tout emploi n'est pas de nature à contredire les conclusions précises et circonstanciées de l'expert judiciaire sur l'absence d'inaptitude définitive de Mme D... à tout emploi ; que, d'ailleurs, la requérante a demandé à reprendre une activité professionnelle ; que, dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le directeur du centre hospitalier a estimé qu'elle était inapte définitivement à occuper tout emploi pour prononcer sa mise à la retraite d'office pour invalidité ; que le centre hospitalier devait donc, avant de procéder au licenciement de Mme D..., mettre en oeuvre la procédure de reclassement sur un poste adapté à son état de santé ;

8. Considérant que le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, dénommé désormais hôpitaux du bassin de Thau, est implanté sur quatre sites relevant de sa direction, soit Sète, Agde, Marseillan et Vias ; qu'il a fait une proposition de reclassement le 6 octobre 2010 à la requérante pour un poste au service de la pharmacie sur le site hospitalier d'Agde ; que la requérante a refusé ce poste au motif qu'il exigeait plus de 15 minutes, à compter de son domicile, de position assise de transport en train ou en voiture, ce que son état de santé ne pouvait supporter selon elle ; que la requérante ne conteste pas que le médecin du travail a validé la conformité de ce poste avec son état de santé ; que l'expert judiciaire, dans son rapport du 16 septembre 2011, rapporte les dires de Mme D... sur ses difficultés à rester plus de 15 minutes assise, sans s'en approprier la teneur ; que ce motif de refus ne permet pas de regarder le poste comme n'étant pas adapté à l'état de santé de la requérante ; que, toutefois, la requérante fait valoir sans être contestée qu'un poste d'adjoint administratif comptable et polyvalent à la pharmacie du site hospitalier de Sète, lieu de son domicile, était vacant à compter de fin octobre 2010 et que ce poste lui a été refusé pour des raisons inexpliquées par le centre hospitalier ; que le centre n'établit pas non plus qu'aucun autre poste adapté à l'état de santé de Mme D... n'aurait été vacant sur un des sites, placés sous sa direction, pendant la période où la recherche d'emploi de reclassement devait être menée ; que, dans ces conditions, et ainsi que le fait valoir la requérante, le centre hospitalier ne peut être regardé, compte tenu des possibilités existant au sein du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau et des sites placés sous sa direction et eu égard au motif de refus avancé par Mme D..., comme ayant satisfait à son obligation de reclassement dans un autre emploi au terme d'une recherche sérieuse de reclassement ; que, par suite, il n'a pas pu légalement prononcer la mise à la retraite d'office pour invalidité de la requérante ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander tant l'annulation de ce jugement que de la décision du 27 mai 2014 du directeur du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la présente instance :

10. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, dénommé désormais hôpitaux du bassin de Thau, la somme de 2 000 euros à verser à la requérante au titre de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 30 octobre 2015 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La décision du 27 mai 2014 du directeur du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, désormais dénommé hôpitaux du bassin de Thau, versera à Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et aux hôpitaux du bassin de Thau.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- Mme F..., première conseillère,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 octobre 2016.

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N° 15MA05022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA05022
Date de la décision : 25/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.

Procédure - Jugements - Chose jugée.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : GROUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-25;15ma05022 ?
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