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18/10/2016 | FRANCE | N°16MA00959

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 18 octobre 2016, 16MA00959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer l'annulation de la décision en date du 13 novembre 2014 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1501525 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête, l'a condamné au paiement d'une amende pour recours abusif et a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par décision

du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Montpelli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer l'annulation de la décision en date du 13 novembre 2014 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1501525 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête, l'a condamné au paiement d'une amende pour recours abusif et a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Montpellier du 20 janvier 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mars 2016, M. C...E..., représentée par Me D... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 juin 2015 ;

2°) d'annuler la décision préfectorale du 13 novembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me D...de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

M. E...soutient que :

- l'affaire a été dispensée d'instruction par les premiers juges en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative ;

- que lors de l'audience publique du 18 juin 2015, le rapporteur public a prononcé des conclusions communes pour six affaires en méconnaissance des dispositions de l'article R. 732-1 du code de justice administrative ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en l'absence d'éléments de fait propres au requérant ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par une précédente décision portant obligation de quitter le territoire du 12 juillet 2013, qui ne pouvait plus être exécutée ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, sa demande d'asile ne présentant pas un caractère abusif et ne pouvant faire échec à l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 12 juillet 2013 ;

- le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée et l'amende pour recours abusif qui lui a été infligée sont injustifiés.

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une décision du 18 janvier 2016, M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boyer,

- et les observations de MeA..., substituant MeD..., pour M. E....

1. Considérant que M.E..., de nationalité nigériane, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 novembre 2014 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ; qu'il relève appel du jugement en date du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, l'a condamné au paiement d'une somme de 1200 euros pour recours abusif et a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Montpellier du 20 janvier 2015 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'art R. 611-8 du code de justice administrative : " Lorsqu'il apparaît au vu de la requête que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le président du tribunal administratif ou le président de la formation de jugement ou, à la cour administrative d'appel, le président de la chambre ou, au Conseil d'Etat, le président de la sous-section peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction " ; que la circonstance que le tribunal administratif de Montpellier a fait application de cette disposition en dispensant d'instruction la requête formée par M. E... n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par lui ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " ; qu'aux termes de l'article R. 732-1 du même code : " après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites " ; que ni ces dispositions, ni aucun autre texte, ne faisaient obstacle à ce que, lors de l'audience du 18 juin 2015, le rapporteur public prononçât des conclusions communes à la présente affaire et à cinq autres dossiers qui, s'ils concernaient des requérants distincts, étaient également relatifs à des refus d'admission au séjour prononcés par le préfet de l'Hérault ; que, de même, la circonstance que le rapporteur public a écarté comme non sérieux sans les détailler l'ensemble des moyens de légalité externe est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif ;

4. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que M. E... ne saurait soutenir que la violation des dispositions des articles R. 611-8 et R. 732-1 du code de justice administrative serait de nature à révéler que les premiers juges auraient manqué à l'obligation d'impartialité ;

Sur la légalité de la décision du 13 novembre 2014 :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de la décision contestée, qui se réfère à l'article L. 741-4-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que la demande d'admission au séjour présentée par M. E... est destinée à faire échec à une obligation de quitter le territoire français en date du 12 juillet 2015, expose les considérations de droit et de fait sur lesquels elle repose ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. " ; qu'en retenant que la demande de M. E... avait pour but de faire échec à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 12 juillet 2013, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application qu'il a faite des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir sur ce point des dispositions de l'article L. 551-1 du même code, qui concernent les conditions auxquelles est subordonné le placement en rétention administrative ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru lié par la mesure d'éloignement prise le 12 juillet 2013 ;

7. Considérant en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter, le 19 juin 2013, le recours formé par M. E... contre la décision du 22 août 2012 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile a regardé le récit des prétendues exactions dont l'intéressé lui-même et les membres de sa famille auraient été victimes au Nigéria, comme peu vraisemblable et peu circonstancié ; que le requérant ne présente aucun document ou témoignage à l'appui de ce récit ; que s'il produit un certificat du DrB..., médecin psychiatre, en date du 6 août 2013 dans lequel il est indiqué qu'il présente un syndrome psycho-traumatique sévère, ce document ne permet pas, par la simple évocation d'une concordance entre la forme d'expression de ce syndrome et les évènements relatés par l'intéressé, de démontrer l'existence même de ces évènements ; que, par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre provisoirement au séjour et en transmettant sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault en date du 13 novembre 2014, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction formulées par M. E... ne peuvent être accueillies ;

Sur l'amende pour recours abusif et le retrait de l'aide juridictionnelle :

10. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros. " ;

11. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 50 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes. // Il est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : // (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive. " ; qu'aux termes de l'article 51 de cette même loi : " (...) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle. " ;

12. Considérant qu'en l'espèce, la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Montpellier ne présentait pas de caractère abusif ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier lui a infligé une amende de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ; qu'il est pour le même motif également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a prononcé le retrait total de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée par décision du 20 janvier 2015 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Montpellier ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions de M. E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 juin 2015 condamnant M. E... à payer une amende pour recours abusif est annulé.

Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 juin 2015 prononçant le retrait de l'aide juridictionnelle totale qui avait été accordée à M. E... par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Montpellier du 20 janvier 2015 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Me D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2016.

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N° 16MA00959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00959
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-04


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BOYER
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-18;16ma00959 ?
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