La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2016 | FRANCE | N°15MA04121

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 18 octobre 2016, 15MA04121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 mai 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1504679 du 18 septembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 octobre 2015 et le 23 janvier 2016, M.

D..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2015...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 mai 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1504679 du 18 septembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 octobre 2015 et le 23 janvier 2016, M. D..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2015 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la décision refusant l'admission au séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision n'est pas compatible avec les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les dispositions des articles L. 313-11-6° et L. 511-4-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour entraîne l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'illégalité du refus d'admission au séjour et de l'obligation de quitter le territoire français entraîne l'illégalité de la décision fixant le délai de départ volontaire ;

- le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire adapté à l'ancienneté de son séjour en France.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les observations de Me E... représentant M. D....

1. Considérant que M. D..., ressortissant tunisien, a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que par le jugement attaqué du 18 septembre 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur la légalité de la décision portant refus d'admission au séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 19 mai 2015, qui vise notamment la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait état de ce que M. D... est entré en France le 20 septembre 2012 démuni de visa, de ce que les documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour ne justifient pas qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française, et indique qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans ; que le préfet, qui n'était tenu, au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, de mentionner que les seuls éléments qui ont fondé la décision portant refus de séjour, a ainsi suffisamment précisé les considérations de fait et de droit sur lesquels repose cette décision, alors même qu'il n'a pas fait référence à la cellule familiale que M. D... prétend avoir reconstituée ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

4. Considérant que M. D... se prévaut de ce qu'il est le père d'une enfant de nationalité française, née le 16 juillet 2013 et prénomméeC..., qu'il a reconnue le 23 mai 2013 ; que, toutefois, les documents produits par le requérant, à savoir notamment des attestations rédigées par Mme A..., la mère de l'enfant, par des voisins de celle-ci et par des médecins, ainsi qu'un bon de réservation d'un voyage à destination de la Tunisie daté du 4 avril 2014, délivré au nom de M. D..., de Mme A..., de leur fille et des deux enfants de Mme A... nés d'une précédente union, sont insuffisants pour démontrer l'exactitude de l'allégation de l'appelant selon laquelle il mènerait une vie commune avec la jeuneC... et la mère de celle-ci ; qu'elles ne suffisent pas davantage, alors que les deux factures d'achat de vêtements pour enfants en date des 9 et 10 juin 2015 et les deux mandats cash en date des 10 juin et 3 août 2015 également versés aux débats sont postérieurs à l'arrêté contesté, à démontrer qu'à la date de cet arrêté le requérant participait effectivement à l'entretien et l'éducation de la jeune C...depuis sa naissance ; que, dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en 2012, à l'âge de trente-trois ans, après avoir vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine, dans lequel il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales ; que par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne justifie pas vivre avec la mère de la jeuneC..., ni contribuer de manière effective à l'entretien et l'éducation de son enfant ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont donc pas été méconnues ; que pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D... ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, M. D... ne rapporte pas la preuve d'une contribution effective à l'entretien et l'éducation de la jeune C...; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant en prenant l'arrêté contesté ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il suit de ce qui a été dit précédemment que M. D... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposée serait illégale ; que, dès lors, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, M. D... ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant de nationalité française depuis sa naissance ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 7, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français aurait méconnu les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant selon lesquelles : " - 1. Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. " ;

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. Considérant d'une part que, dès lors qu'il ne démontre pas que les décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français seraient illégales, M. D... ne saurait exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de la décision fixant le délai de départ volontaire ;

13. Considérant d'autre part que, si le requérant soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône " aurait dû fixer un délai de départ volontaire adapté à la durée de son séjour en France ", il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, notamment aux points 4 et 6, qu'en fixant à trente jours le délai dans lequel il devait volontairement quitter le territoire français le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 octobre 2016.

''

''

''

''

N° 15MA04121 2

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04121
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : DELANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-18;15ma04121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award