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17/10/2016 | FRANCE | N°16MA00253

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2016, 16MA00253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 février 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du Nigéria, d'autre part l'arrêté du 5 mai 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné son placement en rétention.

Par un jugement n° 1501363 du 7 mai 2015, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 février 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du Nigéria, d'autre part l'arrêté du 5 mai 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné son placement en rétention.

Par un jugement n° 1501363 du 7 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2016, MmeF..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 mai 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 février 2015 en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français à destination du Nigéria et l'arrêté du 5 mai 2015 ordonnant son placement en rétention ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de Me C...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision se fonde sur le même examen que celui du refus de séjour qui n'a pas été réel et complet du fait que le préfet ne l'a pas mise en mesure d'apporter tous nouveaux éléments utiles à l'examen de sa situation ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne le pays de destination :

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision de placement en rétention :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté est également entaché d'un vice de procédure ;

- le préfet a commis une erreur de droit dans la mesure où elle ne s'est pas soustraite à une précédente mesure d'éloignement et qu'elle n'avait aucune intention de fuir ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par une décision en date du 30 novembre 2015, Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé par le président de la formation de jugement.de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Markarian ;

- et les observations de MeE..., substituant MeC..., pour MmeF....

1. Considérant que Mme A...F..., ressortissante nigériane née le 12 décembre 1977, est entrée en France, selon ses déclarations, en février 2013 et a déposé une demande d'asile ; que sa demande a été rejetée le 23 mars 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont la décision a été confirmée le 19 novembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile, le préfet de l'Hérault a refusé, le 2 février 2015, de l'admettre au séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois en désignant le Nigéria comme pays de destination ; qu'à la suite d'un contrôle d'identité opéré le 5 mai 2015, le préfet de l'Hérault lui a notifié le même jour son placement au centre de rétention administrative de Nîmes ; que Mme F...relève appel du jugement en date du 7 mai 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté, en application de l'article R. 776-17 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2015 portant obligation de quitter le territoire français à destination du Nigéria et de l'arrêté du 5 mai 2015 ordonnant son placement en rétention ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI " ;

3. Considérant qu'après le rejet de sa demande d'asile, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour présentée par la requérante au motif qu'elle ne remplissait ni les conditions posées par le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir attribuer une carte de résident, ni celles de l'article L. 313-11 du même code pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire ; que si le préfet indique également, parmi les motifs de la décision portant refus de séjour, que l'intéressée n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour, et doit, par suite, être réputé avoir examiné si l'intéressée était susceptible de recevoir l'un des titres de séjour dont la loi dispose qu'ils sont attribués de plein droit, le préfet n'en était pas pour autant tenu de l'inviter à compléter sa demande de titre de séjour après rejet le 6 mars 2013 de sa demande d'asile et ne peut être regardé, pour ce motif, comme n'ayant pas procédé à un examen sérieux de sa demande de titre de séjour ; qu'il appartenait à la requérante de produire, si elle s'y croyait fondée, tous éléments utiles à l'appui de sa demande de titre de séjour ; que la requérante ne peut dès lors soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, seule en litige dans la présente instance, serait également entachée, pour le même motif, d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ; que cette décision ne méconnaît pas, par suite, les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

5. Considérant que si la requérante soutient de nouveau en appel qu'elle a été victime de violences conjugales qui l'ont amenée à fuir son pays, l'OFPRA et la CNDA qui avaient connaissance de ces éléments ont estimé les déclarations de la requérante confuses et peu convaincantes ; qu'elle se borne à invoquer les exactions perpétrées au Nigéria par le groupe terroriste Boko Haram sans apporter toutefois d'éléments nouveaux de nature à établir ses allégations alors que ses précédentes déclarations n'ont pas permis de tenir pour établis les faits invoqués et les craintes de persécution fondées en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'en désignant le Nigéria comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet de l'Hérault ne peut dès lors être regardé comme ayant méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

6. Considérant que le préfet de l'Hérault a accordé à Mme D...B..., sous-préfète chargée de mission et secrétaire générale adjointe, par arrêté n° 2014-I-1341 du 31 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, et accessible aux parties sur le site internet de la préfecture, délégation de signature à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...),en cas d'empêchement de M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre, d'autre part de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. " ; que les décisions relatives aux attributions de l'Etat dans le département comprennent notamment les décisions préfectorales en matière de police des étrangers, au nombre desquelles figurent les décisions de placement en rétention administrative des étrangers ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ; que, dès lors que l'article 43 du décret susvisé du 29 avril 2004 dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission ", Mme F...n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la délégation de signature consentie à Mme D...B..., qui respecte les dispositions précitées, serait illégale pour être trop générale ;

7. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 611-1 du même code : " Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1,78-2,78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale ou de l'article 67 quater du code des douanes, il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue. / L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : / 1° Du droit d'être assisté par un interprète ; / 2° Du droit d'être assisté par un avocat désigné par lui ou commis d'office par le bâtonnier (...) / 3° Du droit d'être examiné par un médecin désigné par l'officier de police judiciaire. Le médecin se prononce sur l'aptitude au maintien de la personne en retenue et procède à toutes constatations utiles ; / 4° Du droit de prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix (...) " ;

8. Considérant que les mesures de contrôle et de retenue que prévoient ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire ou décide son placement en rétention ; que, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, les conditions dans lesquelles l'audition de Mme F...s'est déroulée sont sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'interprète qui l'a assistée n'était pas repris sur la liste des interprètes traducteurs en langue anglaise arrêtée par le procureur de la République le 19 avril 2011 doit en tout état de cause être écarté ;

9. Considérant que la mesure de rétention étant fondée sur les dispositions du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur l'article L. 511-1 II 3) d du même code, le moyen tiré de la violation de ces dernières dispositions à l'encontre de la décision en litige est inopérant ; que la décision de rétention énonce en outre que l'intéressée, qui ne justifie pas d'un document d'identité ni d'un domicile fixe, ne présente pas de garanties suffisantes pour envisager une assignation à résidence, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant sans délai de départ volontaire, présente un risque de fuite et ne présentait pas par suite de garanties effectives de représentation ; que Mme F...n'est pas par suite fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2015 l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois à destination du Nigéria et la plaçant par arrêté du 5 mai 2015 en rétention administrative ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré à l'issue de l'audience du 3 octobre 2016, où siégeaient :

M. Moussaron, président,

Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

Mme Markarian, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2016.

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N° 16MA00253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00253
Date de la décision : 17/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-17;16ma00253 ?
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