Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 février 2013 par lequel le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pouvait être exécutée d'office.
Par une ordonnance du 12 juillet 2013, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 13MA05031 du 23 décembre 2014, la Cour administrative de Marseille a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Montpellier pour qu'il y soit statué.
Par un jugement n°1500789 du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de MmeE....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2016 MmeE..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mai 2015 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault du 28 février 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa demande en lui délivrant dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil Me A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet ne peut sans erreur de droit se fonder sur les seules décisions de l'Office de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile pour estimer qu'elle n'encourt aucun traitement contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans examiner les risques dont elle fait état en cas de retour au Kosovo ;
- l'obligation de quitter le territoire est privée de base légale dès lors qu'elle n'entre pas dans un des cas prévus aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur de droit en se fondant sur les décisions de l'Office de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
- cette décision est également entachée d'erreur d'appréciation eu égard aux persécutions subies par la minorité rom au Kosovo.
Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme.E....
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués contre les décisions en litige n'est fondé, et se réfère à l'argumentation qu'il a développée en première instance.
Mme E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un arrêté du 28 février 2013, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour formée par MmeE..., de nationalité kosovare, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pouvait être exécutée d'office ; que l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande d'annulation de cet arrêté ; que, par arrêt du 23 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'ordonnance en date du 12 juillet 2013 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier avait rejeté sa demande et renvoyé l'affaire à ce tribunal afin qu'il y soit statué ; que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de la demande de Mme E... par un jugement du 28 mai 2015, dont celle-ci interjette appel après avoir obtenu l'aide juridictionnelle ;
Sur la légalité des décisions du préfet de l'Hérault du 28 février 2013 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige mentionne les textes applicables, notamment les articles 3, 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et fait état des différentes procédures suivies par Mme E...devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile en vue d'obtenir la qualité de réfugié ; qu'il mentionne également la situation personnelle de l'intéressée au regard de son droit au séjour, sa situation familiale caractérisée par son entrée en France avec son époux se trouvant dans la même situation qu'elle au regard de l'asile et leurs trois enfants mineurs, et examine les risques encourus par l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de l'insuffisance et du caractère stéréotypé de la motivation de la décision de refus de séjour en méconnaissance des exigences des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 doit, par suite, être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort ni des motifs de l'arrêté en litige, qui précise notamment que l'intéressée n'établit pas courir de risques pour sa vie en cas de retour dans son pays, ne justifie d'aucun droit de se maintenir sur le territoire et ne démontre pas l'impossibilité de regagner son pays d'origine, ni des autres pièces du dossier que la situation de Mme E...n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, et que le préfet de l'Hérault se serait cru, à tort, lié par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile sur sa demande tendant au bénéfice du statut de réfugié ; que le moyen tiré de l'erreur de droit du préfet ne peut donc être accueilli ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article L. 741 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à cet article, au nombre desquelles figure le fait que : " (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet " ;
5. Considérant que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour opposé à un demandeur d'asile ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre les décisions par lesquelles le préfet, après notification du rejet par l'Office de la demande d'asile traitée dans le cadre de la procédure prioritaire, refuse le séjour et oblige l'étranger à quitter le territoire français ;
6. Considérant en revanche que, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'Office fondée sur le 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission au séjour à raison du caractère frauduleux ou abusif du recours aux procédures d'asile mentionné au 4° de cet article et qu'elle n'ait pas été contestée ou qu'elle n'ait pas été annulée par le juge administratif ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans l'hypothèse où il estime que tel n'était pas le cas, et alors même que l'intéressé n'avait pas été effectivement admis à séjourner en France, cet étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E... et son époux, entrés en France le 28 mars 2011, ont demandé l'asile auprès de la préfecture de Vaucluse et se sont vu refuser l'un et l'autre la qualité de réfugié politique par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 6 mai 2011, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 20 mars 2012 ; que Mme E... a immédiatement déposé une nouvelle demande d'asile en préfecture de l'Hérault le 12 avril 2012 sous une autre identité, un rapprochement n'ayant pu être fait avec sa première demande que par relevé des empreintes de l'intéressée dans le cadre de l'application Eurodac ; que le préfet de l'Hérault a alors pris à l'encontre de l'intéressée un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français le 26 avril 2012, en constatant l'existence d'une fraude ; que M. E... a quant à lui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français par le préfet de Vaucluse le 21 mai 2012 ; que ni M. ni Mme E...n'ont déféré à ces mesures d'éloignement ; qu'ils ont demandé le 29 novembre 2012 le réexamen de leur situation par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, demandes rejetées le 23 janvier 2013 par l'Office ; que ce rejet a été au demeurant confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 12 septembre 2013 ; que dans ces circonstances, le préfet de l'Hérault a pu à bon droit estimer que la demande de réexamen présentée par Mme E...devait, en l'absence au surplus d'invocation de faits nouveaux, être regardée comme ayant eu pour seul objet de faire échec à la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre ; qu'elle entrait dès lors, dans le champ d'application des dispositions précitées des articles L. 742-6 et L. 741-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français édictée le 28 février 2013 méconnaissait ces dispositions doit être écarté ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E..., entrée sur le territoire français en mars 2011 accompagné de son époux et de ses trois enfants mineurs, résidait en France depuis moins de deux années à la date des décisions en litige ; que son époux, également de nationalité kosovare, se trouvait dans la même situation qu'elle au regard du droit au séjour ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; qu'en se bornant à faire état de manière très peu circonstanciée de l'absence d'attaches conservées au Kosovo ainsi que de sévices ou discriminations subis par sa famille et par elle-même dans ce pays, la requérante n'établit pas le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions en refusant de l'admettre au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l 'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
10. Considérant que Mme E...fait état de son appartenance à la minorité rom, et soutient être menacée de persécutions en cas de retour au Kosovo où sa famille aurait vécu temporairement dans un camp, et où son époux et elle-même auraient subi de graves sévices ; que toutefois, les seuls éléments produits tant devant les premiers juges qu'en appel ne sont pas de nature à démontrer la réalité des raisons avancées de son départ pour la France, ni celle des risques auxquels elle allègue être exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le préfet de l'Hérault, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié à tort par les appréciations portées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ;
11. Considérant que pour les motifs indiqués au point précédent, Mme E...ne démontre pas davantage que le préfet aurait entaché sa décision fixant le pays de destination d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 28 février 2013 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeE..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée au titre des frais exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens au conseil de MmeE..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; que les conclusions présentées en ce sens par Me A...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...épouse E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouseE..., à Me D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2016.
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N° 16MA00332