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10/10/2016 | FRANCE | N°15MA04788

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2016, 15MA04788


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Anima Investissements et la société Accira Holding BV ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 19 juin 2014 par laquelle le maire de la commune de La Colle-sur-Loup a décidé d'exercer le droit de préemption sur un terrain cadastré section AX 50,51,52 sis 467 rue de Cagnes appartenant aux consorts E...et la décision du 1er juillet 2014 maintenant, après recours gracieux, l'exercice de ce droit de préemption.

Par un jugement n° 1403312 du 15 octobre 2015, le tr

ibunal administratif de Nice a annulé la décision du 19 juin 2014 et mis à la ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Anima Investissements et la société Accira Holding BV ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 19 juin 2014 par laquelle le maire de la commune de La Colle-sur-Loup a décidé d'exercer le droit de préemption sur un terrain cadastré section AX 50,51,52 sis 467 rue de Cagnes appartenant aux consorts E...et la décision du 1er juillet 2014 maintenant, après recours gracieux, l'exercice de ce droit de préemption.

Par un jugement n° 1403312 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 19 juin 2014 et mis à la charge de la commune de La Colle-sur-Loup la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser aux sociétés Anima Investissements et Accira Holding BV.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2015 sous le n° 15MA04788, la commune de La Colle-sur-Loup, représentée par Me C...H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 octobre 2015 ;

2°) de rejeter le recours pour excès de pouvoir de la SARL Anima Investissements et de la société Accira Holding BV ;

3°) de mettre solidairement à la charge des sociétés Accira Holding BV et Anima Investissements la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à payer à la commune de La Colle-sur-Loup.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ;

- les sociétés requérantes doivent justifier de leur intérêt à agir ;

- la notification de la décision d'exercice du droit de préemption n'est intervenue que le 23 juin 2014 en raison d'un cas de force majeure ;

- la notification de la décision d'exercice du droit de préemption n'est pas tardive ; en effet, le délai de notification expirant un dimanche, il est normalement prorogé au prochain jour ouvrable, soit le lendemain ;

- le recours à l'envoi par Chronopost présente des garanties équivalentes à celles d'un envoi par courrier recommandé avec AR ;

- pour faire reste de droit, la commune poursuit un objectif de réalisation de logements sociaux et est déficitaire à l'heure actuelle.

Par un mémoire, enregistré le 9 mai 2016, les consortsE..., représentés par Me A...B..., ont présenté des observations ;

Ils informent la Cour de ce qu'ils étaient toujours tenus par une promesse de vente les liant aux sociétés Anima Investissements et Accira Holding BV.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, la SARL Anima Investissements et la société Accira Holding BV, représentées par Me F...G..., concluent à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Nice et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de La Colle-sur-Loup de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur intérêt à agir est justifié ;

- la notification est tardive ;

- la force majeure ne peut pas justifier la suspension du délai de notification de la décision d'exercice du droit de préemption ;

- l'envoi de la décision par Chronopost ne présente pas les garanties équivalentes à l'envoi d'un courrier par lettre recommandé avec accusé de réception exigé à l'article R. 213-25 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne sur la computation des délais et l'état de ses ratifications ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

-et les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de La Colle-sur-Loup relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 19 juin 2014 par laquelle le maire de la commune a décidé de préempter le bien cadastré section AX 50 à 52 sis 467 route de Cagnes au motif que la commune était réputée avoir renoncé à exercer son droit de préemption dès lors que la décision de préemption avait été présentée après l'expiration du délai de notification ;

Sur l'intervention des consortsE... :

2. Considérant que les consorts E...justifient de ce qu'ils sont liés aux sociétés requérantes de première instance par une promesse de vente qui n'est pas caduque ; qu'ils doivent être regardés comme intervenants volontaires au soutien de la défense en appel des sociétés Accira Holding et Anima Investissements ; qu'ils justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête, dès lors qu'ils sont propriétaires du bien préempté et ont promis la vente aux sociétés requérantes du bien concerné par la décision de préemption ; que leur intervention est dès lors recevable ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que si la commune fait valoir que le tribunal a omis de lui communiquer l'intégralité des pièces lui ayant permis de statuer, il ressort de ses propres écritures qu'elle a été destinataire d'une part d'un extrait de la promesse de vente suffisant pour établir que les sociétés Anima investissements et Accira hoding BV disposaient d'une promesse de vente des biens en cause et, d'autre part, de la première et de la dernière des pages de l'avenant à la promesse de vente ; que ces deux pages permettaient de s'assurer que l'avenant prorogeait la promesse de vente, tant à l'égard de la société Anima, que de la société Accira holding BV ; qu'ainsi, et dès lors que ces pièces suffisaient à établir l'intérêt à agir des deux sociétés, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en s'abstenant de communiquer l'intégralité de la promesse de vente et de son avenant ; que par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;

Sur le fond :

4. Considérant que les sociétés Anima Investissements et Accira Holding BV sont bénéficiaires d'une promesse de vente en date du 29 juillet 2009, consentie par les consortsE..., héritiers, à la suite du décès de M. D... E..., d'un bien cadastré section AX 50 à 52 sis 467 route de Cagnes à La Colle-sur-Loup ; que cette promesse de vente a été prorogée le 1er septembre 2010 par avenant entre les parties, et n'est donc pas caduque ;

5. Considérant que par décision du 19 juin 2014, le maire de la commune de La Colle-sur-Loup a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur ce bien ; que les sociétés Anima Investissements et Accira Holding BV ont la qualité d'acquéreurs évincés en raison de cette décision du 19 juin 2014, et justifient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité à agir par la voie du recours pour excès de pouvoir contre ladite décision ;

6. Considérant que l'article L. 213-2 du Code de l'urbanisme dispose que : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. (...)Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. " ; qu'en vertu de l'article R. 213-5 du même code : " la déclaration par laquelle le propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption manifeste l'intention d'aliéner ce bien (...) est adressée à la mairie de la commune où se trouve situé le bien, par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal, ou déposée contre décharge. " ; qu'aux termes de l'article R. 213-7 dudit code : " le silence gardé par le titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article L. 213-2 vaut renonciation à l'exercice de ce droit de préemption. Ce délai court à compter de la date de l'avis de réception ou de la décharge de la déclaration faite en application de l'article R. 213-5 " ; qu'il résulte des articles R. 213-8 et R. 213-9 du même code que le titulaire du droit de préemption doit notifier sa décision sur l'exercice du droit de préemption au propriétaire du bien ; qu'aux termes de l'article R. 213-25 de ce code : " Les demandes, offres et décisions du titulaire du droit de préemption et des propriétaires prévues par le présent titre sont notifiées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par acte d'huissier ou par dépôt contre décharge ".

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ; que, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles précitées du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat ; que la réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption ;

8. Considérant qu'il est établi et non contesté par les parties que la commune a réceptionné le 22 avril 2014 la déclaration d'intention d'aliéner émanant du notaire, mandataire des consorts E...; qu'ainsi, le délai de deux mois dont disposait la commune pour exercer ce droit de préemption expirait le 22 juin 2014 à minuit ; que ce délai ne présentant pas le caractère d'un délai de procédure au sens de l'article 642 du code de procédure civile, les dispositions de cet article selon lesquelles le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, ne lui sont pas applicables ; que par suite, la commune de La Colle-sur-Loup ne peut se prévaloir desdites dispositions pour soutenir que, le 22 juin 2014 étant un dimanche, le délai de deux mois expirait le premier jour ouvrable suivant ; qu'elle ne peut davantage se prévaloir des stipulations de la convention européenne sur la computation des délais signés à Bâle le 16 mai 1972, dès lors que cette convention n'a pas été ratifiée par la France ; que la circonstance que l'envoi de la décision du 19 juin 2014 par Chronopost serait conforme aux formes prescrites par l'article R. 213-25 du code de l'urbanisme est sans incidence sur le litige ;

9. Considérant que la commune ne peut pas utilement soutenir que la notification tardive de sa décision constituerait un cas de force majeure dès lors qu'elle n'assortit cette allégation d'aucun élément permettant d'apprécier les caractères imprévisible et irrésistible du retard dans la notification de la décision de préemption ;

10. Considérant qu'il résulte de tout qui précède que la commune de La Colle-sur-Loup n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision de préemption du 19 juin 2014 ; que la commune ayant la qualité de partie perdante à l'instance, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

11. qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Colle-sur-Loup une somme de 1 000 euros à verser à la SARL Anima Investissements et une somme de 1 000 euros à verser à la société Accira Holdings BV au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention des consortsE..., héritiers de M. D... E...est admise.

Article 2 : La requête de la commune de La Colle-sur-Loup est rejetée.

Article 3 : La commune de La Colle-sur-Loup versera à chacune des sociétés Anima Investissements et Accira Holding BV une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Colle-sur-Loup, à la SARL Anima Investissements, à la société Accira Holding BV et aux consortsE....

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2016.

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N° 15MA04788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04788
Date de la décision : 10/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SCP FRANCK BERLINER DUTERTRE LACROUTS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-10;15ma04788 ?
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