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12/09/2016 | FRANCE | N°15MA04351

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 septembre 2016, 15MA04351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 juin 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1404072 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 novembre 2015 et 6 juillet 2016, sous le n° 15MA04351, Mme D..., représentée par Me B..., demande à

la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 juin 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1404072 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 novembre 2015 et 6 juillet 2016, sous le n° 15MA04351, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 juin 2014 susvisé ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre du préjudice subi résultant de l'atteinte à sa vie privée et familiale ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la décision de la Cour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours de la notification de l'arrêt de la Cour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle serait accordée, la somme de 1 500 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait ;

- les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exigent pas la présentation d'un visa de long séjour ;

- cette condition lui était inapplicable en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne ;

- le préfet de l'Hérault a commis une erreur d'appréciation quant à l'absence de ressources suffisantes ;

- l'arrêté querellé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York sur les droits de l'enfant et n'a pas suffisamment examiné sa situation et celle de ses enfants au regard de ces stipulations ;

- la décision querellée lui a causé un préjudice dès lors qu'elle ne peut ni travailler ni mener une vie familiale normale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens contenus dans la requête n'est fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C-200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. C... Pocheron en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme D..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 3 juillet 2015 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 juin 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le précise l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...). Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. " ; qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain précité : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel l'accord franco-marocain ne déroge pas : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des textes précités que si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de ce texte est subordonnée, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a sollicité un titre de séjour portant la mention " salarié " à l'appui duquel elle a présenté une demande d'autorisation de travail en date du 5 février 2014 pour un emploi de technicienne de surface ; que, toutefois, elle n'a produit aucun visa de long séjour tel qu'exigé par l'article L. 311-7 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes :1° S'il exerce une activité professionnelle en France ;/2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du code précité : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. " ; que selon l'article R. 121-1 du même code : " Tout ressortissant mentionné au premier alinéa de l'article L. 121-1 muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité est admis sur le territoire français, à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Tout membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3, ressortissant d'un Etat tiers, est admis sur le territoire français à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il soit muni, à défaut de titre de séjour délivré par un Etat membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " en cours de validité, d'un passeport en cours de validité, d'un visa ou, s'il en est dispensé, d'un document établissant son lien familial. L'autorité consulaire lui délivre gratuitement, dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, le visa requis sur justification de son lien familial. Toutes facilités lui sont accordées pour obtenir ce visa. " ;

7. Considérant que Mme D... soutient que la condition relative à la possession d'un visa de long séjour lui était inapplicable en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point n° 5, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'absence de visa de long séjour pour refuser à l'intéressée un titre de séjour en qualité de salariée et non en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ; qu'en conséquence, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation en rejetant pour ce motif sa demande de titre de séjour " salarié " ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois: [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) " ; que ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes ; que l'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie ; que, dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles ;

9. Considérant que la jouissance effective du droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil par un citoyen de l'Union mineur implique nécessairement le droit pour celui-ci d'être accompagné par la personne qui en assure effectivement la garde ; que Mme D... tire ainsi de sa qualité de mère de deux enfants mineurs, citoyens de l'Union, le droit de séjourner en France, Etat membre d'accueil, sous la double condition de disposer de ressources suffisantes et d'une couverture d'assurance maladie appropriée ; que Mme D... soutient qu'elle dispose d'un droit au séjour en sa qualité de parent d'enfants de nationalité espagnole ; que, toutefois, à la date de l'arrêté critiqué, ses ressources, constituées par des aides du département de l'Hérault, n'étaient pas suffisantes pour qu'elle et ses enfants ne deviennent pas une charge déraisonnable pour les finances publiques ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur d'appréciation en refusant pour ce motif de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " afin qu'elle puisse travailler de manière régulière et subvenir aux besoins de ses enfants ; que les circonstances qu'elle aurait disposé d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche et que ses enfants auraient bénéficié d'une assurance scolaire sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige ; qu'elle n'est par suite pas fondée à se prévaloir des stipulations et dispositions combinées des articles 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... n'établit pas la date de son entrée sur le territoire national ; qu'à supposer même que la requérante ait été présente en France depuis le 10 septembre 2012 comme le prétend la gérante de l'hôtel qui l'hébergeait, cette durée de séjour d'un peu moins de deux ans était brève à la date de la décision querellée ; que l'appelante, célibataire, sans ressource propre, mère de deux enfants nés en 2006 et 2009 de nationalité espagnole, ne démontre pas que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouvait en France ; que, par ailleurs, Mme D... n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résidaient sa mère et ses cinq frères et soeurs ; qu'elle ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait empêchée de regagner l'Espagne avec ses deux enfants, dont la scolarisation en France était très récente ; que, dans ces conditions, alors même que la requérante aurait bénéficié de contrats de travail et d'une promesse d'embauche, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris l'arrêté querellé ; que, par suite, il n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur de fait quant à la durée de résidence en France de Mme D... et à la localisation de ses intérêts privés et familiaux ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

13. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

14. Considérant qu'il ressort de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault a examiné si la situation familiale de Mme D... relevait des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si la requérante se prévaut de sa présence en France depuis 2011, d'une promesse d'embauche, de sa parfaite intégration dans la société française, ainsi que de la scolarisation de ses deux enfants, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code précité ; que, par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme D... ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a présenté sa demande d'admission au séjour en qualité de salarié ; que le préfet de l'Hérault n'était donc pas tenu d'examiner la situation des enfants de l'appelante au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'en tout état de cause, il ressort de la décision en litige, qu'après avoir examiné si l'intéressée remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour mention " salarié ", le préfet a pris en compte la situation familiale de la requérante et de ses enfants en estimant que l'intéressée séparée et mère de deux enfants mineurs de nationalité espagnole ne démontrait pas que le centre de ses intérêts privés et familiaux était établi en France ni que sa cellule familiale ne pouvait se reconstituer en Espagne ; qu'ainsi, le préfet a implicitement mais nécessairement examiné la demande d'admission au séjour de Mme D... au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de la requérante et de ses enfants doit être écarté ;

17. Considérant que l'arrêté contesté n'a pas pour objet de séparer Mme D... de ses enfants ; que ces derniers âgés de cinq et huit ans, nés en Espagne, peuvent y poursuivre leur scolarité laquelle était très récente sur le territoire national ; que l'appelante ne peut utilement se prévaloir d'un jugement aux fins de mesure d'assistance éducative du tribunal pour enfant de Béziers, en date du 23 février 2016, postérieur à l'arrêté querellé ; que, par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral susvisé du 20 juin 2014 ; que, par suite, ses conclusions à fin d'indemnité ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à la mise à la charge des dépens :

20. Considérant que le présent litige n'a donné lieu à aucun dépens ; que les conclusions de Mme D... tendant à ce que le préfet de l'Hérault soit condamné aux entiers frais et dépens de la présente instance, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

21. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

22. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée et au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 29 août 2016, où siégeaient :

- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 septembre 2016.

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No 15MA04351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04351
Date de la décision : 12/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : LEMOUDAA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-09-12;15ma04351 ?
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