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21/07/2016 | FRANCE | N°14MA04615

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 21 juillet 2016, 14MA04615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Mas Clairette a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du maire de la commune de Pignan du 1er octobre 2013, lui ordonnant d'interrompre des travaux sur un terrain situé rue du Four de la Caux, d'autre part, l'arrêté du 9 octobre 2013 par lequel la même autorité a prescrit la mise en place de scellés à l'entrée du chantier, et enfin d'enjoindre au représentant de l'Etat de procéder à la levée de l'arrêté interruptif de travaux et des scellés.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Mas Clairette a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du maire de la commune de Pignan du 1er octobre 2013, lui ordonnant d'interrompre des travaux sur un terrain situé rue du Four de la Caux, d'autre part, l'arrêté du 9 octobre 2013 par lequel la même autorité a prescrit la mise en place de scellés à l'entrée du chantier, et enfin d'enjoindre au représentant de l'Etat de procéder à la levée de l'arrêté interruptif de travaux et des scellés.

Par un jugement n° 1305211 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2014, la SCI Mas Clairette, représentée par la SELARL A...-Berthelsen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 octobre 2014 ;

2°) d'annuler les arrêtés précités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délivrance de deux permis de construire modificatifs intervenue implicitement le 11 mars 2014 et explicitement le 23 septembre 2014, a eu nécessairement pour effet d'abroger l'arrêté interruptif de travaux en litige, de sorte que le tribunal aurait dû prononcer un non lieu à statuer ;

- le maintien de l'arrêté interruptif de travaux est illégal en raison de son engagement à mettre l'immeuble en conformité avec les autorisations délivrées et du caractère aisément régularisable des irrégularités ;

- l'arrêté interruptif de travaux est entaché d'un vice de forme, en l'absence d'un procès-verbal préalable d'infraction ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de fait quant à la réalité et l'ampleur des irrégularités constatées et d'une inexacte appréciation d'irrégularités mineures ne pouvant fonder un arrêté interruptif de travaux ;

- l'arrêté interruptif de travaux qui constitue une mesure de police n'était ni nécessaire, ni adapté ni proportionné aux risques de troubles et est illégal en raison de sa portée générale et absolue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia, 1ère conseillère,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SCI Mas Clairette.

1. Considérant que, par arrêté du 9 octobre 2008, le maire de la commune de Pignan a délivré à la S.A.R.L. Vestia Promotions un permis de construire pour réaliser 21 villas et 13 garages sur le territoire de la commune ; que ce permis, transféré par arrêté du 23 février 2009 à la SCI Mas Clairette, a ensuite été modifié les 23 avril 2009, 25 février 2009, 18 mai 2009, 18 septembre 2009 et 6 décembre 2010 ; qu'au vu du procès-verbal de constat d'infractions établi le 27 août 2013, le maire, agissant au nom de l'Etat, a ordonné l'interruption des travaux par arrêté du 1er octobre 2013 ; qu'après constat établi le 9 octobre 2013 par huissier de justice de la poursuite des travaux, le maire a, par arrêté du même jour, ordonné l'apposition de scellés à l'entrée du chantier afin d'interdire l'accès à toute personne à l'exception de celle chargée du gardiennage du site ; que par jugement n° 1305211 du 2 octobre 2014, dont la SCI Mas Clairette relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d'annulation de ces décisions des 1er octobre 2013 et 9 octobre 2013 ; que la SCI Mas Clairette a déposé le 11 décembre 2013 une sixième demande de permis modificatif, refusée par un arrêté du 22 mai 2014 ; que sur la demande de la socité Mas Clairette, le juge du référé du tribunal administratif de Montpellier a ordonné le 29 août 2014 la suspension de l'exécution de cet arrêté et enjoint la délivrance d'un " certificat provisoire de permis de construire tacite ", puis le tribunal administratif par jugement du 31 décembre 2014 a annulé cet arrêté de refus du 22 mai 2014 au motif qu'il constituait le retrait irrégulier d'un permis tacite né le 11 mars 2014 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que contrairement à ce que soutient la SCI Mas Clairette, le permis de construire modificatif tacite intervenu le 11 mars 2014 n'a pas eu pour effet de retirer rétroactivement l'arrêté interruptif de travaux litigieux du 1er octobre 2013 ; qu'il doit seulement être regardé comme portant abrogation pour l'avenir de cet arrêté qui, faisant obstacle à la poursuite des travaux et suivi d' une procédure pénale, a reçu exécution ; que c'est dès lors à bon droit que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif s'est prononcé sur le fond du litige qui n'avait pas perdu son objet ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 480-2 du même code : " (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (...) La saisie et, s'il y a lieu, l'apposition des scellés sont effectuées par l'un des agents visés à l'article L. 480-1 qui dresse procès-verbal. (...) " ; que l'article L. 480-4 dudit code dispose que : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 425-1 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire (...) est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-31 du code général des collectivités territoriales : " Conformément au 1° de l'article 16 du code de procédure pénale, le maire et les adjoints ont la qualité d'officier de police judiciaire. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le maire, agissant au nom de l'Etat en sa qualité d'auxiliaire de l'autorité judiciaire, peut, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, interrompre les travaux pour lesquels a été relevée, par procès-verbal dressé en application de l'article L. 480-1 du même code, une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code de l'urbanisme, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité de l'établissement du procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, mais seulement de s'assurer que ce dernier constate une infraction autorisant le maire à prescrire l'interruption des travaux ; que par suite, le moyen soulevé par la requérante et relatif aux irrégularités de procédure dont la décision du maire serait entachée est inopérant ;

5. Considérant, en second lieu, que l'arrêté interruptif de travaux du 1er octobre 2013, faisant suite au procès-verbal de constat d'infraction du 27 août 2013, est intervenu au motif que s'agissant des villas du lot B, les travaux entrepris ne respectent pas la hauteur prévue par les plans du permis de construire, la villa n° 11 présente une ouverture supplémentaire non autorisée située à l'étage et la largeur des places de stationnement affectés aux villas n° 11, 12, 13 et 14 est inférieure à celle mentionnée par le permis et ne permet pas le stationnement de deux véhicules ; que l'arrêté mentionne également que pour chacune de ces villas, les ouvertures au rez-de-chaussée sont réduites de trois à deux ; que s'agissant des villas du lot D, il est constaté que la surface de l'emprise de la dalle du rez-de-jardin et du rez-de-chaussée est supérieure à celle autorisée, le niveau du parking est différent de celui autorisé et le positionnement des baies vitrées des villas n° 20 et 21 a été inversé ; que si la requérante allègue que les travaux entrepris étaient conformes aux permis de construire et que les infractions relevées résultent d'erreurs matérielles ou que d'autres ont été régularisées avant l'intervention de l'arrêté interruptif, elle ne remet pas ainsi sérieusement en cause les mentions du procès-verbal d'infraction, qui, comme le prévoit l'article L. 480-1, " fait foi jusqu'à preuve du contraire " ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par courriers des 25 septembre 2013, 4 octobre 2013 et 14 octobre 2013, la SCI Mas Clairette a reconnu les faits qui lui sont reprochés et s'est engagée à mettre les travaux réalisés en conformité avec les autorisations délivrées ; que, par suite, la SCI Mas Clairette n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté ordonnant l'interruption des travaux est entaché d'une erreur de fait ;

6. Considérant, en troisième lieu, que comme l'a retenu à bon droit le tribunal, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard au nombre et à la diversité des atteintes aux autorisations d'urbanisme délivrées par les travaux en cours de réalisation relevées dans le procès-verbal d'infraction, le maire de Pignan a pu, quand bien même les irrégularités constatées seraient pour certaines, prises isolément, qualifiables de mineures, décider l'interruption du chantier sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; que pour les mêmes motifs, la mesure de police en litige ne revêt un caractère disproportionné par rapport aux buts d'intérêt général poursuivis par son auteur ;

7. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que la requérante se soit engagée, par les courriers mentionnés au point 5, à effectuer des travaux de mise en conformité, est sans influence sur la légalité des décisions attaquées ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Mas Clairette n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté interruptif de travaux du 1er octobre 2013 et de l'arrêté du 9 octobre 2013 apposant les scellés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à la condamnation de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance, à verser quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la SCI Mas Clairette ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Mas Clairette est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Mas Clairette et au ministre du logement et de l'habitat durable.

Copie en sera adressée au maire de la commune de Pignan.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2016, où siégeaient :

- M. d'Hervé, président de chambre,

- Mme Josset, présidente-assesseure,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2016.

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N° 14MA04615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04615
Date de la décision : 21/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Jeanette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SELARL VALETTE-BERTHELSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-21;14ma04615 ?
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