Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux instances distinctes, M. D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur sa demande présentée le 6 mai 2011 tendant à l'obtention d'un titre de séjour, d'autre part, la décision expresse du préfet de l'Hérault du 18 février 2013 ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1203021, 1302443 du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir joint les deux instances, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2015 et le 17 juin 2016, M. D..., représenté par Me Mazas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 septembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de l'Hérault du 18 février 2013 ayant rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
3°) d'annuler la décision implicite ayant rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, la mention " étudiant ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la délivrance, au cours de l'instance en appel, d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ne rend pas sans objet sa demande d'annulation des décisions du préfet lui refusant un titre portant la mention " vie privée et familiale " ;
- le tribunal a estimé à tort que sa demande d'annulation des décisions du préfet lui refusant un titre portant la mention " vie privée et familiale " étaient devenues sans objet en cours de première instance ;
- la décision implicite de rejet est insuffisamment motivée ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant au motif qu'il ne justifiait pas d'un visa de long séjour ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision implicite de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ce refus sur sa situation personnelle ;
- la décision du 18 février 2013 n'est pas motivée en droit ;
- avant de prendre cette décision, le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation au regard de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il remplit les conditions posées par cet article pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant au motif qu'il ne justifiait pas d'un visa de long séjour ;
- la décision du 18 février 2013 porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision expresse de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ce refus sur sa situation personnelle.
Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2016, le préfet de l'Hérault conclut au non-lieu à statuer.
Il soutient que :
- la requête est devenue sans objet dès lors qu'il a délivré au requérant un titre séjour portant la mention étudiant valable jusqu'au 23 janvier 2017 ;
- il s'en remet à ses écritures de première instance s'agissant des moyens soulevés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 2 décembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. A... 'hôte, premier conseiller.
1. Considérant que, par un courrier du 6 mai 2011, M. D..., de nationalité marocaine, a demandé la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de ses attaches familiales en France et de son parcours scolaire ; que, le 12 janvier 2012, il a sollicité la communication des motifs de la décision ayant implicitement rejeté sa demande ; que le préfet de l'Hérault l'a informé des motifs par un courrier du 1er février 2012 ; que, par un courrier du 8 février 2013, M. D... a de nouveau sollicité son admission au séjour ; que, par une décision expresse du 18 février 2013, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " étudiant ", tout en lui accordant une autorisation provisoire de séjour jusqu'au 10 juillet 2013 afin de lui permettre de terminer l'année scolaire en cours ; que, par deux instances distinctes, M. D... a contesté devant le tribunal administratif de Montpellier ces deux décisions ; que, par un jugement en date du 22 septembre 2014, le tribunal, après avoir joint les deux instances, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses demandes d'annulation en raison de la délivrance à l'intéressé, le 24 janvier 2014, d'un titre de séjour d'un an en qualité d'étudiant ; que M. D... fait appel de ce jugement ;
Sur le non-lieu à statuer :
2. Considérant que le préfet de l'Hérault fait valoir que M. D... bénéficie d'un titre de séjour en qualité d'étudiant valable jusqu'au 23 janvier 2017 ; que l'admission au séjour d'un étranger en qualité d'étudiant ne confère pas cependant à l'intéressé des droits équivalents et n'a pas sur sa situation les mêmes conséquences qu'une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que, par suite, le titre accordé à M. D... en cours d'instance ne peut être regardé comme ayant eu pour effet de rapporter le refus qui lui a été opposé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'ainsi, sa délivrance ne rend pas sans objet la demande d'annulation présentée par le requérant sur ce point ; que l'exception de non-lieu soulevée par le préfet doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que les demandes d'annulation présentées par M. D... étaient devenues sans objet au motif que le 24 janvier 2014, soit en cours d'instance, le préfet de l'Hérault avait délivré à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " étudiant " ; que l'octroi de ce titre devait être regardé comme ayant rapporté les décisions contestées par M. D... en tant qu'elles ont refusé son admission au séjour en qualité d'étudiant ; que, dès lors, le tribunal a jugé à bon droit que la contestation par le requérant des refus de lui délivrer un titre portant la mention " étudiant " était devenue sans objet et qu'il n'y avait pas lieu d'y statuer ; qu'en revanche, comme il a été dit au point 2, le titre accordé à M. D... en qualité d'étudiant ne lui conférait pas des droits équivalents et n'a pas eu sur sa situation les mêmes conséquences qu'une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal a estimé que la délivrance en cours d'instance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " rendait sans objet les demandes d'annulation présentées par M. D... en tant qu'elles portaient sur les refus de délivrance d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'ainsi, le jugement du 22 septembre 2014 est entaché d'irrégularité sur ce point et doit être annulé dans cette mesure ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. D... tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Hérault en tant qu'elles ont refusé son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ;
Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en 2007, à l'âge de quatorze ans et s'y est maintenu depuis ; qu'il a été placé sous l'autorité parentale de son grand-père, en situation régulière sur le territoire français, par acte de kafala du 13 mars 2007, rendu exécutoire en France par un jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 4 septembre 2008 ; que, dès son arrivée en France, le requérant a été scolarisé ; qu'il était engagé dans une formation professionnelle à la date où a été prise la décision du 18 février 2013 ; qu'il n'est pas contesté qu'il est bien intégré à la société française ; que, s'il est désormais majeur, célibataire et sans enfants et si ses parents et ses frères et soeurs résident au Maroc, le préfet de l'Hérault n'a pu légalement, eu égard à l'ancienneté et aux conditions de son séjour en France, refuser de lui délivrer un titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à en demander l'annulation en tant qu'elles lui ont refusé un titre de séjour sur ce fondement ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant qu'eu égard à son motif et dès lors qu'il n'est fait état d'aucun changement dans les circonstances de droit et de fait concernant la situation de l'intéressé, l'annulation par le présent arrêt des refus d'admettre au séjour M. D... au titre de sa vie privée et familiale implique que le préfet de l'Hérault délivre au requérant un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à M. D... un tel titre de séjour dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que M. D... a demandé et obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mazas, avocate du requérant, renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros à verser à Me Mazas au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 septembre 2014 est annulé en tant qu'il a constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions présentées par M. D... tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Hérault en tant qu'elle lui ont refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 2 : Les décisions du préfet de l'Hérault sont annulées en tant qu'elles ont refusé de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. D... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Mazas la somme de 1 196 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celle-ci renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel présentées par M. D... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. A...'hôte, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 15MA00407
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