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12/07/2016 | FRANCE | N°14MA02611

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 12 juillet 2016, 14MA02611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nice la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1201701 du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. C...d'une somme de 11 337 euros au titre de l'année 2007 et d'une somme de 12 372 euros au titre de l'année 2008, l'a déchargé des

droits et pénalités correspondant aux réductions de bases ainsi définies et a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nice la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1201701 du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. C...d'une somme de 11 337 euros au titre de l'année 2007 et d'une somme de 12 372 euros au titre de l'année 2008, l'a déchargé des droits et pénalités correspondant aux réductions de bases ainsi définies et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2014, M. C... représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 mai 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société en participation Jean et MichelC..., dans laquelle il est associé, enregistre ses recettes au moyen d'une caisse enregistreuse dotée d'un système informatique " First class " et ne conserve pas de justificatifs sur support papier ;

- la remise à zéro de la numérotation à l'ouverture de chaque journée n'est pas anormale dès lors que l'annulation de notes enregistrées laisse des traces ;

- les données qui n'influencent pas le résultat comptable ne font pas partie du périmètre de contrôle de l'administration régi par l'article L. 13 alinéa 2 du livre des procédures fiscales, précisé par l'instruction du 24 janvier 2006, 13 L-1-06 n° 39 ;

- le grief concernant les ruptures dans la numérotation des articles ne concerne que l'année 2008 ;

- les différences entre les notes et les encaissements correspondent à des crédits de paiement octroyés aux clients et à des notes non réglées ;

- les différences entre le chiffre d'affaires figurant sur les fichiers informatiques et le chiffre d'affaires déclaré correspondent à des erreurs matérielles de retranscription

- en tout état de cause, en raison de leur faible montant, elles sont insuffisantes pour écarter le caractère probant de la comptabilité ;

- les ventes regroupées sous des rubriques générales ne peuvent être plus détaillées ;

- ces rubriques ne représentent qu'un faible pourcentage des ventes ;

- les vins qui ne figurent ni en achats, ni en stocks ont été mis à la disposition de la société en participation Jean et Michel C...par un autre restaurant qui appartient au même propriétaire ;

- en tout état de cause, les anomalies affectant les stocks étant minimes, elles ne permettent pas de rejeter la comptabilité ;

- les discordances relevées dans la comptabilité matière sont dues à l'imprécision des inventaires et des rubriques générales ;

- s'agissant des boissons froides, le service n'a pas tenu compte des pertes de l'ordre de 2 %, ni de la consommation du personnel, ni du fait que certaines boissons servent d'adjuvant ; pour ce qui est du café, le service n'a pas tenu compte des pertes de l'ordre de 10 %, ni de la consommation du personnel et surestimé le nombre de tasses ;

- pour le vin, le service n'a pas tenu compte des pertes de l'ordre de 2 %, ni de la consommation du personnel, ni de l'utilisation du vin en cuisine ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a considéré que la comptabilité ne pouvait être rejetée ;

- le service n'a pas pris en compte de façon sincère et loyale la part représentative des vins dans la recette totale ; le vérificateur a commis des erreurs matérielles dans le dépouillement des factures d'achats ; les achats de vins en " bibs " ont été imparfaitement retenus par le service et les vins utilisés en cuisine n'ont pas été défalqués ;

- la reconstitution à laquelle le vérificateur procède ne fait apparaître qu'un écart négligeable de 17 529 euros sur deux ans ;

- la motivation de pénalité de l'article 1729 du code général des impôts ne permet pas de considérer que la preuve de la mauvaise foi est apportée par l'administration ;

- une sanction infligée sur de simples soupçons revient à retenir une présomption de culpabilité qui est contraire à l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la société en participation Jean et MichelC..., qui relève du régime fiscal de l'article 8 du code général des impôts, exploite un restaurant au Cap d'Ail, sous l'enseigne " Le Cabanon " ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, au terme de laquelle l'administration a écarté la comptabilité et a reconstitué, dans le cadre de la procédure contradictoire, les recettes d'exploitation ; que M. A... C...a été en conséquence assujetti, en sa qualité d'associé détenant 95 % du capital social, à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels ou commerciaux, sur les rectifications ainsi opérées par l'administration ; que le litige concernant la reconstitution de recettes de la société en participation a été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle a émis, dans sa séance du 14 mars 2011, un avis défavorable au maintien du rejet de la comptabilité et par voie de conséquence l'avis d'abandonner les rectifications contestées ; que l'administration n'a pas suivi cet avis et en ce qui concerne M. C... a mis en recouvrement des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu à concurrence d'une somme en droits et pénalités de 84 307 euros pour l'année 2007 et de 13 199 euros pour l'année 2008 ; qu'à la suite de la réclamation introduite le 13 septembre 2011, le service a dégrevé, au titre de l'année 2007, une somme de 32 739 euros ; que par jugement du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. C...d'une somme de 11 337 euros au titre de l'année 2007 et d'une somme de 12 372 euros au titre de l'année 2008, l'a déchargé des droits et pénalités correspondant aux réductions de bases ainsi définies et a rejeté le surplus de sa demande ; que M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas obtenu entièrement satisfaction ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration d'établir que la comptabilité de la société en participation Jean et Michel C... comportait de graves irrégularités de nature à l'autoriser à l'écarter comme étant dénuée de valeur probante ;

3. Considérant que le vérificateur, pour écarter la comptabilité comme non probante, a relevé notamment que la numérotation des notes était, durant la période vérifiée, remise à zéro à l'ouverture de chaque journée comptable et qu'existait une rupture séquentielle dans la numérotation des notes ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de l'attestation établie par le prestataire informatique de la société en participation Jean et MichelC..., que si la numérotation des notes était, durant la période vérifiée, remise à zéro à l'ouverture de chaque journée comptable, en revanche, " toute annulation de produit ou de note est retracée ", les annulations étant " retenues dans les journaux de caisse " ainsi que l'a d'ailleurs relevé le vérificateur ; qu'en outre, s'agissant de la rupture de la numérotation séquentielle des notes relevée pour la seule année 2008, il résulte également de l'attestation susmentionnée que les lignes de détail absentes de la facturation correspondaient non pas à des produits vendus mais à des commentaires utiles à la production des commandes en cuisine ou au bar ; que, par suite, les griefs retenus par le vérificateur à l'encontre de la comptabilité de la société en participation Jean et Michel C...doivent être écartés comme insuffisamment probants ;

4. Considérant que le vérificateur a également relevé des incohérences entre les recettes portées dans le fichier des règlements au cours des exercices 2007 et 2008 et celles enregistrées dans le fichiers des ventes ; qu'il résulte de l'instruction que pour l'année 2007, le total des règlements est supérieur de 1 712,99 euros au total des tickets émis et que pour l'année 2008, il est inférieur de 162,79 euros au total des tickets ; qu'il y a toutefois lieu pour la Cour de relever le caractère mineur de ces discordances ; que le vérificateur a également constaté des discordances entre le chiffre d'affaires mentionné sur les fichiers et ceux déclarés ; que toutefois, ces discordances sont également mineures et au demeurant, les chiffres d'affaires déclarés sont supérieurs aux recettes enregistrées ; qu'ainsi pour l'année 2007, le montant du chiffre d'affaires issu des fichiers est de 594 716,20 euros alors que celui déclaré au compte de résultat est de 600 832 euros et celui déclaré au titre de la taxe sur la valeur ajoutée est de 600 661 euros ; que pour l'année 2008, ces montants sont respectivement de 672 708,20 euros, 674 397 euros et 674 396 euros ; que concernant les anomalies affectant le stock, l'administration convient qu'elles ne permettent pas, à elles seules, d'établir le rejet de la comptabilité ; que par ailleurs, si l'administration fait grief à la société en participation Jean et Michel C...d'avoir enregistré des recettes à hauteur de 33 516 euros pour l'exercice 2007 et de 39 804 euros pour l'exercice 2008 dans les rubriques générales " menu ", " boissons ", " vin hors carte ", " vins au verre " sans être en mesure de justifier de leur consistance exacte, de telles imprécisions ne peuvent être regardées comme ayant privé le service de la possibilité de contrôler l'essentiel du montant des recettes de l'entreprise ;

5. Considérant enfin, que le service justifie également le rejet de la comptabilité par les écarts constatés dans la comptabilité matière en ce qui concerne les vins, les boissons froides et le café ; que si le service, qui a admis devant la Commission départementale l'existence d'erreurs dans le relevé des produits achetés, a cependant estimé pouvoir encore constater, après correction des erreurs de saisie commises par l'administration lors de la reconstitution des achats revendus de vins de l'année 2007 et après prise en compte d'une perte de 2 % et des consommations du personnel et du gérant, des discordances entre les achats revendus et les ventes de vins, il n'est toutefois pas contesté que l'administration n'a pas tenu compte de l'utilisation des vins dans la préparation des plats ; que concernant les boissons froides, si le ministre se prévaut de ce que les achats de ces boissons excèdent les ventes, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait tenu compte des pertes, ni de la consommation effective du personnel, ni de l'utilisation de ces boissons comme adjuvants ; qu'enfin, s'agissant des différences constatées par le vérificateur entre quantités achetées de café et doses revendues de ce produit, il y a lieu pour la Cour de relever que si ces différences présentent pour les deux exercices en cause un caractère non négligeable, elles doivent cependant être minorées en tenant compte des pertes à hauteur de 10 % non défalquées par le vérificateur et de ce que la dose moyenne de café pour une tasse d'expresso est, selon les usages de la profession, de 7 à 8 grammes de café alors que le vérificateur a estimé une dose de café à 7 grammes et que le requérant se prévaut de 120 doses pour une quantité de 1 kg de café ;

6. Considérant que dans ces conditions, alors que, d'une part, le rejet de la comptabilité a été fondé sur un faisceau de trois indices dont deux ont été précédemment neutralisés ou écartés, et que, d'autre part, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, certains éléments de calcul, pour les vins et les boissons froides, ont été omis par le service, le ministre ne peut être regardé comme établissant que la comptabilité tenue par la société en participation Jean et Michel C...serait non probante du seul fait que subsistent des incohérences entre quantités achetées et revendues de café ; que, par suite, c'est à tort que le service a écarté comme non probante et non sincère la comptabilité de la société en participation Jean et Michel C...relative à la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ; que le rejet de la comptabilité de la société n'étant pas fondé, l'administration n'était pas en droit de procéder à une reconstitution des recettes de cette société au titre des années 2007 et 2008 ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... est fondé à demander la décharge des impositions restant en litige, ainsi que des pénalités qui les assortissent ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 15 mai 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande de M. C....

Article 2 : M. C... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à sa charge au titre des années 2007 et 2008.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :

- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code justice administrative,

- Mme Massé-Degois, premier conseiller,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 14MA02611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02611
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-12;14ma02611 ?
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