Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AD Réalisations a demandé au tribunal administratif de Nice la restitution de la somme de 107 649 euros qu'elle a acquittée au titre du prélèvement prévu à l'article 244 bis du code général des impôts à l'occasion de la cession le 1er octobre 2009 d'un bien immobilier dont elle était propriétaire.
Par un jugement n° 1102543 du 28 février 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 mai 2014 et le 21 juin 2016, la société AD Réalisations représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 février 2014 ;
2°) de prononcer la restitution de l'imposition en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que l'article 244 bis du code général des impôts porte atteinte au principe de liberté d'établissement prévu par l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne ;
- l'article 244 bis du code général des impôts, instituant une différence de traitement effective entre sociétés françaises et sociétés étrangères, est contraire à la clause de non-discrimination selon la nationalité ;
- cet article méconnaît également les principes de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux garantis par les articles 43 et 56 du traité instituant la Communauté européenne ;
- en tout état de cause, l'article 244 bis du code général des impôts ne lui est pas applicable au regard de l'article 4 de la convention fiscale bilatérale franco-belge.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-belge du 10 mars 1964 modifiée par les avenants du 15 février 1971, du 8 février 1999 et du 12 décembre 2008 ;
- le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenu traité sur le fonctionnement de l'Union européenne depuis le 1er décembre 2009 ;
- la directive 88/361 du Conseil du 24 juin 1988 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,
- et les observations de Me C...substituant MeA..., pour la société AD Réalisations ;
1. Considérant que la société AD Réalisations, société de droit belge, a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la restitution de la somme de 107 649 euros qu'elle a acquittée au titre du prélèvement prévu à l'article 244 bis du code général des impôts à l'occasion de la cession le 1er octobre 2009 d'un bien immobilier dont elle était propriétaire à Vence (Alpes-Maritimes) ; que par le jugement attaqué du 28 février 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'article 244 bis du code général des impôts porte atteinte au principe de liberté d'établissement prévu par l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, qui n'est pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société AD Réalisations devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 244 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les profits mentionnés à l'article 35 donnent lieu à la perception d'un prélèvement de 50 % lorsqu'ils sont réalisés par des contribuables ou par des sociétés, quelle qu'en soit la forme, qui n'ont pas d'établissement en France (...) Il s'impute sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par le cédant au titre de l'année de réalisation des profits. Il ne peut être restitué. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la convention fiscale modifiée conclue entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 : " (...) 4. Une personne morale est réputée résident de l'Etat contractant où se trouve son siège de direction effective. " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette convention : " (...) 3. Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 4. Constituent notamment des établissements stables : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau ; d) Une usine ; e) Un atelier ; f ) Une mine, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) Un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse six mois ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 25 de la même convention : " 1. a) Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation (...). 4. Le terme "nationaux" désigne pour chaque Etat contractant (...) b. Toutes les personnes morales (...) constituées conformément à la législation dudit Etat " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 244 bis du code général des impôts que sont soumises au prélèvement qu'elles instituent les personnes morales qui ne disposent pas en France d'un établissement auquel seraient rattachés les immeubles faisant l'objet de leur activité de négoce immobilier ou de construction et dont la cession est à l'origine du profit immobilier imposable ; que, par suite, la différence de traitement qu'instaurent ces dispositions n'est pas fondée, s'agissant des personnes morales, sur le lieu de leur siège social, qui détermine leur nationalité, mais sur celui de l'établissement auquel se rattache l'activité immobilière exercée, qu'il s'agisse de l'établissement en France d'une société étrangère ou de l'établissement à l'étranger d'une société française qui réaliserait, par le biais de cet établissement, une opération immobilière ;
6. Considérant, en premier lieu, que la société AD Réalisations soutient que le prélèvement instauré par l'article 244 bis du code général des impôts emporterait pour elle un effet discriminatoire relativement à la situation d'une société qui aurait son siège social en France, siège constituant, par définition, un établissement stable au sens de l'article 5.2 des conventions fiscales modèle OCDE ; que toutefois, comme il a été dit au point 5, la distinction opérée par l'article 244 bis du code général des impôts n'est pas fondée sur le lieu du siège social, qui détermine la nationalité, mais sur celui de l'établissement auquel se rattache l'activité immobilière ayant conduit à l'imposition contestée ; que par suite, alors que la requérante ne peut dans ces conditions se prévaloir utilement des stipulations précitées de l'article 25 de la convention franco-belge, le moyen tiré de ce que l'application des dispositions de l'article 244 bis du code général des impôts aurait un effet discriminatoire doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...), les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites (...) " ; qu'aux termes de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. " ;
8. Considérant que ces stipulations interdisent en principe l'adoption de mesures qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ; que sont ainsi prohibées les mesures nationales susceptibles d'empêcher ou de limiter l'acquisition d'un bien immeuble situé dans un État membre ainsi que les opérations y afférentes telles que la cession d'un bien immobilier ; que tel est en particulier le cas des mesures nationales d'un Etat membre qui placent les investisseurs non-résidents dans une situation fiscale moins favorable que celle des investisseurs qui résident dans cet Etat ;
9. Considérant toutefois qu'en application de l'article 244 bis du code général des impôts dans sa version alors applicable, une personne morale dont le siège était en France et qui procédait à la cession d'un immeuble qu'elle y possédait par l'intermédiaire d'un établissement détenu à l'étranger était assujettie au prélèvement de 50 % sur la plus-value réalisée ; qu'il s'ensuit que les dispositions en cause n'introduisaient aucune différence de traitement fiscal entre personnes morales, qu'il s'agisse de l'établissement en France d'une société étrangère ou de l'établissement à l'étranger d'une société française ; que dès lors, la société AD Réalisations ne saurait soutenir que les dispositions alors applicables de l'article 244 bis du code général des impôts seraient contraires aux principes de liberté d'établissement et de circulation des capitaux garantis par les articles 49 et 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne protégeant la liberté d'établissement et la liberté de circulation des capitaux ;
10. Considérant, en dernier lieu, que l'article 4 précité de la convention fiscale modifiée conclue entre la France et la Belgique définit l'établissement stable comme une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité et que si le paragraphe 4 dudit article cite, parmi les exemples donnés à titre indicatif, au point g), les chantiers de construction ou de montage dont la durée dépasse six mois, ces derniers doivent être organisés dans le cadre d'une installation fixe, ayant pour finalité de pourvoir sur place aux besoins en personnel et en matériel dudit chantier ;
11. Considérant que si la société fait valoir qu'à la suite de l'acquisition du bien immobilier en litige, qui était dans " un état de délabrement complet et inhabitable ", des travaux ont été entrepris qui ont donné lieu à un chantier de construction dont la durée aurait dépassé six mois, elle ne produit aucun élément permettant d'établir que le chantier dont il s'agit aurait bénéficié d'une autonomie humaine et technique, susceptible de caractériser une installation fixe et par suite un établissement stable, au sens des stipulations précitées ; que, dans ces conditions, au moment de la cession du bien immobilier en cause, l'intéressée devait être regardée comme ne disposant d'aucun établissement stable en France au sens de l'article 4 précité de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique auquel aurait été rattaché ce bien immobilier ; qu'ainsi, elle était passible au titre de cette cession du prélèvement prévu par l'article 244 bis précité du code général des impôts ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AD Réalisations n'est pas fondée à solliciter la restitution de la somme de 107 649 euros qu'elle a acquittée au titre du prélèvement prévu à l'article 244 bis du code général des impôts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société AD Réalisations la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 février 2014 est annulé.
Article 2 : La demande de la société AD Réalisations présentée devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AD Réalisations et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :
- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code justice administrative,
- Mme Massé-Degois, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 14MA02043