Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à lui verser la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement et du refus de la réintégrer.
Par un jugement n° 1201382 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juillet 2014 et 1er juin 2016, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 26 juin 2014 ;
2°) de condamner le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement et du refus de la réintégrer ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en refusant de faire droit à sa demande, alors que la cour administrative d'appel de Marseille a annulé son licenciement en raison de son illégalité, le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée ;
- l'obligation de tenter de reclasser un salarié avant son licenciement économique résulte d'un principe général du droit dont la méconnaissance est de nature à ouvrir droit à indemnisation ;
- aucune proposition de réintégration ferme et définitive ne lui a été proposée alors qu'elle n'a eu de cesse de se manifester afin d'obtenir un reclassement ;
- le préjudice qu'elle a subi du fait de son licenciement illégal n'a eu de cesse de s'aggraver au fil des années puisqu'elle n'a, à ce jour, perçu aucune indemnité compensatrice de la perte de revenus qui s'en est suivie ; elle n'a perçu les allocations de chômage qu'entre l'année 2010 et le mois de juin 2012 ;
- le préjudice matériel et professionnel subi est d'autant plus lourd qu'elle a deux enfants à charge et qu'elle a été reconnue comme invalide en catégorie 1 ; n'ayant pas d'autre choix, elle a été contrainte d'accepter un emploi précaire d'auxiliaire de vie scolaire à temps partiel à compter du 7 octobre 2013 à un niveau de qualification et de rémunération bien moindre ;
- son préjudice moral est également incontestable alors qu'elle a fait preuve, dix ans durant, d'un professionnalisme incontesté dans l'exécution de ses fonctions.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 juin 2015 et 29 avril 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2016, le groupement d'établissements (GRETA) de Nice et de la Côte d'Azur, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
1. Considérant que MmeA..., spécialisée dans le domaine de la formation professionnelle et du management, a été recrutée en tant qu'agent contractuel, à partir du mois d'octobre 1997, par le groupement d'établissements (GRETA) de Nice et de la Côte d'Azur pour y exercer des fonctions d'enseignante ; que, par décision du 26 octobre 2006 prise en application de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, le dernier des contrats à durée déterminée dont elle bénéficiait a été requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2006 ; que, par une décision du 30 janvier 2007, le président du GRETA a prononcé son licenciement ; que, par un arrêt du
30 mars 2010, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé cette mesure ; que n'ayant pas été réintégrée sur un emploi, Mme A...a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices financier, professionnel et moral qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement ; qu'elle relève appel du jugement du 26 juin 2014 par lequel ledit tribunal a rejeté sa requête ;
Sur le droit à réparation de MmeA... :
2. Considérant qu'un agent public irrégulièrement évincé ne peut, en l'absence de service fait, prétendre au rappel de son traitement mais peut, s'il s'y croit fondé, demander à l'administration la réparation des préjudices qu'il a réellement subis du fait de la mesure irrégulière prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ;
3. Considérant que la décision du président du GRETA en date du 30 janvier 2007 a été annulée par la Cour pour un motif de légalité interne, tiré du la méconnaissance par cette décision des droits de Mme A...à un reclassement au sein des services de l'Etat ; qu'en l'absence de toute faute pouvant être reprochée à MmeA..., les préjudices matériel, professionnel et moral dont elle demande réparation résultent directement de cette illégalité fautive ; qu'ainsi, Mme A...est fondée à soutenir qu'en lui refusant toute indemnisation au motif, d'ailleurs non établi par l'instruction, qu'aucun poste équivalent ne pouvait lui être proposé, le tribunal administratif a méconnu l'autorité de la chose jugée par la Cour ;
Sur le montant des réparations :
4. Considérant, en premier lieu, que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due en réparation du préjudice économique subi par un agent irrégulièrement évincé de ses fonctions, il y a lieu de prendre en compte la perte du traitement, ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des revenus d'activité ou de remplacement que l'intéressé a éventuellement perçus au cours de la période d'éviction ;
5. Considérant qu'en l'espèce, Mme A...a droit à une indemnité représentative de la différence entre la rémunération qu'elle aurait perçue si elle était demeurée en fonction depuis la date de son éviction jusqu'au mois d'octobre 2013, date à compter de laquelle elle a retrouvé un emploi en contrat d'accompagnement en qualité d'auxiliaire de vie scolaire à temps partiel, et les revenus d'activité ou de remplacement qu'elle a perçus durant cette même période ; qu'au regard des pièces produites, notamment des avis d'imposition de la requérante, la différence entre ce qu'elle aurait dû annuellement percevoir si elle avait été reclassée au sein du GRETA ou des autres services de l'Etat sur un emploi équivalent et, d'une part, les allocations de chômage qui ont pris fin en juin 2012, d'autre part, les indemnités perçues de la part de la caisse primaire d'assurance maladie au titre de son congé de maternité pour la période comprise entre le mois de mars 2007 et le mois d'octobre 2013, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 39 000 euros ;
6. Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme A...du fait de son éviction irrégulière en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 8 000 euros à ce titre ;
7 Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête indemnitaire ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser la somme de 47 000 euros au titre des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de son licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à MmeA... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 26 juin 2014 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer la somme de 47 000 euros à Mme A... au titre de ses préjudices économique et moral.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au groupement d'établissements (GRETA) de Nice et de la Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2016 où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- Mme Baux, premier conseiller,
- Mme Pena, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
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N° 14MA03284 5