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01/07/2016 | FRANCE | N°15MA02119

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 01 juillet 2016, 15MA02119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille:

- d'annuler l'arrêté, en date du 5 janvier 2015, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer, dans un délai de quinze jours sous peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard, une cart

e de séjour temporaire et à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille:

- d'annuler l'arrêté, en date du 5 janvier 2015, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer, dans un délai de quinze jours sous peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire et à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de quinze jours et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme à fixer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500844 du 8 avril 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1500844 du 8 avril 2015 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire et à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous les mêmes conditions d'astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté querellé a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet aurait du saisir la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision de refus ;

- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 372 du code civil ;

- il méconnait également les stipulations de l'article 3-1 de la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Portail, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Giocanti,

- et les observations de Me C... représentant M. B....

1. Considérant que, par arrêté du 5 janvier 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français que lui avait présentée le 7 septembre 2014 M. B..., ressortissant tunisien, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ; que M. B... interjette appel du jugement en date du 8 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que, à défaut pour M. B... d'apporter des éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause l'appréciation qui en a été faite à bon droit par les premiers juges, les moyens, réitérés devant la Cour par le requérant et tirés de ce que la décision lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire seraient entachée d'incompétence de son auteur et serait insuffisamment motivée, doivent être écartés par adoption des motifs du jugement attaqué ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins " ; que s'il n'est pas contesté par le préfet que M. B... exerce l'autorité parentale à l'égard de sa fille de nationalité française, il ressort des pièces du dossier que l'appelant qui est seulement titulaire d'une carte de séjour portant la mention travailleur saisonnier valable jusqu'au 27 octobre 2014, n'est autorisé à résider en France qu'aux périodes n'excédant pas six mois sur une période de douze mois consécutifs où il justifie être titulaire d'un contrat de travail visé par les services de l'emploi ; que pour justifier de la régularité de son séjour, le requérant produit une demande d'autorisation de travail du 22 juillet 2013 signée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle valable pour une durée de six mois à compter du 20 octobre 2013 ; qu'ainsi au moment du dépôt de sa demande de titre de séjour, le 7 septembre 2014, ainsi que cela ressort des mentions de l'acte attaqué, M. B... ne séjournait pas régulièrement en France ; que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées en refusant la délivrance d'un titre de séjour pour ce motif ;

4. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de son article L. 312-2 : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; que d'autre part, aux termes de l'article 7 quater du même accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; / (...) " ; et que, par ailleurs, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) " ;

5. Considérant que M. B... s'est marié en 2010 avec une compatriote qui réside en Tunisie ; que l'appelant a fait la rencontre en France de Mme D..., ressortissante française, avec laquelle il a eu une fille, née le 26 décembre 2013 ; que si M. B... soutient vivre en couple avec la mère de sa fille et vivre maritalement à Marseille avec cette dernière, il ressort toutefois des bulletins de salaire et de l'attestation d'hébergement du 2 décembre 2014 qu'il réside chez son employeur à Lançon de Provence ; que la simple production d'une facture d'achat d'un téléphone portable en octobre 2014 et le courrier de confirmation du 16 décembre 2014 d'un abonnement à Canal+, ne permettent pas de justifier d'une communauté de vie avec la mère de sa fille ; que pour justifier de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille, le requérant produit quatre factures d'achat d'articles de puériculture dont trois sont postérieures à l'acte attaqué, une attestation médicale indiquant que le requérant a accompagné sa compagne à différents rendez-vous médicaux pendant sa grossesse, des attestations très peu circonstanciées émanant de relations amicales et familiales ainsi que des photographies ; que, toutefois, ces pièces ne suffisent pas à établir que le requérant contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la décision de refus de séjour, ni la réalité des liens affectifs qu'il allègue ; que M. B... ne peut utilement soutenir que l'article 371-2 du code civil aurait été méconnu par la décision en litige dès lors qu'il exerce à l'égard de son enfant l'autorité parentale ; que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressé ne pouvant prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, le moyen tiré du vice de procédure entachant l'arrêté attaqué au regard des dispositions précitées de l'article L. 312-2 doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que si M. B... affirme être entré en France en octobre 2008 et s'y être maintenu continuellement depuis, il ne l'établit pas ; qu'il ne justifie pas davantage des liens qu'il entretient avec sa fille de nationalité française, ni de l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine alors que son épouse avec laquelle il s'est marié en 2010 y réside ; qu'il ne peut dès lors se prévaloir d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3- 1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B..., ne démontre pas l'intensité des liens qu'il aurait noués avec son enfant de nationalité française ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que les stipulations précitées auraient été méconnues par l'arrêté contesté ;

8 Considérant qu'eu égard aux conditions de séjour en France de M. B..., telles que décrites aux points 5,6 et 7, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle d'une décision de refus de titre de séjour ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne la légalité externe :

9. Considérant que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ;

10 Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui assortit une décision de refus de titre séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle-ci ; qu'en l'espèce, d'une part, le refus de titre de séjour, qui précise que M. B... ne justifie pas exercer, même partiellement, l'autorité parentale sur son enfant de nationalité française, ni subvenir effectivement à ses besoins, est motivé ; que d'autre part, la décision portant obligation de quitter le territoire mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles a entendu se fonder le préfet des Bouches-du-Rhône ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le requérant n'établit pas l'illégalité de la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; que le moyen tiré de l'illégalité de cette décision ne peut donc qu'être écarté ;

12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, M. B... ne justifie pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en application de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 5,6 et 7, M. B... ne justifie pas avoir constitué en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, ni des liens affectifs qu'il prétend entretenir avec son enfant français, ni contribuer effectivement à l'entretien de celui-ci; que, dès lors, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

14. Considérant qu'au regard des conditions du séjour en France de M. B..., telles qu'elles ont été rappelées aux points 5,6 et 7, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2016, où siégeaient :

- M. Portail, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Busidan, premier conseiller,

- Mme Giocanti, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er juillet 2016.

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N° 15MA02119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02119
Date de la décision : 01/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Fleur GIOCANTI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MOUSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-01;15ma02119 ?
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