Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 26 juin 2014 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté sa demande de renouvellement de la carte professionnelle permettant l'exercice des activités privées de sécurité.
Par un jugement n° 1403304 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2015, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 6 octobre 2015 ;
2°) d'annuler la décision de la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS ;
3°) d'enjoindre au CNAPS, à titre principal, de lui accorder l'autorisation demandée, subsidiairement de réinstruire sa demande dans le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge du CNAPS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas établi que l'agent qui a conduit l'enquête administrative était habilité à consulter le système de Traitement des Antécédents Judiciaires ;
- il continue à répondre aux conditions posées par le 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, car les faits qui lui sont reprochés sont isolés, anciens et compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent de sécurité privée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, le CNAPS conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que
- la requête est irrecevable faute d'être accompagnée de la lettre de notification du jugement contesté ;
- les autres moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le décret n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. D....
1. Considérant que M. D... exerce des fonctions d'agent de sécurité ; qu'il est titulaire depuis le 31 août 2010 de la carte professionnelle prévue par la réglementation ; que le 4 décembre 2013, l'intéressé en a demandé le renouvellement ; que par une délibération du 9 janvier 2014, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle de la zone Sud a rejeté sa demande ; que le recours administratif préalable obligatoire formé par M. D... à l'encontre de cette délibération auprès de la commission nationale d'agrément et de contrôle a été rejeté par la commission le 26 juin 2014 au motif que l'intéressé avait été condamné le 5 janvier 2012 à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir commis des faits de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur et que cette condamnation récente, qui concernait des faits graves, révélait un comportement de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ; que M. D... relève appel du jugement du 6 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 2014 de la commission nationale d'agrément et de contrôle ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le CNAPS :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 411-4, R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué et non pas de la copie de la lettre de notification du jugement attaqué ; qu'ainsi le défaut de production de la copie de cette lettre est sans incidence sur la recevabilité de la requête ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant que les personnes qui exercent une activité privée de surveillance et de gardiennage doivent, en vertu de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, être titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité ; que cet article prévoit qu'un refus de carte ou de renouvellement de carte peut être opposé à l'intéressé notamment "s'il résulte de l'enquête administrative [...] que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées " ; que ces mêmes dispositions, dans leur rédaction applicable en l'espèce, ouvraient la faculté de consulter les traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, aux seuls " agents des commissions nationale et régionales d'agrément et de contrôle spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés " ; que l'article 22 du décret du 22 décembre 2011 relatif au conseil national des activités privées de sécurité, désormais codifié à l'article R. 632-14 du code de la sécurité intérieure, impose au directeur de la Commission nationale, régionale ou interrégionale de transmettre au préfet du siège de la commission la liste des agents pour laquelle il sollicite une habilitation à consulter les fichiers gérés par les services de police et de gendarmerie nationales ; qu'il appartient à l'administration de justifier devant le juge, si une contestation est initiée sur ce point, de ce que l'agent ayant procédé à la consultation prévue par l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure bénéficiait effectivement de l'habilitation spéciale prévue par la loi ;
4. Considérant qu'il ressort de la pièce versée aux débats pour la première fois en appel par le CNAPS que, pour instruire la demande de renouvellement de sa carte professionnelle présentée par M. D..., l'agent Julie Fanchonna, en service auprès de la délégation territoriale Sud du CNAPS, a interrogé le fichier " traitement des procédures judiciaires " ; que la production par le CNAPS d'une " fiche individuelle d'habilitation " par laquelle cet agent contractuel du conseil, habilité par M. C..., " ingénieur SIC ", certifie, notamment, avoir eu communication des règles d'utilisation du système d'information CHEOPS NG et des obligations qui s'y attachent et reçu un mot de passe personnel et confidentiel ne suffit pas à établir l'existence d'une habilitation régulièrement délivrée à cet agent instructeur par le préfet compétent en l'absence de toute précision ou justification sur la qualité de M. C... ; qu'ainsi la démonstration n'est pas rapportée de ce que l'agent ayant procédé à la consultation des fichiers de police et de gendarmerie dans le cadre de l'instruction de la demande présentée par l'appelant bénéficiait effectivement de l'habilitation spéciale exigée par le 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure ; qu'il n'est pas davantage démontré qu'une consultation de ces fichiers par une personne régulièrement habilitée aurait été effectuée dans le cadre de l'instruction du recours préalable obligatoire présenté par M. D... devant le CNAPS et aurait remédié ainsi à ce vice de procédure ;
5. Considérant qu'une irrégularité affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé les intéressés d'une garantie ;
6. Considérant que l'habilitation spéciale imposée par les dispositions du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure a pour objet de garantir les administrés contre un mésusage des données à caractère personnel contenues dans les fichiers d'antécédents constitués par les services de police et de gendarmerie nationales aux fins de faciliter leurs investigations et d'assurer la protection de ces données personnelles ; qu'elle a également pour objet, à travers la limitation d'accès des personnes qualifiées, de garantir la confidentialité et l'intégrité des fichiers concernés ; qu'elle constitue, de ce fait, une garantie pour toute personne dont les données à caractère personnel sont contenues dans les fichiers en cause, mais aussi pour le gestionnaire du fichier et pour ses utilisateurs ; que l'administration n'a pu, sans méconnaître cette garantie, refuser l'agrément sollicité à l'issue d'une enquête administrative ayant donné lieu à une consultation illégale des fichiers de police et de gendarmerie ; que cette privation est de nature à entacher d'illégalité la décision prise, sans qu'il soit besoin de rechercher si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 2014 de la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
9. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas nécessairement le renouvellement de l'agrément sollicité ; qu'il y a seulement lieu pour la Cour d'enjoindre au CNAPS de se prononcer sur la demande dont elle se trouve ressaisie du fait de l'annulation de la décision du 26 juin 2014, au regard des motifs de la présente décision, en se livrant, le cas échéant, à une nouvelle instruction de la demande ayant pour effet de remédier au vice dont est affectée la décision initiale, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du CNAPS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le CNAPS au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 octobre 2015 et la décision du 26 juin 2014 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité a rejeté la demande de M. D... tendant au renouvellement de la carte professionnelle lui permettant l'exercice des activités privées de sécurité sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au CNAPS de statuer à nouveau sur la demande dont l'a saisi M. D... et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt.
Article 3 : Le CNAPS versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le CNAPS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
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N° 15MA04442
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