Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Vénéjan à leur verser une indemnité en réparation des préjudices subis consécutifs à des fautes commises par ladite commune du fait du refus opposé à leur projet de réaliser une boulangerie sur le territoire communal.
Par un jugement n° 1300633 du 20 juin 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés le 19 août 2014 et le 23 avril 2015, M. et Mme B..., représentés par la société civile professionnelle d'avocats Cabanes et Bourgeon, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2014 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner la commune de Vénéjan à leur verser une indemnité globale de 39 436 euros en réparation des préjudices subis consécutifs à des fautes liées au refus de permis de construire qui leur a été opposé, qui sera assortie des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vénéjan le paiement des entiers dépens et d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la modification du délai d'instruction ne pouvait s'appliquer, dès lors que cette modification n'avait pas été notifiée par une lettre recommandée ;
- la commune ne pouvait fonder la décision du 26 février 2012 sur le motif qu'ils n'auraient pas fourni les pièces complémentaires réclamées, alors que la commune leur a délivré un récépissé de dépôt de pièces complémentaires, qu'elle ne les a jamais informés que les pièces produites auraient été incomplètes et qu'elle n'a pas poursuivi l'instruction du dossier ;
- la modification du délai d'instruction n'a pas été notifiée par lettre recommandée et le rejet de la demande de permis de construire est intervenu tardivement dès lors que la décision du 26 février 2012 est intervenue bien après l'expiration du délai d'instruction de droit commun ;
- la décision du 26 février 2012 est illégale pour être intervenue après l'expiration du délai d'instruction mentionné sur le récépissé de dépôt des pièces complémentaires ;
- la commune a donc commis une faute en prenant cette décision illégale ;
- le contexte d'une modification du plan d'occupation des sols communal n'empêche pas la commune d'avoir commis une faute dans l'instruction du dossier ;
- la commune a commis une autre faute en autorisant le principe de la vente d'un terrain communal pour une superficie sur laquelle le règlement du PLU n'autorisait pas de construction, sans les informer des difficultés posées par le règlement du PLU ;
- ils ne pouvaient pas accepter une prorogation du compromis de vente, en raison de l'importance des frais déjà engagés, et alors en outre qu'ils se croyaient déjà titulaires d'un permis de construire ;
- ils ont subi un préjudice économique qui consiste dans le temps qu'ils ont consacré à un projet qui n'a pas abouti et qui doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros ;
- ils ont subi un préjudice financier correspondant à des frais d'architecte, et d'étude ;
- ils ont subi un préjudice moral considérable, qui doit être réparé à hauteur de 15 000 euros pour chacun d'eux ;
- la circonstance qu'ils n'ont pas contesté la légalité de la décision du 26 février 2012 est sans incidence sur la recevabilité de leur action indemnitaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars et 13 août 2015, la commune de Vénéjan, représentée par le cabinet Tournier et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le refus de délivrance d'un permis de construire n'a pas fait l'objet d'un recours ;
- les requérants n'ont pas modifié ou complété leur dossier ;
- les époux B...ne peuvent prétendre n'avoir pas été informés que leur projet n'était pas conforme au règlement du plan d'occupation des sols ;
- le fait de solliciter une autorisation de construire sur une parcelle de 200m² dans une zone qui requiert 800 m² ne peut être regardé relevant d'une adaptation mineure ;
- les requérants ont refusé de proroger le compromis de vente pour des raisons qui leur appartiennent ;
- ils sont à l'origine des préjudices qu'ils allèguent et n'établissent pas les prétendues fautes de la commune ;
- la décision a été régulièrement instruite, car les requérants, sans modifier ni compléter leur projet, se sont bornés à solliciter des adaptations mineures en dehors de toute légalité ;
- la décision de refus est parfaitement légale et les requérants ne peuvent établir de préjudice en lien avec ce refus légal ;
- si par extraordinaire, la Cour retenait une faute de la commune, le préjudice serait en tout état de cause inexistant puisqu'en renonçant à proroger le compromis de vente, ils ont eux-mêmes renoncé à leur projet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme B... relèvent appel du jugement rendu le 20 juin 2014 par le tribunal administratif de Nîmes, qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Vénéjan à leur verser une indemnité en réparation des préjudices qu'ils prétendent avoir subis consécutivement à des fautes commises par ladite commune à la suite de leur projet de réaliser une boulangerie-pâtisserie, sur une parcelle de 200 m², à détacher d'une parcelle propriété de la commune, cadastrée section A n° 1263 et située en zone UC du plan d'occupation des sols communal ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte de la lecture du jugement attaqué que, pour rejeter la demande indemnitaire présentée par les requérants, les premiers juges ont notamment considéré que, quand bien même le refus opposé était illégal, le permis de construire sollicité ne pouvait, en tout état de cause, être délivré en raison des règles applicables du règlement du plan d'occupation des sols communal sur la superficie minimale de la parcelle et être à l'origine des préjudices dont les intéressés demandaient réparation ; que, par ce raisonnement, les premiers juges ont, implicitement mais nécessairement, répondu au moyen selon lequel le refus était illégal faute pour la commune de prouver qu'elle avait notifié par lettre recommandée la modification des délais d'instruction ; que, par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait irrégulier à défaut pour le tribunal d'avoir répondu au moyen précité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, d'une part, que, depuis le début de l'année 2009 au moins, les épouxB..., auxquels la commune de Vénéjan avait consenti à compter du 1er mai 1994 un bail commercial pour l'exploitation d'une boulangerie-pâtisserie, ont sollicité les services communaux afin de pouvoir construire un local plus adapté aux besoins de leur commerce ; qu'après que, par lettre datée du 31 mars 2009, le maire leur eut fait part des contraintes qui empêchaient la commune de s'engager sur leur projet, les époux B...ont proposé, par lettre du 19 janvier 2011, d'acheter 200 m² d'une parcelle propriété communale, située à l'entrée du village et cadastrée section A n° 1263 ; que, par délibération du 25 février 2011, le conseil municipal a accepté " d'acter ", " compte tenu du caractère indispensable d'une boulangerie dans la commune ", " le principe d'une cession d'une superficie de 200 m² " de cette parcelle ; que, le 30 mai 2011, la commune, représentée par son maire, et les époux B...ont signé un compromis pour la vente à ces derniers d'un terrain d'une superficie de 199,92 m² à détacher de la parcelle A 1263, le reste de la parcelle devant supporter un parking public communal, servant d'accès à la parcelle à détacher ; que ce compromis était notamment conclu sous la condition suspensive que les acquéreurs obtiennent un permis de construire avant le 30 septembre 2011 pour la réalisation d'une boulangerie ;
4. Considérant, d'autre part, que, par demande datée du 13 juillet 2011, les époux B...ont présenté une demande de permis de construire, dont la mairie de Vénéjan a établi le récépissé de dépôt le 18 juillet 2011 ; que, par courrier daté du 1er août 2011, la commune a informé les pétitionnaires, en premier lieu, que le délai d'instruction de la demande était porté à 6 mois compte tenu de la circonstance que le projet était un établissement recevant du public et était soumis à un accord de l'architecte des bâtiments de France, en second lieu, que des pièces de la demande étaient manquantes ou insuffisantes, dès lors, notamment, que les mentions relatives à la superficie de la parcelle d'assiette du projet étaient incohérentes, et qu'en vertu du règlement applicable dans la zone le terrain d'assiette du projet ne pouvait être inférieur à 800 m² ; que, dans ce même courrier, la commune a précisé aux pétitionnaires que le délai d'instruction ne commencerait à courir qu'à compter de la réception des pièces manquantes ; que, par courrier adressé au maire et daté du 26 septembre 2011, l'architecte des requérants a déposé des pièces complémentaires et présenté au maire une demande d'adaptation mineure du règlement, notamment sur la superficie requise de la parcelle ; que si un récépissé de réception de ces documents a été établi le 29 septembre 2011, le maire de Vénéjan a, par décision datée du 26 février 2012, informé les époux B...qu'il considérait qu'ils avaient renoncé à leur projet dès lors qu'ils n'avaient pas satisfait à la demande de pièces complémentaires dans le délai imparti et que leur demande faisait " l'objet d'une décision tacite de rejet " ; que, par acte daté du 16 avril 2012, M. et Mme B... ont signé un compromis pour l'achat d'une boulangerie à Pont-Saint-Esprit ;
5. Considérant que la responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice, personnel et certain, subi par la victime ; que les préjudices dont les époux B...demandent réparation consistent, d'une part, en les frais financiers engagés en pure perte pour l'élaboration du projet de boulangerie sur la parcelle de 200 m² à détacher de la propriété communale à l'entrée de Vénéjan, d'autre part, en un préjudice économique qui consisterait en l'obligation où ils se seraient trouvés d'interrompre leur activité commerciale pour réunir les éléments nécessaires à ce projet, enfin en des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral ; qu'ils doivent être regardés comme soutenant que ces préjudices seraient la conséquence directe de deux fautes commises par la commune, l'illégalité de la décision du 26 février 2012 rejetant leur demande de permis de construire et une incitation fautive de la commune ;
6. Considérant, en premier lieu, que les époux B...ne versent au dossier aucun élément corroborant leurs affirmations selon lesquelles la mise au point du projet de construction d'une nouvelle boulangerie sur Vénéjan aurait entraîné une interruption de leur activité commerciale existante ; que, par suite, la réalité du préjudice économique allégué n'est, en tout état de cause, pas établie ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, même en admettant l'illégalité de la décision du 26 février 2012, le rejet de leur demande de permis de construire n'a pu être à l'origine directe d'aucun préjudice pour les épouxB..., dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire sollicité ne pouvait légalement leur être délivré, compte tenu des règles du plan d'occupation des sols applicables dans la zone où se trouvait la parcelle d'assiette du projet ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la seconde faute invoquée par les époux B...comme étant à l'origine des préjudices dont ils demandent réparation, consisterait pour la commune à les avoir induits en erreur sur la faisabilité dudit projet sur le terrain d'assiette visé par la délibération précitée du 25 février 2011 et objet du compromis de vente sus-évoqué ; qu'il résulte en effet de l'instruction, et notamment de la chronologie des faits ci-dessus retracée, que, par la délibération suivie du compromis de vente, la commune a incité les époux B...à mettre au point un projet qui n'était pas réalisable compte tenu des règles du plan d'occupation des sols applicables sur la superficie minimale de la parcelle; que, par suite, cette incitation fautive est de nature à engager la responsabilité de la commune ;
9. Considérant, certes, que la commune indique qu'elle a proposé aux époux B...de prolonger la validité du compromis de vente jusqu'en décembre 2012 pour qu'avec l'adoption de la révision du plan d'occupation des sols valant plan local d'urbanisme, leur projet devienne réalisable ; que, cependant, le refus des intéressés d'attendre que se termine la procédure de révision du document d'urbanisme communal, en cours depuis déjà plusieurs années, ne peut être regardée comme un comportement constitutif d'une faute de la victime de nature à l'exonérer, totalement ou partiellement, de sa responsabilité ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les frais financiers, constitués de frais d'architecte pour l'élaboration et le dépôt du projet de construction d'une boulangerie et de frais d'étude sur la rentabilité de ce même projet, ont été engagés en pure perte par les épouxB..., et sont en lien direct avec l'agissement fautif de la commune retenu au point 8 ; que les factures ou notes d'honoraires versées au dossier établissent ce préjudice, pour un montant TTC de 3 010,03 euros s'agissant des frais d'architecte ; que la facture de 1 196 euros TTC, établie par l'expert-comptable de M. B... le 30 novembre 2012, ne porte qu'en partie, d'après ses mentions mêmes, sur le projet de boulangerie à Vénéjan ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité destinée à réparer l'ensemble des frais exposés en pure perte par les époux B...en la fixant à la somme de 3 500 euros ;
11. Considérant que l'incitation fautive de la commune doit être regardée comme à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence subis par les épouxB..., pour la période courant de la date de la délibération du 25 février 2011 jusqu'au 16 avril 2012, date à laquelle les intéressés ont renoncé à leur projet et se sont engagés dans une nouvelle opération en signant un compromis pour l'achat d'une boulangerie à Pont-Saint-Esprit ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'indemnité destinée à réparer ces préjudices en la fixant à la somme de 1 000 euros ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la totalité de leurs conclusions indemnitaires ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement et de mettre à la charge de la commune de Vénéjan le versement aux époux B...d'une indemnité d'un montant total de 4 500 euros ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par les services communaux de la réclamation préalable formée le 10 décembre 2012 par les épouxB... ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions que les deux parties présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E
Article 1er : Le jugement du 20 juin 2014 rendu par le tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La commune de Vénéjan est condamnée à verser aux époux B...la somme de 4 500 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par la commune de Vénéjan de la réclamation préalable du 10 décembre 2012.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Vénéjan sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et à la commune de Vénéjan.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 juin 2016.
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N° 14MA03772