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20/06/2016 | FRANCE | N°12MA04061

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 20 juin 2016, 12MA04061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) à associé unique Informatique Midi Pyrénées Industrie (IMP Industrie) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler le marché passé par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et la société SIS en vue de la " refonte du système d'information opérationnel et évolution des réseaux radioélectrique et de communications ", et de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes à lui p

ayer la somme de 2 206 761,79 euros, assortie des intérêts de retard à compter de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) à associé unique Informatique Midi Pyrénées Industrie (IMP Industrie) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler le marché passé par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et la société SIS en vue de la " refonte du système d'information opérationnel et évolution des réseaux radioélectrique et de communications ", et de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes à lui payer la somme de 2 206 761,79 euros, assortie des intérêts de retard à compter de la réception de sa demande préalable.

Par un jugement n° 1001917 du 6 août 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société IMP Industrie.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2012, la société IMP Industrie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 août 2012 ;

2°) d'annuler le marché conclu entre le SDIS et la société SIS ;

3°de condamner le SDIS à lui payer la somme de 2 206 761,79 euros, assortie des intérêts calculés à compter de la réception de sa demande préalable et capitalisés ;

4°) de mettre à la charge du SDIS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il ne répond pas à plusieurs moyens invoqués devant le tribunal administratif ;

- l'instruction du dossier par les premiers juges a été sommaire et insuffisante ;

- l'offre de la société SIS était irrégulière au regard des stipulations de l'article 13.5 du CCAP et de la note d'instruction technique n° 400 et des stipulations de l'article 4.2.2.3.6 du CCTP ;

- le classement de son offre par le pouvoir adjudicateur est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la consultation est irrégulière au regard notamment des stipulations de l'article 5 du règlement de la consultation :

- le contenu des sous-critères " fonctionnel ", " normes et certifications ", " interopérabilité " et prix, ainsi que leurs modalités de mise en oeuvre n'ont pas fait l'objet d'une publicité suffisante ;

- les sous-critères " fonctionnel ", " normes et certifications ", " interopérabilité " et " projet - service - formation " sont illégaux ;

- elle avait des chances sérieuses d'emporter le marché ;

- elle justifie de son préjudice, qu'il y aura lieu, subsidiairement, d'évaluer après expertise.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 et 10 février 2015, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société IMP Industrie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société IMP Industrie ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gautron

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant la société IMP Industrie.

1. Considérant que, par avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 30 mai 2009 et au journal officiel de l'Union européenne le 27 mai 2009, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de l'attribution d'un marché de services portant sur la refonte de son système d'information opérationnel et sur l'évolution des réseaux radioélectriques et de communication ; que la société IMP Industrie, la société d'information et de systèmes (SIS) et la société Systel ont présenté des offres ; que, par lettre du 4 décembre 2009, la société IMP Industrie a été informée que son offre n'avait pas été retenue ; que le marché a été attribué à la société SIS ; que la société IMP Industrie relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 6 août 2012, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation du marché et à la condamnation du SDIS à l'indemniser du préjudice résultant de son éviction irrégulière ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués à ce titre ;

2. Considérant que, devant le tribunal administratif, la société IMP Industrie soutenait que les conditions de mise en oeuvre des sous-critères " fonctionnel " et " normes et certifications " étaient insuffisamment précisées ; que le jugement attaqué n'a pas répondu à ces moyens, qui n'étaient pas inopérants ; que, dès lors, la société IMP Industrie est fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en demander à ce titre l'annulation ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice ;

4. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

5. Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ; que, par ailleurs, une requête contestant la validité d'un contrat peut être accompagnée d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de son exécution ;

Sur la validité du marché contesté :

En ce qui concerne la régularité de l'offre de la société SIS :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 58 du code des marchés publics : " (...) III.-Les offres inappropriées au sens du 3° du II de l'article 35 ainsi que les offres irrégulières ou inacceptables au sens du 1° du I de l'article 35 sont éliminées. Cette élimination est effectuée par la commission d'appel d'offres pour les collectivités territoriales. " ; qu'aux termes de l'article 35 du code des marchés publics : " (...) I.- (...) 1° (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. / Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. / (...) II. (...) 3° (...) Est inappropriée une offre qui apporte une réponse sans rapport avec le besoin du pouvoir adjudicateur et qui peut en conséquence être assimilée à une absence d'offre (...) " ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Maintenance évolutive / Toute livraison au SDIS d'une version mineure ou majeure de l'application dans son intégralité sera incluse au contrat de service sans qu'une compensation financière puisse être demandée au SDIS. / Il en va de même pour les parties infrastructures matérielles et logicielles (OS, SGBD...). / Si une évolution logicielle nécessite la mise à niveau du matériel ou le remplacement par du matériel plus récent, une compensation financière ne pourra pas être demandée au SDIS. / Attention, le titulaire devra s'engager sur la pérennité de sa solution (matérielle et logicielle) pendant la durée du contrat de service et s'engagera donc à faire évoluer périodiquement sa solution applicative et matérielle. / Ces évolutions seront incluses au contrat de service et ne feront pas l'objet de facturation supplémentaire. Lorsqu'une version majeure ou mineure doit être livrée, le titulaire devra prévenir le SDIS au moins : / - 1 mois avant la date prévisible de montée en production s'il s'agit d'une version mineure / - 3 mois avant la date prévisible de montée en production s'il s'agit d'une version majeure / Il devra indiquer le plus tôt possible si une interruption d'une ou plusieurs fonctionnalités sera nécessaire lors de la mise en production avec un préavis minimum de 1 mois (délai nécessaire pour la mise en oeuvre d'éventuelles solutions de contournement). / La montée de version sera prise en charge intégralement par le titulaire après validation par le SDIS. / Si une montée de version engendre une interruption non prévue d'une ou plusieurs fonctionnalités, le titulaire sera redevable d'une pénalité complémentaire de 100 euros TTC par heure d'indisponibilité. / La première heure n'est pas divisible et la durée d'indisponibilité est arrondie au nombre d'heures supérieur " ;

8. Considérant que, dans son point 4.5.2.2.2, le rapport d'analyse des offres relève, sur l'offre de la société SIS, que " Au niveau de la maintenance évolutive, le candidat s'engage à maintenir les performances du système à iso fonctionnalités du marché initial. Si l'évolution des fonctionnalités acquises initialement nécessite une évolution matérielle pour maintenir les performances du système, elles seront à la charge du candidat. Dans le cas de la mise en oeuvre d'une nouvelle fonctionnalité (comprise dans le cadre du contrat), si celle-ci nécessite une évolution du matériel, il sera à la charge du SDIS. " ; que toutefois, si les stipulations précitées de l'article 13.5 du cahier des clauses administratives particulières prévoient que l'évolution matérielle rendue nécessaire par une évolution logicielle ne pourra être mise à la charge financière du SDIS, cette exigence n'est pas en l'espèce méconnue par l'offre de la société SIS, qui prévoit expressément, au contraire, que l'évolution matérielle rendue nécessaire par l'évolution des fonctionnalités du logiciel sera à la charge de cette société ; qu'en outre, son offre n'est pas irrégulière du seul fait qu'elle prévoit que l'évolution matérielle rendue nécessaire par la mise en oeuvre éventuelle de nouvelles fonctionnalités, non prévues dans l'application initiale, serait à la charge du SDIS, de telles nouvelles fonctionnalités n'étant pas concernées par lesdites stipulations, qui n'intéressent que l'évolution des fonctionnalités existantes ; que l'offre de la société SIS est ainsi conforme à ces stipulations ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4.2.2.3.6 du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché : " (...) Le titulaire précisera : si son logiciel d'alerte et son système de gestion de voies radio répondent (...) aux notes d'instruction techniques 400 et 401 " ; que la circonstance, à la supposer établie, que la solution de raccordement proposée par la société SIS n'aurait pas été conforme à " l'instruction technique n° 400 ", dont le contenu n'est d'ailleurs pas précisé, est sans influence sur la régularité de l'offre présentée par ladite société, dès lors que les stipulations précitées de l'article 4.2.2.3.6 du cahier des clauses techniques particulières n'imposent pas une conformité des offres à cette instruction ;

En ce qui concerne les critères d'appréciation des offres :

S'agissant du critère de la valeur technique :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement de consultation, " l'analyse des offres s'appuiera sur les critères suivants, classés par ordre décroissant d'importance : / Valeur technique de l'offre (pondération : 50 %) appréciée au regard des aspects : / - Fonctionnel (couverture fonctionnelle, compréhension du besoin) 30 points / - Ergonomie (lisibilité des fenêtres, accessibilité aux fonctionnalités) 10 points / - Technique (architecture et qualité des matériels déployés) 30 points / - Norme et certification (NF 399 ou équivalent en vigueur dans un pays de l'Union européenne) 15 points / - Interopérabilité avec les systèmes d'information (SAMU, SI administratif...) et intégration avec l'INPT 15 points (...)" ;

Quant à l'information délivrée sur ce critère :

11. Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l'article 1er de ce code ; que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu'il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ;

12. Considérant, en premier lieu, que le règlement de la consultation précise les modalités de mise en oeuvre du critère de la valeur technique, en précisant que celui-ci doit être apprécié, notamment, au regard d'un " aspect " dit " fonctionnel ", pondéré à hauteur de 30 points ; que cet " aspect " doit permettre d'évaluer la nature des fonctionnalités prévues par le système proposé, tant s'agissant de leur étendue (" couverture fonctionnelle ") que s'agissant de leur adéquation aux besoins spécifiques du SDIS (" compréhension du besoin ") ; que les documents du dossier de la consultation décrivant par ailleurs la nature des besoins du SDIS, ces deux éléments d'appréciation visent seulement à préciser les modalités d'application du critère de la valeur technique et ne constituent pas, dès lors, des critères dont la mise en oeuvre devrait être précisée ; que le moyen tiré du caractère imprécis des termes " compréhension du besoin " doit donc être écarté ;

13. Considérant, en second lieu, que le règlement de la consultation précise que le critère de la valeur technique doit notamment être apprécié, d'une part, au regard d'un " aspect " dit " norme et certification ", pondéré à hauteur de 15 points ; que cet " aspect " doit permettre d'évaluer le respect des référentiels de qualité et de sécurité applicables, en particulier de la norme AFNOR " NF 399 " ; que le règlement de la consultation précise également que le critère de la valeur technique doit notamment être apprécié, d'autre part, au regard d'un " aspect " dit " interopérabilité avec le système d'information et intégration avec l'INPT ", pondéré à hauteur de 15 points ; que cet " aspect " doit permettre d'évaluer l'interopérabilité et l'intégration du système proposé avec les systèmes d'information existants ; que toutefois, ces différents " aspects " doivent être regardés non comme de véritables critères d'appréciation, dont les modalités de mise en oeuvre auraient dû être précisées aux candidats conformément aux principes rappelés au point 10, mais comme de simple éléments d'appréciation du critère de la valeur technique de l'offre, dont les modalités de mise en oeuvre n'avaient pas à être précisées davantage ;

Quant à la légalité de ses " aspects " dits " norme et certification " et " interopérabilité " :

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4.2.2.3.6 du cahier des clauses techniques particulières du marché : " (...) Dans le cas où le matériel proposé par le titulaire ne présenterait pas les exigences de la norme AFNOR - NF 399 " logiciels sécurité civile " pour tout ou partie des matériels ci avant, le titulaire fournira : / soit : les copies de lettres de demande et d'engagement de la marque NF Logiciel sécurité civile et l'accusé de réception de l'organisme gestionnaire de la marque NF / soit : une certification équivalente en vigueur dans un des pays de l'Union européenne, émanant d'une tierce partie indépendante et fondée sur des critères d'évaluation similaires à ceux de la NF 399 " logiciels sécurité civile " et fournira les éléments relatifs à cette certification " ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code des marchés publics : " I. - Les prestations qui font l'objet d'un marché ou d'un accord-cadre sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : / 1° Soit par référence à des normes ou à d'autres documents équivalents accessibles aux candidats, notamment des agréments techniques ou d'autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation ; / 2° Soit en termes de performances ou d'exigences fonctionnelles. Celles-ci sont suffisamment précises pour permettre aux candidats de connaître exactement l'objet du marché et au pouvoir adjudicateur d'attribuer le marché. Elles peuvent inclure des caractéristiques environnementales. / (...)." ;

16. Considérant que conformément à ces dispositions, les marchés publics peuvent faire référence aux normes homologuées ou enregistrées par l'Association française de normalisation (AFNOR), laquelle est un organisme de normalisation au sens de cet article ; qu'une norme " NF " n'est pas, comme le soutient la société IMP Industrie, une " marque collective " qui en application des (...) articles L. 715-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle est soumise (...) à l'ensemble des dispositions du code relatives aux marques de fabrique ", mais un référentiel de sécurité ou de qualité homologué par l'AFNOR dans les conditions prévues par le décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'en prévoyant que le critère de la valeur technique serait apprécié au regard du respect de la norme NF 399, le SDIS des Alpes-Maritimes n'a donc pas méconnu les principes fondamentaux de la commande publique ;

17. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du I de l'article 53 du code des marchés publics : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) " ;

18. Considérant que le règlement de la consultation pouvait légalement, au regard des dispositions précitées et sans porter atteinte aux principes de la commande publique et notamment aux principes d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures et de libre concurrence, prévoir que le critère de la valeur technique serait apprécié, notamment, au regard des qualités d'interopérabilité et d'intégration du système proposé ; que la société IMP Industrie n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'en instituant, en tant que " sous-critère " d'appréciation des offres, " l'interopérabilité des systèmes ", le SDIS aurait manqué auxdits principes et méconnu le droit des marchés publics ;

Quant à " l'erreur de droit " entachant le motif de rejet de l'offre de la société IMP Industrie, tiré de son absence de plus-value réelle :

19. Considérant que l'expression selon laquelle l'offre de la société IMP Industrie n'apporte pas de " réelle plus-value ", qui motive le rejet de son offre, doit être prise dans son acception courante et signifie seulement que les mérites de cette offre du point de vue du sous-critère en cause sont inférieurs à ceux des autres offres ; qu'ainsi, les documents de la consultation n'avaient pas, contrairement à ce que soutient la société IMP Industrie, à préciser que les offres des candidats allaient être appréciées par rapport aux " plus-values " éventuelles qu'ils apporteraient aux cahiers des charges et annexes, soit au besoin à satisfaire tel que défini par le pouvoir adjudicateur, dès lors qu'un tel critère de jugement n'a pas été mis en oeuvre par le pouvoir adjudicateur ;

S'agissant de la légalité du critère " méthodologie de mise en oeuvre " :

20. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement de consultation, " l'analyse des offres s'appuiera sur les critères suivants, classés par ordre décroissant d'importance : / (...) Méthodologie de mise en oeuvre (pondération 30 %) appréciée au regard de / - Projet (équipe dédiée, méthodologie, conduite du changement et analyse des risques, plan de charge...) 40 points / - Service (organisation pour répondre aux contraintes du SDIS 06) 40 points / - Formation (principes d'organisation, outils d'e-learning) 20 points (...) " ;

21. Considérant qu'aux termes de l'article 52 du code des marchés publics : " (...) Les candidatures (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 53 du même code : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique (...) et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché (...) " ;

22. Considérant que, si elles imposent au pouvoir adjudicateur de vérifier les capacités des candidats au moment de l'examen des candidatures, ces dispositions ne lui interdisent pas, s'ils sont non discriminatoires et liés à l'objet du marché, de retenir un critère, un sous-critère ou des éléments d'appréciation relatifs aux moyens en personnel et en matériel affectés par le candidat à l'exécution des prestations du marché afin d'en garantir la qualité technique ; que la société IMP Industrie n'est donc pas fondée à soutenir que les " aspects " dits " projet ", " service " et " formation " prévus pour l'appréciation du critère " méthodologie ", s'ils pouvaient être pris en compte par le pouvoir adjudicateur au stade de la sélection des candidatures, ne pouvaient l'être au stade de la sélection des offres, dès lors qu'ils portaient, ainsi qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 5 du règlement de consultation, non sur les capacités générales des candidats, mais sur les seuls moyens affectés par eux à l'exécution du marché litigieux et contribuaient, par suite, à identifier l'offre économiquement la plus avantageuse ;

S'agissant de la précision du critère du " Prix global du projet évalué sur 10 ans " :

23. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement de consultation, " l'analyse des offres s'appuiera sur les critères suivants, classés par ordre décroissant d'importance : / (...) Prix global du projet évalué sur 10 ans (pondération : 20 %) apprécié au regard : / - du coût forfaitaire global du projet (toutes tranches confondues, options retenues) / - des coûts induits / - du coût de maintenance " ;

24. Considérant, d'une part, que le règlement de la consultation précise les modalités de mise en oeuvre du critère du " prix global ", en précisant que celui-ci intègre, outre le prix forfaitaire du marché, les " coûts induits " et les " coûts de maintenance " ; que la portée de ces termes, qui n'est pas ambiguë, n'avait pas à être précisée ; que par suite, la société IMP Industrie n'est pas fondée à soutenir que les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures et de libre concurrence, consacrés par le droit interne et par le droit communautaire, auraient été méconnus, en l'absence d'information suffisante des candidats quant aux modalités de mise en oeuvre de ce critère ;

25. Considérant, d'autre part, que le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de rendre public ses méthodes de notation, qu'il définit librement, sous réserve que cette méthode ne prive pas de leur portée les critères de sélection et ne neutralise pas leur pondération ; que la société IMP Industrie ne peut donc utilement se prévaloir de ce qu'elle n'a pas été informée de la méthode de notation appliquée au critère du prix ;

En ce qui concerne l'appréciation de la valeur technique de l'offre de la société IMP Industrie :

26. Considérant, en premier lieu, qu'alors même que le cahier des charges n'exigeait pas la planification de plusieurs feuilles de garde par tranche horaire et par centre sur la même journée, la commission d'appel d'offres pouvait tenir compte de l'existence de cette fonctionnalité pour apprécier la valeur de l'offre au regard du sous-critère " fonctionnalités " ; que, si la société IMP Industries soutient que son application permettait une telle planification, l'existence de cette fonctionnalité, qui n'était pas mentionnée dans la 4ème section " Gestion des feuilles de garde " du descriptif fonctionnel joint à son offre, n'est pas établie, ce descriptif faisant seulement état, dans sa figure B9, d'une planification par jour pour un centre déterminé ; qu'ainsi, le rapport d'analyse des offres pouvait valablement relever l'infériorité de son offre sur ce point ;

27. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'examen de l'offre de la société IMP Industrie que celle-ci ne prévoit pas, dans son point 1.2.2 relatif à la gestion des communications du descriptif fonctionnel, d'historique horodaté dans la fenêtre d'appel des appels ayant pour origine le même appelant, ni de classement des appels par listes en fonction du faisceau " arrivée " avec indication du temps d'attente de ces appels et possibilité de choisir l'appel à prendre en priorité en fonction des listes présentées ; que cette offre ne comporte pas de précision s'agissant notamment du recouvrement d'un pôle vers l'autre, de la possibilité de rattacher des documents directement aux consignes, d'annuler l'engagement de véhicules, de remplacer ou réaffecter simplement les moyens engagés ou de créer des secteurs d'intervention ; que dans ces conditions, la société IMP Industrie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le rapport d'analyse des offres relève que " l'organisation proposée ne correspond pas aux attentes définies dans le CCTP " et que l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur serait fondée sur des faits matériellement inexacts, en ce qui concerne ces différents points ;

30. Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, il ne résulte pas de l'examen de l'offre de la société IMP Industrie que l'appréciation de la commission d'appel d'offres selon laquelle la multiplicité, la superposition et l'enchainement des fenêtres affichées, en fonction des besoins, entraînerait un défaut de lisibilité et de clarté des informations, ainsi que de multiples manipulations et une prise en main par les utilisateurs plus délicate qu'avec les autres offres, serait manifestement erronée et partiale, alors même que le logiciel proposé adopterait, comme le prétend la société IMP Industrie, le point de vue d'un débutant et que le recours à de nombreuses fenêtres favoriserait un affichage " en cas de besoin " ; que, d'autre part, la commission pouvait relever, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni d'erreur de droit, qu'en dépit de son caractère innovant et sécurisé, le logiciel proposé par la société IMP était peu répandu et que l'absence de " retour d'expérience " quant à son utilisation le pénalisait ;

31. Considérant, en quatrième lieu, que si le rapport d'analyse des offres indique, en ce qui concerne les enregistreurs, que le modèle retenu ne bénéficie pas de la certification NF 399, il n'en résulte pas pour autant, contrairement à ce que soutient la société IMP Industrie, que le pouvoir adjudicateur aurait entendu faire de cette certification un élément d'appréciation de la qualité technique des matériels déployés, alors qu'elle fait l'objet, par ailleurs, d'un sous-critère spécifique de jugement des offres, ainsi qu'il a été dit aux points 10, 14 et 16 ; que, dès lors, la société IMP Industrie n'est pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que les offres auraient été appréciées à deux titres au regard de ce même sous-critère ;

32. Considérant, en cinquième lieu, que l'indication du rapport d'analyse des offres selon laquelle les modules du bandeau téléphonique sont indépendants ne constitue pas un grief fait à l'offre de la société ; que la société IMP Industrie n'invoque donc pas utilement son caractère techniquement erroné ;

33. Considérant, en sixième lieu, que si la société IMP Industrie fait valoir qu'elle a indiqué dans son offre qu'en fonction du niveau du gravité, les alarmes remontent vers l'extranet de la société et sont ainsi diffusées vers les groupes concernés, il ne résulte pas de l'examen de cette offre que celle-ci prévoyait une supervision constante installée dans ses locaux ; que notamment, si le document intitulé " Présentation de la société " précise qu'une assistance était donnée par le biais d'une " hotline " et d'un " extranet dédié aux utilisateurs de GIPSI ", cette possibilité de contacter les services de IMP n'est pas équivalente à une supervision ; que dans ces conditions, la société IMP Industrie n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur serait erronée sur ce point ;

34. Considérant, en septième lieu, que la société IMP Industrie soutient que l'appréciation portée sur ses propositions, qui ont été jugées " moins élaborées " s'agissant de " l'interopérabilité avec le système d'information et intégration INPT ", est " énigmatique ", alors que le module d'interface qu'elle avait proposé était parfaitement conforme au cahier des charges ; que toutefois, qu'en l'absence de précision sur les caractéristiques de l'offre de la société SIS, il ne résulte pas de l'instruction que cette appréciation portée par la commission sur l'interopérabilité soit manifestement erronée ;

35. Considérant, en dernier lieu, que le rapport d'analyse des offres précise, au sujet des casques opérateurs : " IMPI : cette société propose un système de micro casque moderne, mais inadapté à un usage intensif. De plus, la continuité d'autonomie s'opérant par remplacement de la batterie, il convient que celle-ci puisse demeurer en charge hors période de service de l'agent, ce qui est très difficilement envisageable " ; que la fiche technique du micro-casque de marque Jabra, incluse dans l'offre de la société IMP Industrie, prévoit une " durée de chargement de la batterie (de) 3 heures " et une autonomie de 9 heures ; que le devis quantitatif et estimatif fourni à l'appui de l'offre précise, dans son point 3.3, la livraison de " micro-casques avec batterie suppl. pour un fonctionnement durant un cycle de garde complet de 24 heures " ; que si la charge de l'une des deux batteries proposées peut aisément s'effectuer durant la période de service de l'agent, il incombe néanmoins à chaque agent de procéder régulièrement à leur échange pour assurer la continuité d'autonomie de son dispositif individuel ; que dans ces conditions, la commission d'appel d'offres pouvait, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, reprocher à la société IMP Industrie la lourdeur relative de cette procédure et son incompatibilité avec un usage intensif, tel que celui prévu dans le cadre du marché litigieux ;

36. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société IMP Industrie n'est pas fondée à contester la validité de ce marché et à en demander l'annulation ;

Sur la demande indemnitaire :

37. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

38. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit, notamment au point 36, que la société IMP Industrie n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été irrégulièrement évincée du marché ; que ses demandes indemnitaires ne peuvent donc être accueillies ;

Sur la demande d'expertise :

39. Considérant qu'au regard de tout ce qui précède, la demande de la société IMP Industrie tendant à la désignation d'un expert, afin d'évaluer son préjudice, ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

40. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme réclamée par la société IMP Industrie, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société IMP Industrie une somme de 2 000 euros, au même titre, au profit du service départemental d'incendie et de secours ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1001917 du 6 août 2012 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la société IMP Industrie devant le tribunal administratif de Nice et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : La société IMP Industrie versera au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Informatique Midi Pyrénées Industrie, au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et à la société d'Informatique et de systèmes.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2016, à laquelle siégeaient :

M. Moussaron, président,

Mme Héry, premier conseiller,

M. Gautron, conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2016.

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N° 12MA04061

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04061
Date de la décision : 20/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CABINET THALAMAS - MAYLIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-20;12ma04061 ?
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