Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Affaire d'Or a demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge de l'obligation, notifiée par procès-verbal de saisie-vente du 4 septembre 2008, de payer la somme de 168 376 euros au titre de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales dont elle restait redevable au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000.
Par un jugement n° 1301060 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 avril 2014, le 23 septembre 2014 et le 8 octobre 2014, la SARL Affaire d'Or, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 février 2014 ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est recevable ;
- le jugement attaqué n'a pas répondu à l'argumentation selon laquelle l'administration ne justifie pas, en se bornant à produire un seul avis de réception, avoir notifié le 23 mai 2008 deux commandements de payer en date du 19 mai 2008 relatifs aux cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales en litige ;
- le procès-verbal de saisie-vente n'indique pas clairement les voies et délais de recours et a été reçu par un simple salarié de l'entreprise ;
- le procès-verbal de saisie-vente est caduc dès lors qu'aucun acte d'exécution n'a été accompli dans le délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 297 du décret du 31 juillet 1992 ;
- le procès-verbal de saisie-vente n'a pas été précédé de la notification d'une lettre de rappel ;
- dès lors qu'existe une discordance entre le montant des sommes réclamées par les commandements de payer et le procès-verbal de saisie-vente en litige, ce dernier est irrégulier ;
- l'action en recouvrement est prescrite en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dès lors que l'administration n'a pas apporté la justification de la suspension du délai de prescription par l'octroi effectif du sursis de paiement, qu'elle ne justifie pas davantage avoir notifié dans un même pli les deux commandements de payer du 19 mai 2008, et que ces commandements de payer n'indiquent pas précisément les voies et délais de recours et comportent une signature illisible.
Par des mémoires enregistrés le 18 juin 2014 et le 20 novembre 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors d'une part qu'en application de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les contestations portant sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite relèvent, après une phase administrative préalable, exclusivement du juge de l'exécution et que, d'autre part, les actes de poursuite effectués par le comptable public entre février 2008 et septembre 2008, à savoir trois commandements de payer et le procès-verbal de saisie en cause, n'ont fait l'objet d'aucune contestation dans le délai légal ;
- la société requérante, qui s'est abstenue de former opposition à l'obligation de payer résultant du commandement de payer notifié le 23 mai 2008 et de se prévaloir alors de la prescription de l'action en recouvrement dans le délai d'opposition, n'est plus recevable à invoquer ce moyen à l'appui de la présente contestation contre un acte postérieur ;
- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Affaire d'Or a demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge de l'obligation, notifiée par procès-verbal de saisie-vente du 4 septembre 2008, de payer la somme de 168 376 euros pour avoir paiement de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales dont elle restait redevable au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 ; que par le jugement attaqué du 6 février 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la SARL Affaire d'Or fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration n'a rapporté la preuve de la réception que d'un seul des deux commandements de payer émis à son encontre le 19 mai 2008 ; que, toutefois, à supposer même qu'un tel moyen ait été soulevé devant eux, les premiers juges ont, en tout état de cause, suffisamment explicité la raison pour laquelle ils ne l'ont pas accueilli en énonçant que, par la production d'un avis de réception signé de son destinataire, l'administration a justifié avoir notifié le 23 mai 2008 les deux commandements de payer en cause ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. " ;
4. Considérant que, dès lors qu'ils se rattachent à la régularité en la forme d'un acte de poursuite au sens des dispositions précitées du livre des procédures fiscales et ressortissent ainsi de la compétence du juge de l'exécution, doivent être écartés comme portés devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître le moyen tiré par la SARL Affaire d'Or de l'absence de lettre de rappel qui, selon les dispositions de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales, doit précéder le premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 297 du décret du 31 juillet 1992 susvisé selon lesquelles si, dans le délai de deux ans qui suit l'émission d'un commandement de payer, aucun acte de poursuite quel qu'il soit ou règlement partiel n'est intervenu, la saisie-vente ne peut être engagée que sur un nouveau commandement, et le moyen tiré de ce que la date du commandement de payer portée sur le procès-verbal de saisie-vente est erronée ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. " ; qu'aux termes de l'article L. 275 du même livre, alors en vigueur : " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274. " ; qu'aux termes de l'article L. 277 du même livre : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. (...) " ; qu'en vertu des dispositions précitées, les impositions contestées par un contribuable, lorsqu'il a assorti sa réclamation régulière d'une demande de sursis de paiement, ne redeviennent exigibles et le cours du délai de prescription de l'action en recouvrement ne recommence par voie de conséquence à courir à leur égard avant qu'il ait été statué sur leur bien-fondé par le directeur des services fiscaux ou, le cas échéant, par le tribunal administratif, que si le contribuable s'abstient de constituer les garanties demandées par le comptable ou si celles qu'il a proposées sont rejetées par ce dernier selon une décision régulièrement notifiée ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Affaire d'Or a régulièrement contesté le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 à 2000, lesquelles ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2002, par trois réclamations assorties de demandes de sursis de paiement, reçues par l'administration les 14 février 2003, 14 décembre 2003 et le 28 décembre 2004 ; qu'il s'ensuit que du seul fait qu'elle a présenté ces demandes de sursis de paiement, et alors même qu'elle n'aurait pas été invitée par le comptable à constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de l'impôt, la SARL Affaire d'Or a bénéficié de la suspension de l'exigibilité des impositions mises à sa charge jusqu'à la notification du jugement en date du 26 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de décharge des impositions en cause ; qu'ainsi le délai de quatre ans prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dont la suspension est intervenue au plus tard le 28 décembre 2004, a repris son cours à compter de cette notification et n'était, par suite, pas expiré lorsque lui a été signifié le 4 septembre 2008 le procès-verbal de saisie-vente relatif à ces mêmes impositions ; que contrairement à ce que soutient la SARL Affaire d'Or, le procès-verbal de saisie-vente a été régulièrement signifié au gérant de cette société et non à un simple employé, ainsi qu'en attestent les mentions portées sur le procès-verbal ;
7. Considérant, en dernier lieu, que s'agissant de la discordance qui existerait selon la SARL Affaire d'Or entre, d'une part, les montants figurant sur deux commandements de payer émis le 19 mai 2008 pour avoir paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales en litige et, d'autre part, celui indiqué sur le procès-verbal de saisie-vente, il résulte du bordereau de situation produit en première instance que ce dernier montant correspond aux montants mentionnés sur les deux commandements de payer du 19 mai 2008 auxquels il convient d'ajouter les frais ; que par suite, le moyen doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre, que la SARL Affaire d'Or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SARL Affaire d'Or au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Affaire d'Or est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Affaire d'Or et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 juin 2016.
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N° 14MA01594
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