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10/06/2016 | FRANCE | N°15MA01941

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 10 juin 2016, 15MA01941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le préfet de la zone de défense sud à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi dans l'exercice de ses fonctions de brigadier de police en juin et novembre 2007.

Par un jugement n° 1301201 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2015 et le 2 juin 2015, M. C... A...,

représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le préfet de la zone de défense sud à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi dans l'exercice de ses fonctions de brigadier de police en juin et novembre 2007.

Par un jugement n° 1301201 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2015 et le 2 juin 2015, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 avril 2015;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi dans l'exercice de ses fonctions de brigadier de police en juin et novembre 2007 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de la résistance abusive de l'administration ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en exécution de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 12 juin 2013 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) d'assortir ces condamnations d'une astreinte de 100 euros par jours de retard après l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les erreurs dans les mentions de l'ordonnance rendue par le juge des référés, dans l'instance introduite par son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 4 mai 2013, entache d'irrégularité la procédure suivie devant le juge du fond ;

- le jugement a été rendu en méconnaissance du contradictoire car il n'a pas été mis à même de verser les pièces au soutien de sa demande ;

- le jugement attaqué ne lui ayant pas été régulièrement notifié, est entaché d'irrégularité ;

- sa demande devant le tribunal administratif n'ayant pas le même objet que celle ayant été rejetée par le tribunal administratif en 2012, l'autorité attaché à ce jugement ne peut pas lui être opposée ;

- sa créance n'était pas prescrite dès lors que la prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 1er janvier suivant le prononcé du jugement du tribunal correctionnel d'Avignon, le 8 septembre 2008 ;

- la prescription a été interrompue par sa demande de protection fonctionnelle en 2011, à laquelle le ministre de l'intérieur a répondu favorablement par deux lettres du 7 avril 2011 ;

- son préjudice, subi dans le cadre de ses fonctions, doit être indemnisé par l'Etat, au titre de la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- son préjudice doit être évalué à 2 000 euros ;

- les refus systématiquement opposés à sa demande par l'administration présentent un caractère abusif ;

- le préjudice résultant de ces abus doit être évalué à 2 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Argoud,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

1. Considérant que M. A..., brigadier de police, a été victime les 2 juin et 24 novembre 2007, de faits d'outrages à l'occasion de l'exercice de ses fonctions de la part de deux individus, reconnus coupables des faits par deux jugements du tribunal correctionnel d'Avignon du 8 septembre 2008 et condamnés au paiement de la somme de 500 euros chacun à titre de dommages et intérêts et de la somme de 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que, par deux jugements n° 1003091 et n° 1003092 du 10 juillet 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer le montant des dommages et intérêts qui lui ont été accordés par le juge judiciaire, en substitution des auteurs des faits ; que, par deux courriers du 18 décembre 2012, M. A... a demandé au préfet de la zone défense Sud l'indemnisation des préjudices résultant de ces faits, sur le fondement de la protection due aux fonctionnaires ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande au motif qu'elle était prescrite ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir ni des circonstances relatives à l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes le 12 juin 2013, ni de celles relatives à la procédure au terme de laquelle cette ordonnance a été rendue, qui concernent une autre instance que celle du jugement en litige et qui sont, par voie de conséquence, sans incidence sur sa régularité ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les conditions de notification du jugement attaqué sont sans incidence sur sa régularité ;

4. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) " ; qu'aux termes de son article 2 : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné./ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée " ; qu'aux termes de son article 3 : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) " ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au moment des faits : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales " ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article : " La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté " et qu'aux termes du cinquième alinéa du même article : " La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé (...) " ;

7. Considérant que si la protection instituée par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 comprend, le cas échéant, la réparation des préjudices subis par un agent victime d'attaques dans le cadre de ses fonctions, elle n'entraîne pas la substitution de la collectivité publique dont il dépend, pour le paiement des dommages et intérêts accordés par une décision de justice, aux auteurs de ces faits lorsqu'ils sont insolvables ou se soustraient à l'exécution de cette décision de justice, alors même que l'administration serait subrogée dans les droits de son agent ; qu'en revanche, il appartient à une collectivité publique, saisie d'une demande en ce sens, d'assurer une juste réparation du préjudice subi du fait des attaques dirigées contre son agent ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le fait générateur des créances dont se prévaut le requérant, à l'encontre de l'administration, est constitué par le préjudice qu'il a subi dans l'exercice de ses fonctions de brigadier de police, pour les faits commis à son encontre en juin et novembre 2007 ; que la procédure qu'il a menée devant le juge judiciaire à l'encontre des auteurs de ces faits est donc sans incidence sur ses créances à l'encontre de l'administration ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la prescription aurait été interrompue par les instances qu'il a menées devant le juge judiciaire ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, par deux courriers du 7 avril 2011, le ministre de l'intérieur a décidé d'accorder au requérant la protection fonctionnelle et l'a informé de ce que ses préjudices subis pour les faits en cause seraient réparés ; que ces décisions, qui ont donc admis dans leur principe les indemnisations faisant l'objet du présent litige, constituent des communications écrites d'une administration intéressée, ayant trait au fait générateur de la créance, au sens du 4ème alinéa de l'article 2 de la loi du 1er décembre 1968 ; que, par suite, elles ont interrompu la prescription quadriennale, qui a recommencé à courir, pour un nouveau délai de quatre ans, à compter du 1er janvier 2012 ; que le requérant est donc fondé à soutenir que le 18 décembre 2012, date à laquelle il a demandé à l'administration de lui verser les sommes correspondant à l'indemnisation de ses préjudices, ses créances n'étaient pas prescrites ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur la prescription de ses créances pour rejeter sa demande ;

En ce qui concerne l'exception de l'autorité de la chose jugée :

10. Considérant que le présent litige concerne les demandes d'indemnisation présentées par M. A... au titre de la protection fonctionnelle qui ont un objet différent de celles qui ont fait l'objets des jugements du tribunal administratif de Nîmes du 10 juillet 2012, mentionnés au point 1, qui tendaient à la condamnation de l'Etat à se substituer aux auteurs des faits pour le paiement à M. A... du montant des dommages et intérêts qui lui ont accordés par le juge judiciaire ; que l'exception d'autorité attachée à la chose jugée par le tribunal administratif dans ses jugements du 10 juillet 2012, opposée en première instance par le ministre de l'intérieur, ne peut donc qu'être écartée ;

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par M. A..., eu égard à la gravité des outrages commis à son encontre le 2 juin et le 24 novembre 2007, en lui allouant une somme de 2 000 euros, dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, cité au point 6, l'administration étant subrogée au droit de la victime, pour obtenir des auteurs des faits commis à l'encontre de M. A... la restitution des sommes versées à celui-ci ;

12. Considérant, en second lieu, et, en revanche, que si M. A...sollicite la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de la " résistance abusive " de l'administration, il n'établit ni l'existence de l'agissement fautif allégué de l'administration sur ce point ni de la réalité d'un préjudice qui serait en lien avec ce dernier ; qu'en outre, les conclusions de M. A...tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement d'une somme de 1 000 euros en exécution de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 12 juin 2013, relèvent d'un litige distinct de la présente instance ; que, dès lors, ces conclusions doivent être rejetées ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par suite, il est fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions tendant à ce que les condamnations prononcées soient assorties d'une astreinte :

15. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 reproduit à l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'Etat au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. (.....) A défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement. " ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet à M. A..., en cas d'inexécution de la présente décision dans le délai prescrit, d'obtenir du comptable assignataire le paiement des sommes que l'Etat est condamné à lui verser par cette même décision, les conclusions présentées par le requérant tendant à ce que la Cour assortisse ces condamnations d'une astreinte doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 avril 2015 est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) est condamné à verser à M. A... une somme de 2 000 euros, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. L'Etat est subrogé aux droits de M. A... dans les conditions indiquées au point 12 du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera à M. A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juin 2016.

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N° 15MA01941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01941
Date de la décision : 10/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Jean-Marie ARGOUD
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : KABORE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-10;15ma01941 ?
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