Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
- de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales à lui verser une somme totale de 246 898 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2012, en réparation de préjudices qu'il impute à l'illégalité de la décision le licenciant pour inaptitude physique et à la situation de harcèlement moral qu'il estime avoir subie ;
- de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1203660 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mai 2014 et le 28 avril 2016, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales à lui verser une somme totale de 246 898 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2012, en réparation des préjudices qu'il impute à l'illégalité de la décision le licenciant pour inaptitude physique et à la situation de harcèlement moral qu'il estime avoir subie ;
3°) d'annuler la décision implicite par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande préalable du 4 juin 2012 ;
4°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le harcèlement moral ;
- la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie se trouve engagée à raison du harcèlement moral qu'il a subi et de l'illégalité de la décision prononçant son licenciement pour inaptitude physique ;
- la commission paritaire locale n'a pas été consultée préalablement à son licenciement ;
- l'avis conforme du ministère n'a pas été obtenu ;
- les postes qui lui ont été proposés dans le cadre d'un éventuel reclassement ne correspondent pas à ses compétences ;
- le licenciement est entaché d'un détournement de pouvoir ;
- il a subi un préjudice moral, de carrière et une perte de chance de percevoir des traitements et une pension correspondant à une carrière ordinaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2015, la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, représentée par la SCP d'avocats Marijon Dillenschneider, conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952, modifiée, relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 portant statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements inter-consulaires modifié par avis des commissions paritaires nationales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Giocanti,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
1. Considérant que M. B..., agent d'économat en fonction depuis 1989 au sein de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, relève appel du jugement du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales soit condamnée à l'indemniser de préjudices consécutifs à l'illégalité de la décision de licenciement pour inaptitude physique du 28 février 2009 et au harcèlement moral qu'il estime avoir subi ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. B..., le jugement attaqué, après avoir rappelé l'ensemble des griefs exposés par le requérant, a précisé les raisons pour lesquelles la situation de harcèlement moral alléguée n'était pas établie et a répondu de manière suffisamment motivée à ce fondement de responsabilité ; que le jugement attaqué n'est, par suite, pas entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie résultant de l'illégalité de la décision de licenciement pour inaptitude physique du 28 février 2009 :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : "La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : (...) 3) Par licenciement pour inaptitude physique, après avis du médecin du travail. Les représentants du personnel en CPL et CHS sont informés des recherches de reclassement et de tout projet de licenciement pour inaptitude physique./4) Par licenciement pour inaptitude professionnelle(...)/5) Par suppression d'emploi (...) /6) Par mesure disciplinaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 33 bis du même statut : "Le licenciement ou la révocation de tout agent titulaire ayant la qualité de délégué syndical ou de représentant du personnel en commission paritaire locale ou en commission paritaire nationale ne peut intervenir, après avis de la commission paritaire locale donné dans les conditions prévues à l'article 33, paragraphes 4, 5 et 6, que sur avis conforme des ministres de tutelle. (...) " ;
4. Considérant que s'il résulte du courrier du 5 novembre 2008 du président du syndicat SNAPCC-UNSA que M. B... exerçait les fonctions de délégué syndical au moment de son licenciement, il ne peut utilement soutenir que son licenciement pour inaptitude physique devait être précédé de l'avis conforme des ministres de tutelle ainsi que de l'avis de la commission paritaire locale, dès lors que les dispositions précitées réservent cette procédure aux seuls licenciements pour inaptitude professionnelle, pour suppression d'emploi et pour mesure disciplinaire ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 34 bis du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " Avant tout licenciement pour inaptitude physique, il sera recherché une adaptation possible du poste ou un reclassement éventuel. (...)" ; qu'il résulte d'un principe général du droit, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ; qu'en l'espèce, dans la fiche d'aptitude rédigée par le médecin du travail le 19 décembre 2008, il est indiqué que M. B... est inapte à " son poste ainsi que tout autre poste à la maison de la formation. Apte exclusivement à un travail de bureau après formation si nécessaire au palais consulaire ou à l'aéroport "; que si M. B... fait valoir que les quatre postes de responsable SSLIA sûreté, de commercial formation professionnelle, d'animateur d'entreprise commerce/tourisme, et de responsable de l'antenne Prades qui lui ont été proposés par la chambre de commerce et d'industrie en janvier 2009, ne correspondent pas à ses compétences, il n'établit pas, en se bornant à faire valoir qu'il n'est pas en mesure de supporter une situation de stress laquelle est, au demeurant, inhérente à toute mission, que ces postes ne seraient pas en rapport avec sa qualification ni ne pas être en mesure de suivre la formation qui lui était proposée par la chambre de commerce et d'industrie ; que, par ailleurs, M. B... allègue sans le démontrer que la chambre de commerce et d'industrie aurait ultérieurement recruté des agents pour des emplois qu'il aurait pu occuper ; que par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie n'aurait pas respecté, préalablement à son licenciement, son obligation d'examiner les possibilités de reclassement en son sein ;
6. Considérant, en dernier lieu, que, si M. B... soutient que la décision du 28 février 2009 est entachée d'un détournement de pouvoir, il ne démontre pas que ses supérieurs hiérarchiques ont eu l'intention de se séparer de lui " par n'importe quel moyen " ; que le détournement allégué n'est, par suite, pas établi ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que, par la décision de licenciement du 28 février 2009, la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan aurait illégalement mis fin à ses fonctions ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ses conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité fautive de cette décision ont été rejetées par le tribunal administratif de Montpellier ;
En ce qui concerne la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie résultant du harcèlement moral :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'agent, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;
10. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
11. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
12. Considérant que M. B... allègue, sans apporter d'éléments de faits permettant d'en attester la réalité, avoir fait l'objet de rappels à l'ordre injustifiés, avoir été mis à l'écart du service pendant son congé maladie et avoir été affecté dans un bureau exigu et mal équipé ; que, contrairement à ce que soutient M. B..., il a été nommé à partir de 1992 aux fonctions d'agent d'économat et non d'économe ; qu'ainsi il n'est pas fondé à soutenir que le traitement qu'il a perçu ne correspondait pas aux fonctions exercées ; qu'il ne ressort pas des éléments versés au dossier par M. B... que son statut de travailleur handicapé, qui a été reconnu depuis 1980, n'aurait pas été pris en compte par la chambre de commerce et d'industrie ni qu'il aurait sollicité en vain à plusieurs reprises une adaptation de ses horaires de travail ; que, par ailleurs, les contrôles médicaux qui ont été effectués lorsque M. B... était en congé maladie du 2 novembre 2005 au 12 novembre 2008 ont été diligentés par l'assurance maladie et ne peuvent, ainsi, faire présumer l'existence, sur ce point, d'un quelconque harcèlement moral de la chambre de commerce et d'industrie à son égard ; qu'enfin, le supérieur hiérarchique de M. B... a pu, ainsi que le prévoit l'article 42 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie qui dispose que la visite médicale de reprise après un congé maladie doit avoir lieu lors de la reprise et au plus tard dans un délai de huit jours, conditionner la reprise effective du travail par M. B... à l'examen préalable par le médecin de santé au travail dans les deux jours suivant son retour ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les éléments de fait invoqués par M. B..., et pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ; que, par suite, l'appelant n'établit pas, à cet égard, l'existence d'une faute de la chambre de commerce et d'industrie de nature à engager sa responsabilité ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ses conclusions indemnitaires fondées sur l'existence d'un harcèlement moral ont été rejetées par le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. B... demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenue aux dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la chambre de commerce et d'industrie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Giocanti, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juin 2016.
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N° 14MA02129