Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes :
- de condamner la commune d'Avignon à lui verser une somme de 100 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011 et de leur capitalisation, en raison du harcèlement dont elle a fait l'objet ;
- de mettre à la charge de la commune d'Avignon les dépens ainsi qu'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1200169 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 avril 2014 et le 15 octobre 2015, Mme A..., représentée par la SCP Junqua et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2011 par laquelle la commune d'Avignon a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices ;
3°) de condamner la commune d'Avignon à lui verser une somme de 100 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011 et de leur capitalisation, en raison du harcèlement dont elle a fait l'objet ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Avignon une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a été victime de harcèlement de la part de supérieurs et collaborateurs à la direction des affaires juridiques et contentieuses, puis au sein du secrétariat de l'adjoint au maire, ensuite au sein du service " action de proximité " et enfin au sein de l'Opéra Théâtre d'Avignon.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2015, la commune d'Avignon, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les faits de harcèlement ne sont pas établis ;
- l'appelante a des difficultés persistantes à s'adapter et se soumettre aux ordres de sa hiérarchie.
Le mémoire présenté pour la commune d'Avignon le 20 novembre 2015 n'a pas donné lieu à communication en application des dispositions de l'article R. 611- 1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Giocanti,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B... substituant Me D... représentant la commune d'Avignon.
1. Considérant que Mme A... relève appel du jugement du 6 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Avignon à réparer les préjudices résultant pour elle, du harcèlement moral qu'elle aurait subi au sein des différents services de cette commune entre 2001 et 2012 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 modifiée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ; que, d'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, il doit être tenu compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; que, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que, dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral ;
3. Considérant, en premier lieu, que Mme A... affirme avoir rencontré des difficultés avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques successifs à compter de 2001 alors qu'elle donnait jusque là entière satisfaction dans l'exécution de ses missions ainsi que cela ressort de la notation qui lui a été attribuée en 1999 ; que Mme A... a bénéficié dans l'intérêt du service pendant la durée de la formation professionnelle de sa supérieure hiérarchique au sein de la direction des affaires juridiques et contentieuses, d'une carte de pointage lui permettant de travailler sur des vastes plages horaires ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cet aménagement spécifique des horaires de travail aurait été supprimé, au retour de sa supérieure, en raison d'une animosité particulière de cette dernière ; que, de même, le fait qu'il lui ait été rappelé à plusieurs reprises son obligation de ne pas s'absenter trop longuement de son poste de travail et de ne pas déjeuner dans les bureaux ne saurait être analysé comme traduisant l'existence d'une surveillance systématique, alors qu'il résulte de l'instruction que Mme A... a été surprise à plusieurs reprises le 26 mars 2002 et en 2003 en situation d'infraction aux règles de " badgeage " sans d'ailleurs que ces fautes ne fassent l'objet d'une quelconque sanction contrairement à ce qu'elle prétend ; qu'elle n'apporte pas non plus d'éléments de faits suffisants qui permettraient de présumer que sa hiérarchie lui aurait adressé des reproches sans lien avec le service, tel que l'interdiction d'utiliser la machine à café ou de se rendre aux toilettes, et que ces reproches auraient été formulés dans des termes inappropriés ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A... allègue ne pas avoir été soutenue par sa hiérarchie lorsqu'en 2005, la fille d'un agent de nettoyage s'est plaint des propos irrespectueux que Mme A... aurait tenus à propos de sa mère ; que toutefois, il résulte de l'instruction que la requérante n'a pas été tenue pour responsable de cet incident ; que le directeur des services techniques s'est borné, dans un courrier, à demander à Mme A..., " faute d'élément tangibles " de veiller à ce qu'une telle situation ne se reproduise plus ; que, par ailleurs, l'appelante s'est, en septembre 2008, approprié une invitation qui était destinée à l'adjoint au maire pour assister à un cocktail organisé à la suite d'un spectacle à Avignon ; qu'ainsi, le manquement à ses obligations professionnelles qui lui a été reproché par le chef de cabinet, lequel a demandé à ce qu'elle change de service à la suite de cet incident, ne résulte pas d'accusations calomnieuses contrairement à ce qu'elle prétend ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été l'objet d'acharnement ou de dénigrement de la part de sa hiérarchie ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que la responsable du service action de proximité aurait un jour fermé la porte du service à clé alors que Mme A..., qui n'était pas munie de sa clé, se trouvait à l'extérieur du bâtiment, au demeurant pour discuter avec des collègues, ne permet pas de conclure que cette responsable aurait décidé de mettre l'intéressée à l'écart du service ; qu'il n'est pas davantage avéré que le directeur de l'Opéra Théâtre d'Avignon l'aurait privée des informations et des outils utiles à l'accomplissement de ses missions à son retour de congé maladie ; que si un échange de mails daté du 26 novembre 2010 fait état de ce que Mme A... ne disposait pas de sa ligne téléphonique, aucun élément du dossier n'indique que cette situation se soit prolongée plus d'une journée alors que, par ailleurs, le directeur de l'Opéra Théâtre d'Avignon fait valoir que cette situation résultait de ce que Mme A... ne l'avait pas informé de la date de son retour de congé ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que le changement d'affectation géographique d'un agent, qui n'entraîne pas de changement de résidence administrative, ne constitue pas une mutation ; que l'administration est en droit d'imposer une telle mesure dans le cadre de ses pouvoirs d'organisation du service, et notamment quand la bonne exécution du service l'exige, que ce soit pour cause de surcharge de travail dans un site ou en raison d'un conflit de personnes ; que Mme A..., adjoint administratif, a été affectée du 1er septembre 1994 à 2001 au sein de la direction des affaires juridiques et contentieuses ; que Mme A... a été ensuite affectée successivement au secrétariat de l'adjoint au maire, au service de gestion du patrimoine, au service d'action de proximité à partir de 2008 et, enfin, au secrétariat de l'Opéra Théâtre d'Avignon à compter du 1er juillet 2009 ; qu'en dépit de compétences techniques reconnues par l'ensemble de sa hiérarchie, les difficultés récurrentes de Mme A... à respecter les directives d'un supérieur hiérarchique et à s'intégrer au sein des équipes, en raison d'un comportement inapproprié et excessif, ont été signalées à plusieurs reprises dans des courriers et rapports en 2001 lorsqu'elle travaillait à la direction des affaires juridiques et contentieuses, en 2008 par le chef de cabinet du maire d'Avignon, en 2009 par la responsable du service actions de proximité et, enfin, en 2010 par le directeur de l'Opéra Théâtre d'Avignon ; que plusieurs incidents relatifs à la gestion de dossiers, relatés dans un rapport du directeur de l'Opéra Théâtre d'Avignon et dans l'enquête administrative diligentée dans les services de la commune, témoignent de la relation de défiance, qui s'était instaurée entre Mme A... et ses directeurs hiérarchiques successifs ; qu'il résulte du courrier du 19 mai 2009 du responsable du service actions de proximité que Mme A... a elle-même demandé son changement d'affectation à cette période ; qu'en outre, si la réaffectation de Mme A... dans un autre service a été effectuée à deux reprises en 2001 et en 2008 à la demande expresse de sa hiérarchie, il résulte de l'instruction que ces mesures ont été prises afin de mettre fin au dysfonctionnement du service public généré par des difficultés relationnelles de Mme A... avec ses différents interlocuteurs ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que ses changements d'affectation successifs seraient constitutifs d'une situation de harcèlement moral ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que Mme A... adjoint administratif de 2ème classe a été promue adjoint administratif de 1ère classe en 2008 ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que sa hiérarchie aurait entravé le déroulement normal de sa carrière ; que la circonstance que certains agents avec lesquels elle aurait été en conflit aient été promus, à la supposer même établie, n'est pas de nature à faire présumer une situation de harcèlement ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les éléments de fait invoqués par Mme A..., et pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ; que, par suite, l'appelante n'établit pas, à cet égard, l'existence d'une faute de la commune d'Avignon de nature à engager sa responsabilité ; que dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A..., partie perdante en la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Avignon et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la commune d'Avignon, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et à la commune d'Avignon.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Giocanti, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juin 2016.
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N° 14MA01521