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31/05/2016 | FRANCE | N°13MA03619

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 31 mai 2016, 13MA03619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Energies Catalanes a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2009.

Par un jugement n° 1200513 du 4 juillet

2013, le tribunal administratif de Montpellier a partiellement fait droit à cette demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Energies Catalanes a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2009.

Par un jugement n° 1200513 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montpellier a partiellement fait droit à cette demande en réduisant, d'une part, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et les pénalités y afférentes auxquelles la société contribuable a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008 et, d'autre part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er octobre 2007 au 28 février 2009.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 6 septembre 2013 et 24 juillet 2014 la SARL Energies Catalanes, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les rectifications procédant, d'une part, de la réintégration dans le résultat de l'exercice clos en 2007 d'une fraction des frais judiciaires exposés entre 2001 et 2005 dans le cadre de l'action en responsabilité engagée contre les sociétés Sofimat et Elyo et, d'autre part, de la réintégration dans les résultats des exercices clos en 2007 et 2008 des intérêts versés en rémunération des avances de trésorerie consenties par la société Coopérative Sud Roussillon ;

2°) de prononcer dans cette mesure la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une partie des frais judiciaires exposés entre 2001 et 2005 ne se rattache pas au litige l'ayant opposé aux sociétés Sofimat et Elyo ;

- l'acte de gestion incriminé par l'administration a été accompli conformément à son intérêt social ;

- dans la mesure où les frais judiciaires ont été engagés de 2001 à 2005, la rectification se rattache à des exercices prescrits ;

- le caractère anormal des intérêts versés à la société Coopérative Sud Roussillon n'est pas établi ;

- elle a dû, dans un contexte financier difficile, solliciter des avances de trésorerie significatives auprès de cette société ;

- ces avances ont été progressivement remboursées.

Par des mémoires en défense enregistré les 25 février 2014 et 6 mars 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Energies Catalanes, qui a pour activité la production d'électricité, qu'elle vend à Electricité de France (EDF), et d'énergie thermique, qu'elle vend en particulier à la société Coopérative Sud Roussillon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés au titre respectivement des exercices clos les 30 septembre 2007 et 2008 et de la période allant du 1er octobre 2007 au 28 février 2009, ces rehaussements étant assortis de pénalités pour manquement délibéré ; que par jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé une réduction des impositions ainsi mises à la charge de la SARL Energies Catalanes ; que cette société relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de décharge dirigées contre les rectifications procédant, d'une part, de la réintégration dans le résultat de l'exercice clos en 2007 d'une fraction des frais judiciaires exposés entre 2001 et 2005 dans le cadre de l'action en responsabilité engagée contre les sociétés Sofimat et Elyo et, d'autre part, de la réintégration dans les résultats des exercices clos en 2007 et 2008 des intérêts versés en rémunération des avances de trésorerie consenties par la société Coopérative Sud Roussillon ;

Sur la réintégration des frais judiciaires dans le résultat de l'exercice clos en 2007 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que la renonciation par une société à percevoir des recettes ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît que l'entreprise a par là-même agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1999 les sociétés Elyo et Sofimat ont livré à la SARL Energies Catalanes une centrale de cogénération destinée à produire notamment de la chaleur vendue à douze exploitations agricoles productrices de fruits et légumes ; que la SARL Energies Catalanes, agissant pour elle-même et au nom de treize partenaires, à savoir les douze exploitations agricole à responsabilité limitée (EARL) ainsi que la société Coopérative Sud Roussillon avec lesquels elle avait conclu le 2 novembre 2000 un contrat de mandat et de représentation en justice, a engagé une action contentieuse contre les sociétés Elyo et Sofimat à raison du mauvais fonctionnement du système de cogénération, dans le cadre de laquelle elle a perçu, aux termes d'une transaction dont il n'est pas contesté qu'elle est intervenue au cours de l'exercice clos en 2007, une indemnité totale de 3 900 000 euros, sur laquelle 1 231 297,56 euros ont été reversés à ses mandants ; que la société contribuable ayant toutefois pris à sa charge l'ensemble des frais de justice afférents à ce litige, l'administration a estimé que la requérante s'était ainsi privée d'une recette évaluée à 17 559 euros et avait de la sorte commis, sans aucune contrepartie, un acte anormal de gestion ;

4. Considérant que la société requérante soutient que de telles dépenses participaient d'une gestion normale en faisant valoir, en premier lieu, que le contrat de mandat et de représentation en justice susmentionné ne comportait aucune clause relative à la déduction d'une quote-part des frais de justice engagés et ne lui permettait pas de procéder à une telle imputation en sa faveur ; que cependant, ce contrat prévoyait par son article 1er une répartition entre les différentes EARL et la société Coopérative Sud Roussillon des indemnisations à leur verser " en fonction d'un rapport d'expert faisant apparaître le préjudice personnel à chacune des EARL et à la coopérative Sud Roussillon " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette clef de répartition, mise en oeuvre s'agissant de l'indemnité totale de 3 900 000 euros, n'aurait pas été conforme à la commune intention des parties au contrat en ce qui concerne la répartition des frais de justice et n'aurait pu être pareillement utilisée s'agissant de ces frais ; que la société requérante ne peut en second lieu utilement faire valoir qu'étant la principale intéressée au procès en termes financiers, elle aurait pu agir seule et alors supporter des frais d'un montant identique, dès lors qu'elle a choisi d'agir conjointement avec les autres sociétés concernées contre les sociétés Sofimat et Elyo ; que, dès lors, la société requérante ne démontre pas l'intérêt commercial qu'elle aurait trouvé dans la prise en charge des frais de justice en cause ; que l'administration était dans ces conditions fondée à voir un acte anormal de gestion dans la libéralité ainsi consentie par la société Energies Catalanes, qui s'est traduite par une renonciation à des recettes ;

5. Considérant, par ailleurs, que s'il est soutenu que les frais de justice dont il s'agit se limiteraient à la somme de 22 063,57 euros, alors que le service a retenu la somme de 55 615,92 euros, et que le surplus des frais pris en compte par l'administration ne concernerait pas le litige engagé contre les sociétés Elyo et Sofimat, la société requérante ne produit aucun justificatif probant à l'appui de cette allégation ;

6. Considérant, enfin, que si la SARL Energies Catalanes soutient que les rectifications en litige seraient relatives à des exercices prescrits, il résulte toutefois de l'instruction que la transaction ayant mis fin à la procédure judiciaire est intervenue, ainsi qu'il est dit au point 3, au cours de l'exercice clos en 2007 ; qu'il s'ensuit que c'est au titre de ce dernier exercice que la société requérante aurait dû enregistrer en recettes la contribution de ses mandants aux frais de justice en cause ; que dans ces conditions, le moyen selon lequel les sommes qui lui sont réclamées seraient relatives à des exercices prescrits ne peut qu'être écarté ;

Sur la déduction des intérêts versés à la société Coopérative Sud Roussillon au titre des exercices clos en 2007 et 2008 :

7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ;

8. Considérant que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Energies Catalanes a conclu avec la société Coopérative Sud Roussillon un contrat par lequel elle s'engageait à rémunérer à hauteur de 4 % par an les avances d'un montant maximum de 1 500 000 euros susceptibles de lui être accordées par cette dernière société ; que le service a estimé dans un premier temps que la totalité des intérêts servis au titre de ces avances procédaient d'une gestion anormale et a procédé à leur réintégration dans les résultats de la société requérante ; qu'en cours de procédure, à la suite de l'entretien avec l'interlocuteur départemental et pour les seuls intérêts calculés sur les avances excédant le plafond susmentionné de 1 500 000 euros, les montants réintégrés dans les résultats de la société contribuable ont été limités aux sommes de 12 789 euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2007 et de 8 742 euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2008 ;

10. Considérant que si la SARL Energies Catalanes fait valoir que les stipulations contractuelles prévoyant un plafond de 1 500 000 euros ne lui sont pas opposables dès lors que les intérêts payés trouvaient leur contrepartie dans les avances opérées par la société Coopérative Sud Roussillon et que le taux d'intérêt pratiqué n'était pas critiquable, ces éléments ne sauraient suffire à faire regarder le versement à la société Coopérative Sud Roussillon des intérêts en cause comme procédant d'une gestion commerciale normale eu égard à la circonstance non contestée que la société requérante accordait de fait et dans le même temps à la société Coopérative Sud Roussillon une avance de trésorerie en s'abstenant de lui facturer au fur et à mesure de leur exécution les prestations qu'elle lui fournissait, sans qu'il soit justifié de l'intérêt économique pour la requérante de procéder à une telle avance au bénéfice d'une société lui étant juridiquement étrangère et pour des montants dont l'importance n'est pas contestée ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a regardé le versement des intérêts en litige comme un acte anormal de gestion et réintégré dans les résultats de la SARL Energies Catalanes les sommes de 12 789 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2007 et de 8 742 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2008 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Energies Catalanes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Energies Catalanes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Energies Catalanes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Energies Catalanes et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président-assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2016.

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N° 13MA03619 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03619
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-31;13ma03619 ?
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