Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 et, à titre subsidiaire, d'ordonner la restitution de la somme de 10 266 euros acquittée au titre de droits d'enregistrement.
Par l'article 1er d'un jugement n° 113514 du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Nîmes a constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance. Par l'article 2 du même jugement, le tribunal a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions relatives aux droits d'enregistrement. Par l'article 3 du même jugement, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 août 2013, M. et Mme A..., représentés par la SELARLU Cabinet MarcelC..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2013 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de prononcer la décharge totale des impositions supplémentaires de toute nature et des pénalités, majorations, amendes et intérêts de retard restant à leur charge ;
3°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la méconnaissance par les procédures mises en oeuvre par l'administration fiscale des droits de la défense ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 30 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les dégrèvements prononcés par l'administration fiscale au cours de la première instance constituent un " aveu judiciaire " ;
- le tribunal a statué " ultra petita " en constatant le dégrèvement accordé par l'administration ;
- le tribunal, en relevant dans ses visas qu'ils auraient soutenu que le découpage par lots de l'immeuble situé à Chamborigaud était intervenu postérieurement à l'acquisition de celui-ci n'a pas retranscrit exactement leurs écrits et n'a pas suffisamment motivé son jugement ; ils n'ont pas bénéficié d'un juge impartial et équitable ;
- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son rejet du moyen tiré de ce que le recouvrement des contributions sociales relèverait de la seule compétence des caisses de sécurité sociale et non de la direction générale des finances publiques ;
- le tribunal n'a pas examiné le détournement de procédure constitué par le recours par l'administration fiscale à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; ils ont été privés du recours au comité de l'abus de droit ;
- l'activité de la SCI Moulin de l'Abbaye ne pouvait faire l'objet d'une vérification de comptabilité, dans la mesure où elle n'était pas astreinte à la tenue d'une comptabilité ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye n'avait pas la qualité de marchand de biens ;
- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est prononcée au vu de fausses informations délivrées par l'administration dans l'examen du différend opposant cette dernière à la SCI Moulin de l'Abbaye ;
- l'avis de mise en recouvrement du 21 mai 2010 adressé à la SCI Moulin de l'Abbaye mentionne une somme supérieure à la somme arrêtée après avis de la commission ;
- la proposition de rectification du 26 mai 2009 adressée à la SCI Moulin de l'Abbaye n'indique pas la procédure d'imposition suivie ;
- la réponse aux observations de la SCI Moulin de l'Abbaye n'est pas motivée ;
- la procédure de taxation d'office a été irrégulièrement suivie en matière de taxe sur la valeur ajoutée à l'égard de la SCI Moulin de l'Abbaye ;
- la procédure de redressement contradictoire a été également irrégulièrement suivie en matière d'impôt sur les sociétés à l'égard de la SCI Moulin de l'Abbaye ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye n'a pas été invitée à régulariser sa situation et n'a pas obtenu de l'administration fiscale les informations qui lui auraient permis d'organiser sa défense ;
- aucun avis ou rôle d'imposition n'est parvenu en matière de taxe professionnelle à la SCI Moulin de l'Abbaye ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye a été privée de la garantie tenant à l'existence d'un débat oral et contradictoire ; les termes de la charte du contribuable vérifié ont été ignorés ;
- l'administration fiscale a manqué à son devoir de loyauté ;
- elle a commis un délit de concussion au sens de l'article 432-10 du code pénal ;
- le délai de reprise de l'administration fiscale était expiré à la date de la notification de la proposition de rectification du 26 mai 2009 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée due par la SCI Moulin de l'Abbaye ;
- les stipulations des articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ont été méconnues ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye a été victime d'une voie de fait et d'un traitement discriminatoire de la part de l'administration fiscale ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye a fait l'objet d'une double imposition, ce qui est contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- les principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de droit à un procès équitable, affirmés par de nombreuses documentations administratives, ont été méconnus ;
- l'imposition selon le régime des plus-values a été confirmée verbalement à la SCI Moulin de l'Abbaye et des déclarations de plus-values ont été régulièrement déposées ; en les acceptant, l'administration fiscale a pris une position qui lui est opposable ;
- les factures de frais et charges présentées par la SCI Moulin de l'Abbaye au vérificateur ont été rejetées à tort alors qu'elles auraient dû être prises en compte à concurrence de 6 255,95 euros au titre de l'année 2006 et de 8 988,31 euros au titre de l'année 2007 ;
- le montant total des travaux à prendre en compte était de 95 591,25 euros au titre de l'année 2006 et de 32 550,74 euros au titre de l'année 2007 ;
- les relevés bancaires de la SCI Moulin de l'Abbaye n'ont été ni pointés ni examinés ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye n'a reçu aucune information au sujet des régularisations admises par l'article L. 62 du livre des procédures fiscales ;
- la charge de la preuve a été inversée ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye a été victime d'irrégularités substantielles au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- les droits d'enregistrement qui ont été acquittés n'ont pas été restitués préalablement au contrôle ;
- l'administration s'est rendue coupable de délit de concussion en ayant imposé à tort certaines sommes et en les ayant conservées en toute connaissance de cause ;
- les termes de nombreuses documentations administratives relatives à la procédure d'imposition ont été méconnus ;
- le vérificateur a réintégré à tort les intérêts produits par la somme de 540 350 euros, qu'il a qualifiée à tort de prêt qui aurait été consenti par la SCI Moulin de l'Abbaye à la SARL La Tour du Pin ;
- l'administration ne prouve pas l'intention spéculative de la SCI Moulin de l'Abbaye au moment de l'achat des immeubles ;
- l'administration affirme à tort que le marché immobilier aurait été en expansion dans la région de Chamborigaud ;
- le vérificateur n'a pas satisfait aux obligations prévues par le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 et la proposition de rectification du 26 mai 2009, adressée à la SCI Moulin de l'Abbaye, ne comporte aucune indication permettant d'établir que la documentation administrative qui lui a été opposée a été publiée sur un site internet unique relevant du Premier ministre ;
- ils sont victimes d'une double imposition ;
- la proposition de rectification du 8 juillet 2009 qui leur a été adressée à titre personnel est insuffisamment motivée ;
- les contributions sociales issues des rectifications ont été mises à leur charge sans motivation suffisante alors que les contributions sociales auxquelles ils avaient été initialement assujettis ne leur ont pas été restituées ;
- la SCI Moulin de l'Abbaye ne pouvant être assujettie à l'impôt sur les sociétés, il ne saurait y avoir distribution de revenus ;
- l'administration n'établit pas qu'ils auraient appréhendé les revenus réputés distribués ; la proposition de rectification est insuffisamment motivée sur ce point ;
- le tribunal administratif a rejeté à tort leur demande de frais irrépétibles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2014, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour de rejeter la requête présentée par M. et Mme A....
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;
- le code pénal ;
- le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bédier,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., pour M. et MmeA....
1. Considérant qu'à l'occasion d'un contrôle sur place de l'activité de la SCI Moulin de l'Abbaye portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, l'administration fiscale a estimé que la société se livrait à une activité de marchand de biens et l'a assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des années 2006 et 2007 ; que M. A..., gérant de la société, et son épouse ont été imposés au titre des mêmes années à raison des revenus regardés comme distribués par la société ; que M. et Mme A...ont contesté devant le tribunal administratif de Nîmes les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007, les pénalités qui les ont assorties ainsi que des droits d'enregistrement antérieurement acquittés ; que, par l'article 1er d'un jugement du 13 juin 2013, le tribunal a constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance ; que, par l'article 2 du même jugement, le tribunal a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions par lesquelles était demandée la restitution des droits d'enregistrement ; que, par l'article 3 du même jugement, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... ; que ceux-ci déclarent relever appel de l'intégralité de ce jugement ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des droits d'enregistrement :
2. Considérant que les premiers juges ont retenu à bon droit qu'il n'appartenait pas à la juridiction administrative de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la restitution de droits d'enregistrement et que ces conclusions ne pouvaient qu'être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que l'article 2 du jugement doit, par suite, être confirmé ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A... reprochent au tribunal d'avoir relevé à tort dans ses visas qu'ils auraient soutenu que le découpage par lots d'un immeuble situé à Chamborigaud était intervenu postérieurement à l'acquisition de celui-ci et de n'avoir pas retranscrit exactement leurs écrits ; que, toutefois, les premiers juges ont relevé au point 14 de leur jugement que " l'immeuble de Chamborigaud, même s'il était déjà divisé en différents lots lors de son achat, a été acquis dans sa globalité fin 2005 et revendu par lots à compter de la fin de l'année 2006 " ; que, dans ces conditions, l'ambiguïté que pouvaient comporter les visas du jugement a été clairement dissipée dans les motifs de celui-ci ; que, par suite, les premiers juges ne se sont pas mépris sur la portée des écrits des requérants et ont suffisamment motivé leur jugement ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en relevant, après avoir cité l'ensemble des textes du code général des impôts dont il était fait application, que le moyen tiré de ce que le recouvrement des contributions sociales aurait relevé de la seule compétence des caisses de sécurité sociale et non de la direction générale des finances publiques devait être écarté, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'un dégrèvement de 88 071 euros a été prononcé le 12 juin 2012 au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales des années 2006 et 2007 ; qu'en constatant ce non-lieu à statuer, le tribunal n'a pas statué au-delà des conclusions dont il était saisi mais s'est borné à accomplir son office ; que, par ailleurs, M. et Mme A... n'indiquent pas à la Cour en quoi les premiers juges auraient constaté à tort un non-lieu à statuer à concurrence de ce dégrèvement ; que l'article 1er du jugement doit, par suite, être confirmé ;
Sur la nature de l'activité de la SCI Moulin de l'Abbaye et le principe de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) " ; que le 2. de l'article 206 du même code, définissant le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, dispose : " (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) " ; que, sur le fondement de ces dispositions dont l'application est subordonnée à la double condition que les opérations présentent un caractère habituel et procèdent d'une intention spéculative, l'administration a assujetti la SCI Moulin de l'Abbaye à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2006 et 2007 en qualité de personne morale se livrant habituellement à des achats d'immeubles en vue de leur revente ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période allant de 2002 à 2005, la SCI Moulin de l'Abbaye a réalisé six acquisitions immobilières ; que l'une de ces opérations, portant sur un immeuble situé à Robiac, concerne un bien acquis en juillet 2005 et revendu six mois plus tard ; qu'un immeuble acquis à Saint-A... de Valborgne en un seul bloc en 2003 a été cédé après division en six lots en 2007 ; qu'un autre immeuble, acquis en 2005 à Chamborigaud, a été revendu à raison d'une opération portant sur quatre lots à la fin de l'année 2006 et à raison de seize opérations portant sur quarante et un lots au cours de l'année 2007 ; qu'il résulte également de l'instruction qu'un mandat général de vente de l'immeuble de Chamborigaud avait été signé dès le 1er août 2005, soit sept jours après la signature de l'acte authentique d'achat du 23 juillet 2005 ; que, dans ces conditions, compte tenu du nombre d'opérations effectuées, la SCI Moulin de l'Abbaye doit être regardée comme s'étant livrée habituellement à des achats d'immeubles en vue de leur revente et, compte tenu des délais d'achat et de revente et des marges réalisées, comme ayant effectué des opérations immobilières procédant d'une intention spéculative manifestée dès l'acquisition des immeubles alors même que son gérant aurait rencontré des problèmes de santé ; que ne saurait infirmer cette intention spéculative le fait, à le supposer avéré, que les prix du marché immobilier dans le secteur de Chamborigaud auraient connu une baisse importante, l'activité d'achat et de revente d'immeuble pouvant aussi bien s'exercer dans un marché porteur que dans une situation permettant de profiter d'une baisse des prix de l'immobilier ; que, par suite, l'administration était en droit de soumettre les opérations réalisées par la société en 2006 et en 2007 à l'impôt sur les sociétés ; que les premiers juges ont retenu à bon droit que la double circonstance que la société n'aurait pas rempli les obligations comptables et déclaratives des marchands de biens et que l'administration fiscale n'aurait pas immédiatement remis en cause les déclarations de plus-values immobilières souscrites à l'occasion des cessions d'immeubles demeurait sans incidence sur la nature de l'activité de la société ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette conventions si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que l'imposition de la SCI Moulin de l'Abbaye à l'impôt sur les sociétés se justifie par l'application de dispositions de la loi fiscale qui, en l'espèce, répondent au motif d'intérêt général d'établir l'impôt, ne méconnaissent pas les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention et ne sont à l'origine d'aucun traitement discriminatoire ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration fiscale remette en cause le régime fiscal sous lequel, de façon erronée, la SCI Moulin de l'Abbaye avait entendu se placer ;
En ce qui concerne l'existence d'une prise de position de l'administration fiscale sur la situation de fait de la société :
10. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A... n'établissent pas que l'administration fiscale aurait délivré verbalement à la SCI Moulin de l'Abbaye des informations, dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, l'assurant que certaines opérations relevaient du régime fiscal des plus-values immobilières réalisées par les particuliers ; que l'absence de remise en cause immédiate par l'administration des déclarations de plus-values souscrites à l'occasion des cessions d'immeubles ne constitue pas davantage une prise de position qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant, en second lieu, que les dégrèvements prononcés par l'administration fiscale au cours de la première instance ne sauraient constituer, comme le soutiennent M. et Mme A..., un " aveu judiciaire " par lequel l'administration aurait reconnu que sa position était mal fondée dès lors que ces dégrèvements sont consécutifs à la justification par les requérants en cours d'instance devant le tribunal administratif de certaines charges ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. et Mme A... :
12. Considérant, en premier lieu, qu'en raison de l'indépendance des procédures suivies, un contribuable soumis à l'impôt sur le revenu ne peut se prévaloir des irrégularités ayant affecté la procédure de redressement menée à l'encontre d'une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés ; qu'il suit de là que les irrégularités éventuelles de la procédure suivie à l'égard de la SCI Moulin de l'Abbaye, assujettie à bon droit à l'impôt sur les sociétés comme il a été dit aux points 6 à 11, sont sans influence sur la régularité de la procédure suivie à l'égard de M. et Mme A... ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que la proposition de rectification du 8 juillet 2009, adressée à titre personnel à M. et Mme A..., indique aux contribuables qu'ils disposent du délai de trente jours imparti en cas de procédure de redressement contradictoire pour présenter leurs observations ou solliciter une prorogation de ce délai ; qu'elle comporte en ses trois annexes, les extraits utiles de la proposition de rectification du 26 mai 2009 adressée à la SCI Moulin de l'Abbaye, retrace les conséquences quant aux obligations fiscales des requérants de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de la société civile immobilière, indique les articles du code général des impôts, qui ont été cités, dont il est fait application, le montant des revenus regardés comme distribués et les raisons pour lesquelles l'administration a estimé que M. et Mme A... les avait appréhendés ; que le principe de l'assujettissement des intéressés à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social sur les revenus du patrimoine a été indiqué avec mention des textes applicables du code général des impôts et du taux d'imposition ; que, comme l'a rappelé le tribunal, l'administration n'était pas tenue de réitérer pour ces prélèvements, les motifs de rectification indiqués pour l'impôt sur le revenu ; que la proposition de rectification est, par suite, suffisamment motivée ;
14. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est, en ce qui concerne le principal des impositions, inopérant ;
15. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 12 et 13 que la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. et Mme A... ne révèle aucune irrégularité substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait porté atteinte aux droits de la défense, commis un détournement de procédure ou, en tentant de percevoir des impositions non dues, aurait commis des faits de " concussion " ;
Sur les autres moyens relatifs au bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'existence de revenus distribués :
16. Considérant que la SCI Moulin de l'Abbaye ayant été assujettie à bon droit à l'impôt sur les sociétés, le moyen tiré de ce que les dispositions du code général des impôts relatives aux revenus distribués seraient inapplicables à la situation de M. et Mme A... ne peut qu'être écarté ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'il incombe à l'administration, dès lors que la procédure de redressement contradictoire a été suivie et que M. et Mme A... n'ont pas accepté les rectifications, d'apporter la preuve du montant des distributions et de l'appréhension par les requérants de celles-ci ;
En ce qui concerne le montant des revenus distribués :
18. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a accepté de prendre en compte au cours de la première instance des frais et charges exposés par la SCI Moulin de l'Abbaye et a réduit à due concurrence les revenus regardés comme distribués ramenant le montant de ceux-ci de 81 624 euros à 1 698 euros au titre de l'année 2006 et de 494 044 euros à 466 827 euros au titre de l'année 2007 ; que si M. et Mme A... demandent que soient pris en compte des montants de charges de 95 591,25 euros au titre de l'année 2006 et de 32 550,74 euros au titre de l'année 2007, supérieurs à ceux admis par l'administration, ils n'apportent aucune précision au soutien de cette prétention en se bornant à avancer des chiffres globaux et en n'indiquant pas quelles charges auraient été omises par l'administration fiscale ;
19. Considérant, en second lieu, que le vérificateur a relevé que la SCI Moulin de l'Abbaye avait consenti à la SARL La Tour du Pin une avance de trésorerie d'un montant de 540 350 euros le 30 novembre 2007 et a réintégré dans les résultats de la société les intérêts que celle-ci était en droit de demander à la société bénéficiaire de cette avance ; que les requérants n'expliquent ni ne justifient quelle contrepartie la société pouvait attendre de cette mise à disposition sans intérêts à un tiers de la somme de 540 350 euros ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale, qui doit être regardée comme apportant la preuve que l'opération ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une gestion commerciale normale, était fondée à réintégrer la somme de 2 517 euros aux résultats de l'année 2007 de la société et à en tirer les conséquences pour l'établissement du montant des revenus regardés comme distribués ;
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre " ; qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du juin 2009, M. A... s'est désigné ainsi que son épouse, sous sa propre signature et en sa qualité de gérant de la société, comme bénéficiaire des revenus réputés distribués par la SCI Moulin de l'Abbaye, dont son épouse et lui-même sont associés ; qu'il appartient dès lors aux requérants d'établir qu'ils n'auraient pas appréhendé les sommes en cause ; qu'en se bornant à soutenir que l'administration fiscale ne démontre pas la confusion des patrimoines de l'entreprise et de leur patrimoine personnel, ils n'apportent pas la preuve requise ; que, dès lors, M. et Mme A... doivent être regardés comme ayant appréhendé les sommes à raison desquelles ils ont été imposés ;
En ce qui concerne les contributions sociales :
21. Considérant que les premiers juges ont relevé à bon droit qu'il résultait des dispositions des articles 1600-0 C, 1600-0 F bis et 1600-0 G du code général des impôts et des articles L. 136-6 et L. 245-14 du code de la sécurité sociale que la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale et le prélèvement social sur les revenus du patrimoine sont assis, contrôlés et recouvrés selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu et que le moyen tiré de ce que le recouvrement des contributions sociales relèverait de " la seule compétence des caisses de sécurité sociale " devait être écarté ;
En ce qui concerne l'existence d'une double imposition :
22. Considérant, en premier lieu, que, si M. et Mme A... soutiennent qu'ils auraient fait l'objet d'une double imposition en matière de contributions sociales, ils n'établissent, par les documents qu'ils produisent, ni l'existence de cette double imposition ni, à supposer qu'ils aient été doublement imposés à raison des mêmes opérations de cessions de biens immobiliers, qu'ils se seraient rapprochés de l'administration fiscale pour obtenir la restitution de prélèvements doublement acquittés et que l'administration fiscale se serait opposée à une telle restitution ;
23. Considérant, en second lieu, que le moyen par lequel M. et Mme A... soutiennent que les impositions réclamées à la SCI Moulin de l'Abbaye en matière de taxe sur la valeur ajoutée conduisent à une double imposition, au titre des droits d'enregistrement et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière et que l'administration aurait dû, de ce fait, procéder au dégrèvement des droits d'enregistrement, est inopérant dans le cadre du présent litige, relatif aux seules impositions sur le revenu et contributions sociales mises à la charge des requérants ;
Sur l'application des pénalités :
24. Considérant que les impositions mises à la charge de M. et Mme A... ont été assorties des intérêts de retard, qui ne présentent pas un caractère de sanction, et de la pénalité de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts infligée cas d'inexactitudes ou d'omissions relevées dans ces déclarations ; que cette dernière sanction n'est pas contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le droit à un procès équitable n'a pas davantage été méconnu ;
25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative aux droits de la défense, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance, rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions par lesquelles était demandée la restitution des droits d'enregistrement et rejeté le surplus des conclusions de leur requête ; que doivent être rejetées par voie de conséquence leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que les premiers juges ont pu également à bon droit rejeter dès lors qu'en dépit des dégrèvements intervenus au cours de la première instance l'Etat ne pouvait être regardé comme la partie perdante pour l'essentiel ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mai 2016.
''
''
''
''
2
N° 13MA03392