La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2016 | FRANCE | N°14MA04844

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Chambres réunies, 10 mai 2016, 14MA04844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 13 décembre 2012 par laquelle la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur s'est déclarée incompétente pour examiner les frais qu'il a engagés devant les juridictions civiles et a rejeté le surplus de sa demande relatif à l'inscription au budget de la section de commune des frais qu'il a engagés devant les juridictions administratives.

Par un jugement n° 1300913 du 7 octobre 2014, le t

ribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 13 décembre 2012 par laquelle la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur s'est déclarée incompétente pour examiner les frais qu'il a engagés devant les juridictions civiles et a rejeté le surplus de sa demande relatif à l'inscription au budget de la section de commune des frais qu'il a engagés devant les juridictions administratives.

Par un jugement n° 1300913 du 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2014 et 18 février 2016, sous le n° 14MA04844, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 octobre 2014 ;

2°) d'annuler la décision de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 13 décembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

1/ s'agissant des frais engagés devant la juridiction administrative :

- les frais engagés par un contribuable autorisé à agir au nom de la section de commune doivent être mis à la charge de la collectivité ;

- il a produit une autorisation d'ester en justice en date du 9 juillet 2003 relative à une procédure devant le tribunal administratif de Marseille pour laquelle il justifie avoir engagé des frais ;

- tous les justificatifs nécessaires ont été fournis ;

- la section de commune n'a pas contesté sérieusement ces dettes ;

2/ s'agissant des frais engagés devant les juridictions judiciaires :

- aucune des sommes qu'il réclame n'a été fixée par les décisions de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et de la Cour de cassation ;

- ayant agi au nom de la section de commune sur le fondement des dispositions de l'article L. 2411-8 du code général des collectivités territoriales, les dispositions de la loi du 16 juillet 1980 étaient manifestement inapplicables à sa situation ;

- sinon, la procédure de droit commun relative aux dépenses obligatoires devait être appliquée à sa demande et la chambre régionale des comptes n'aurait pas dû se déclarer incompétente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête de M.B.régies par l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public et les articles L. 911-1, L. 911-2, L. 911-5 à L. 911-8 du code de justice administrative

Il soutient que :

- la chambre régionale des comptes était incompétente pour statuer sur les frais engagés par M. B...devant les juridictions civiles ;

- en tout état de cause, il convient de tenir compte du second motif des juges des comptes relatif aux dépenses exposées devant les juridictions administratives ;

- le requérant n'a pas produit l'autorisation d'ester en justice obtenue en vue de la procédure ayant donné lieu à la facture de la SCP Auda du 18 mai 2011 ;

- l'avis rendu par la chambre régionale des comptes n'est pas fondé sur les dispositions de l'article L. 2132-5 du même code ;

- l'action en justice menée par un contribuable ayant reçu l'autorisation de plaider au nom d'une section de commune demeure à ses frais et risques et ne peut donc en aucun cas constituer une dépense obligatoire ;

- en tout état de cause, il convient de tenir compte du motif tiré de ce que les frais du procès étaient à la charge de M. B...en application de l'article L. 2411-8 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2016, la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la chambre régionale des comptes n'avait pas compétence pour examiner les frais exposés devant la juridiction judiciaire ;

- le tribunal a correctement appliqué les dispositions de l'article L. 2411-8 du code général des collectivités territoriales ;

- les frais en litige ne constituent pas une dépense obligatoire en vertu de la loi ;

- l'autorisation d'ester en justice en date du 9 juillet 2003, étant relative uniquement à une action devant le tribunal administratif de Marseille, ne pouvait fonder valablement l'appel du jugement rendu le 22 mars 2009 ;

- les pièces versées au débat ne permettent pas d'établir la réalité des frais que le requérant prétend avoir engagés devant le tribunal ;

- l'existence d'une contestation sérieuse de la commune et de la section de Tournoux fait obstacle à l'inscription d'office sollicitée ;

- la condition tenant à ce que la dépense dont l'inscription au budget est sollicitée découle de la loi fait également défaut.

Par ordonnance du 4 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;

- la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...relève appel du jugement en date du 7 octobre 2014 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 13 décembre 2012 par laquelle la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur s'est déclarée incompétente pour examiner les frais qu'il a engagés devant les juridictions civiles et a rejeté le surplus de sa demande relatif à l'inscription au budget de la section de commune des frais qu'il a engagés devant les juridictions administratives ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les frais engagés devant la juridiction administrative :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-8 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " (...) Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, les actions qu'il croit appartenir à la section dans laquelle il est électeur.(...) " ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 2132-5, L. 3133-1, L. 4143-1 et L. 5211-58 du même code relatifs à l'exercice par un contribuable des actions appartenant aux collectivités territoriales et à certains de leurs groupements, que le contribuable autorisé agit, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques ;

3. Considérant que la circonstance que les dispositions précitées de l'article L. 2411-8 du code général des collectivités territoriales ne mentionnent pas, à la différence des autres textes, que le contribuable autorisé agit à ses frais et risques, ne saurait impliquer, en elle-même, que les dépenses engagées à cette occasion doivent être mis à la charge de la section de commune ; qu'en outre, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les frais de cette nature sont assurés par la section de commune ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. / La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la chambre régionale des comptes ne peut constater qu'une dépense est obligatoire pour une commune et mettre celle-ci en demeure de l'inscrire à son budget qu'en ce qui concerne les dettes échues, certaines, liquides, non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant, découlant de la loi, d'un contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit ou de toute autre source d'obligations ; que lorsqu'elle est saisie d'une demande qui fait l'objet d'une contestation sérieuse de la part de la commune, elle est tenue de rejeter la demande tendant à l'inscription d'office au budget de la commune de la dépense correspondante ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point n° 3, les dépenses dont M. B...demande le remboursement ne découlent pas de la loi ou d'une autre obligation ; qu'elles ne constituent donc pas des dépenses obligatoires au sens des dispositions de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales ; qu'ainsi, la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur était tenue de rejeter la demande de M. B...tendant à obtenir l'inscription au budget de la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye et le mandatement d'une somme destinée à rembourser les frais qu'il a engagés devant la juridiction administrative ; que, par suite, les autres moyens de la requête concernant ces frais sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ;

En ce qui concerne les frais engagés devant la juridiction judiciaire :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1612-17 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions des articles L. 1612-15 et L. 1612-16 ne sont pas applicables à l'inscription et au mandatement des dépenses obligatoires résultant, pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, d'une décision juridictionnelle passée en la force de la chose jugée. Ces opérations demeurent.régies par l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public et les articles L. 911-1, L. 911-2, L. 911-5 à L. 911-8 du code de justice administrative " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 susvisée : " (...) II. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. " ;

8. Considérant que les condamnations au paiement d'une somme d'argent obtenues par le requérant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence et la Cour de cassation résultent de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée dont l'inscription au budget de la commune et leur mandatement sont régis par les dispositions de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 ; que dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a écarté l'application de la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales et a considéré que la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur n'avait pas compétence pour examiner les frais engagés par l'appelant devant les juridictions civiles ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. B...quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre des finances et des comptes publics, à la section de commune de Tournoux et à la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2016, où siégeaient :

- Mme Erstein, président de la Cour,

- M. Richard Moussaron, premier vice-président,

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- Mme Hery, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2016.

2

N° 14MA04844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Chambres réunies
Numéro d'arrêt : 14MA04844
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-03-01 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. COMMUNE. BIENS DE LA COMMUNE. INTÉRÊTS PROPRES À CERTAINES CATÉGORIES D'HABITANTS. SECTIONS DE COMMUNE. - LES DÉPENSES ENGAGÉES PAR UN CONTRIBUABLE AUTORISÉ À EXERCER DES ACTIONS APPARTENANT À LA SECTION DE COMMUNE DANS LAQUELLE IL EST ÉLECTEUR NE PEUVENT ÊTRE MISES À LA CHARGE DE LA SECTION DE COMMUNE.

135-02-02-03-01 La circonstance que les dispositions de l'article L. 2411-8 du code général des collectivités territoriales ne mentionnent pas que le contribuable autorisé agit à ses frais et risques, à la différence des articles L. 2132-5, L. 3133-1, L. 4143-1 et L. 5211-58 du même code relatifs à l'exercice par un contribuable des actions appartenant aux collectivités territoriales et à certains de leurs groupements, ne saurait impliquer, en elle-même, que les dépenses engagées à cette occasion doivent être mis à la charge de la section de commune.[RJ1].


Références :

[RJ1]

Comp. CAA Lyon du 9 juin 2015, M. M. n° 13LY01337.


Composition du Tribunal
Président : Mme ERSTEIN
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : RIQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-10;14ma04844 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award