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10/05/2016 | FRANCE | N°14MA04403

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 10 mai 2016, 14MA04403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 février 2012 par laquelle l'inspectrice du travail de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur (septième section de Nice) a autorisé la société Virgin Stores à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1201432 du 3 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 20 février 2012 de l'insp

ectrice du travail et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 février 2012 par laquelle l'inspectrice du travail de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur (septième section de Nice) a autorisé la société Virgin Stores à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1201432 du 3 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 20 février 2012 de l'inspectrice du travail et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 novembre 2014 et le 12 mars 2015, la SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la société Virgin Stores, représentée par la SCP Fromont Briens, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 3 octobre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si la décision annulée n'est pas signée, la lettre d'accompagnement de cette décision a bien été signée par l'inspectrice du travail, qui était compétente ;

- le délai de dix jours imparti pour la consultation du comité d'entreprise n'est pas prescrit à peine de nullité et elle se trouvait dans l'impossibilité de procéder à cette consultation avant le 15 décembre 2011 ;

- le délai de saisine de l'inspecteur du travail, qui n'est pas prescrit à peine de nullité, n'était pas excessif et trouve son origine dans les difficultés auxquelles elle a été confrontée pour obtenir le procès-verbal du comité d'entreprise ;

- le délai imparti à l'inspecteur du travail pour prendre sa décision n'est pas non plus prescrit à peine de nullité ;

- le principe du contradictoire a été respecté ;

- la gravité de la faute commise par Mme B... justifiait son licenciement ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que sa gravité était atténuée par l'ancienneté de Mme B..., son absence de passé disciplinaire ou le montant du préjudice subi par l'employeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2015 et un mémoire en réplique enregistré le 31 juillet 2015, Mme C... B...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SELAFA MJA ou de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société appelante au titre de son appel principal ne sont pas fondés ;

- dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, il n'est pas justifié d'une délégation de signature de l'auteur de la décision, qui n'est pas signée ;

- les dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail ont été méconnues, la consultation du comité d'entreprise ayant eu lieu le 15 décembre 2011 alors qu'elle devait être effectuée au plus tard le 30 novembre 2011 ;

- la demande d'autorisation de licenciement a également été présentée après l'expiration des délais impartis à cette fin, de sorte qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire durant plus de trois mois ;

- l'inspectrice a pris en compte dans sa décision des éléments qui n'ont pas été discutés contradictoirement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SELAFA MJA.

1. Considérant que, le 20 février 2012, l'inspectrice du travail de la septième section de Nice a, sur demande de la société Virgin Stores, autorisé le licenciement de Mme B... qui y exerçait les fonctions d'hôtesse de caisse et d'accueil et le mandat de déléguée du personnel ; que la SELAFA MJA, liquidateur de la société Virgin Stores, relève appel de l'article 1er du jugement du 3 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cette autorisation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., employée de la société Virgin stores depuis huit ans, a, entre le mois de janvier et le mois de novembre 2011, attribué à près de soixante reprises des points de fidélité au titulaire de la carte n° 9250004160001434844 pour des transactions effectuées par d'autres clients ; que les bons de fidélité ainsi crédités ont généré des bons d'achat de 340 euros ; qu'eu égard à son ancienneté au sein de l'entreprise, cette caissière expérimentée ne peut sérieusement prétendre ignorer le caractère individuel des cartes de fidélité et l'utilisation personnelle qui doit en être faite et qu'en créditant la carte de fidélité du client concerné, elle détournait, dans le seul intérêt pécuniaire de ce dernier, le but poursuivi commercialement par l'entreprise pour fidéliser ses clients ; que la saisine délibérée et répétée à près de soixante reprises, durant une période de onze mois, des 19 numéros de la carte d'un seul et même client de l'entreprise ne peut relever d'une simple erreur passagère de l'intéressée ou d'une mauvaise compréhension de la politique commerciale de son employeur ; que Mme B... a ainsi délibérément détourné le système de fidélisation mis en place par son employeur, au détriment de ce dernier ; qu'eu égard au caractère répété, systématique et déloyal de la fraude ainsi commise et à l'expérience de l'intéressée, c'est à tort que le tribunal a estimé que le montant limité du préjudice, l'absence de reproche au cours des huit années déjà passées dans l'entreprise et l'absence de dissimulation permettaient de considérer que les faits reprochés à Mme B... n'avaient pas constitué une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour de se prononcer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres moyens de la demande de Mme B... ;

Sur le respect des délais prévus par l'article R. 2421-4 du code du travail :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, le chef d'entreprise a la faculté, en cas de faute grave, de prononcer la mise à pied immédiate d'un salarié protégé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement de l'intéressé ; que, si les délais de dix jours et de quarante-huit heures mentionnés ci-dessus respectivement pour la saisine du comité d'entreprise et la présentation de la demande d'autorisation de licenciement ne sont pas prescrits à peine de nullité, ils doivent cependant être aussi courts que possible, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a fait l'objet d'une mise à pied à compter du 19 novembre 2011 ; que le comité d'entreprise n'a été consulté que le 15 décembre 2011 ; que l'inspecteur du travail n'a été saisi de la demande d'autorisation de licenciement que le 27 décembre 2011 ; qu'ainsi les délais de dix jours et quarante-huit heures respectivement prévus par le code ont été dépassés et respectivement portés à vingt-six et douze jours ; que pour expliquer le dépassement du délai de dix jours le ministre faisait, en première instance, valoir les nécessités liées à la réalisation de l'enquête interne, et l'employeur de Mme B... la nécessité, propre à cette société, de respecter un délai de huit jours entre la convocation du comité d'entreprise et sa réunion ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du courrier adressé le 10 février 2012 par l'employeur à l'inspectrice du travail que le service " audit relations clients " de l'entreprise a alerté l'employeur sur les anomalies constatées dès le 7 octobre 2011, que des recherches approfondies ont été effectuées au cours du mois d'octobre et que, le 31 octobre 2011, le même service a transmis les informations complémentaires nécessaires permettant de procéder aux vérifications utiles, de recenser les transactions frauduleuses et d'identifier le caissier pour convoquer l'intéressée à un entretien préalable à son licenciement le 19 novembre 2011 ; qu'il n'apparaît pas que des investigations complémentaires aient été nécessaires et réalisées postérieurement ; que, par ailleurs, rien ne faisait obstacle à ce que l'employeur anticipe la convocation du comité d'entreprise pour faire en sorte que le délai réglementaire, qui n'est pas incompatible avec le délai de huit jours évoqué, soit respecté ; que pour expliquer le dépassement du délai de quarante-huit heures porté à douze jours, la société appelante se borne à faire état de ce qu'elle aurait eu " les plus grandes difficultés à récupérer le procès-verbal du comité d'entreprise " ; que les considérations ainsi avancées ne sont pas de nature à permettre de considérer que les délais ont été les plus courts possibles eu égard à la gravité des conséquences de la mesure de mise à pied, le dépassement des divers délais prévus par les dispositions susmentionnées ayant ainsi conduit à ce qu'un délai de quatre-vingt treize jours s'écoule entre la mise à pied de l'intéressée et l'intervention de la décision autorisant son licenciement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par Mme B..., que la décision est illégale et que la SELAFA MJA n'est pas fondée à se plaindre de son annulation par le tribunal ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société appelante une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme B...au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SELAFA MJA - liquidateur judiciaire de la société Virgin Stores est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELAFA MJA liquidateur judiciaire de la société Virgin Stores, à Mme C... B...et à la ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 mai 2016.

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N° 14MA04403

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04403
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Procédure préalable à l'autorisation administrative - Consultation du comité d'entreprise.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : FROMONT BRIENS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-10;14ma04403 ?
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