Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1107869 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 février 2014, M. et Mme B..., représentés par Me A... de la société d'avocats LetA, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2013 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges, outre une erreur matérielle dans les années d'imposition en litige, n'ont pas répondu au moyen tiré de l'absence de remise en cause des informations afférentes aux cautions qu'ils lui ont transmises, son silence constitue une prise de position qui ne peut être modifiée ;
- ils sont fondés à invoquer les termes de la charte du contribuable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales au moins jusqu'au 4 octobre 2010, date à laquelle l'inopposabilité de cette charte a été publiée ;
- les jetons de présence ont, du point de vue fiscal, la nature de traitements et salaires et les versements effectués en qualité de caution solidaire, qui ont bien été réalisés en vue de la préservation d'un revenu, sont déductibles du revenu global.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la charte du contribuable constitue un simple recueil de bonnes pratiques et de recommandations qui ne constituent pas une obligation légale opposable à l'administration ;
- les sommes versées par les contribuables à titre de caution ne sont pas déductibles de leur revenu imposable dans la mesure où ils n'ont perçu aucune rémunération des sociétés cautionnées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Markarian,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me D... substituant Me A...de la société d'avocats LetA pour M. et Mme B....
1. Considérant que l'administration fiscale a procédé à un examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme B... portant sur la période allant du 29 août 2008, les époux B...s'étant remariés le 28 août 2008, jusqu'au 31 décembre 2008, ainsi qu'à un contrôle sur pièces de leurs déclarations déposées pour l'année 2009, à l'issue desquels le service leur a notifié des rectifications emportant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ; que, dans la présente instance, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 10 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à être déchargés des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titres des années 2008 et 2009 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal a jugé que M. et Mme B...ne pouvaient se prévaloir des dispositions de la charte du contribuable établie et mise en ligne par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le 6 octobre 2005 dès lors qu'aucune disposition du livre des procédures fiscales ne rend opposable ce document à l'administration ; que le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu à leur moyen tiré de ce qu'ils pouvaient invoquer à leur profit cette charte ne peut ainsi qu'être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant que M. et Mme B...invoquent les mentions de la charte du contribuable, diffusée par note du ministre du budget et de la réforme de l'État du 6 octobre 2005, qui prévoit que " Lors d'un contrôle, vous pouvez recevoir une demande d'information ou de fourniture de pièces. Vous serez informé de la suite de votre dossier dans le délai précisé dans la demande en principe dans les deux mois de votre réponse. En l'absence de réaction de notre part dans ce délai, vous saurez que le dossier est clos sur le point soulevé " ; que toutefois, à la différence de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, aucune disposition législative ne rend la charte du contribuable, qui ne contient que de simples recommandations, opposable à l'administration fiscale ; que dans ces conditions, le défaut de réponse par l'administration à l'envoi par M. et Mme B..., le 7 janvier 2007, de pièces relatives aux cautions dont ils avaient imputé le montant sur leur revenu global, n'équivaut pas à une prise de position favorable de l'administration sur ce point ; que les contribuables ne peuvent davantage invoquer les dispositions de cette charte, qui est relative à la procédure d'imposition, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
4. Considérant, en outre, que les requérants se prévalent, en appel du principe de sécurité juridique qui permet aux contribuables de se prévaloir, dans certaines conditions, d'une doctrine administrative après son annulation par le juge de l'excès de pouvoir, relativement à des impositions dont le fait générateur est antérieur à l'annulation de la doctrine ; que, toutefois, si une instruction administrative du 4 octobre 2010 référencée 13 L-1110 a mentionné l'inopposabilité de la charte du contribuable, celle-ci n'a pas fait l'objet d'une annulation pour excès de pouvoir ; que, de plus, et contrairement à ce que soutiennent les contribuables, l'administration fiscale n'a pas pris formellement position sur leur situation de fait ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille, qui a répondu par un jugement suffisamment motivé, a rejeté le moyen invoqué par les contribuables de l'irrégularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis de la 1ère sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis./ 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles. / Le résultat d' ensemble de chaque catégorie de revenus est obtenu en totalisant, s'il y a lieu, le bénéfice ou revenu afférent à chacune des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie et déterminé dans les conditions prévues pour cette dernière (...) " ; qu'aux termes de l'article 62 du même code, dans sa rédaction en vigueur à l' époque des faits : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires (...) lorsqu'ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (... ). / Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires. (...) " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant (...) 3° les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi (...) " ; qu'enfin, le II de l'article 156 du même code énumère les charges qui sont déductibles du revenu global " lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le revenu net global annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets catégoriels perçus par chacun des membres du foyer fiscal ; que les bénéfices ou revenus nets de chaque catégorie sont déterminés distinctement d'après les règles propres à chacune d'elles ; qu'enfin, ne sont directement déductibles du revenu global que les charges limitativement énumérées par le II de l'article 156 mentionné plus haut ; que les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ;
7. Considérant, en premier lieu, que pour procéder à un apport dans la société E-Phonie, dont elle est associée non salariée, Mme B... a souscrit le 21 juillet 2000 un emprunt de 2 500 000 euros auprès de la Société marseillaise de crédit dont M. B... s'est porté caution solidaire ; que les requérants ont déduit de leur revenu global la somme de 423 774 euros correspondant au versement de la caution par M. B... suite à la cessation de paiement de la société E-Phonie le 15 mars 2001 ; que Mme B...était associée non rémunérée de cette société et M. B...n'y exerçait aucune fonction ; que la caution donnée ainsi par M. B... n'ayant pas été consentie pour la conservation d'un revenu de l'autre époux, la somme payée au titre de la caution ne peut être déduite des revenus imposables ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B...ont contracté en 1996 un prêt de 2 000 000 francs auprès de la Banque française du commerce extérieur dont M. B...s'est porté caution ; que les requérants ont déduit de leur revenu global la somme de 336 096 euros correspondant selon eux au versement de la caution ; que M. B...ne justifie pas de son paiement ; que, dans ces conditions, la somme versée par M. B... ne pouvait être déduite du revenu de l'intéressé dans la catégorie des traitements et salaires ;
9. Considérant que M. B..., n'exerçant pas un emploi salarié tant dans la société E-Phonie que dans la société Electricité Moderne ainsi qu'il a été dit, il ne peut utilement soutenir que les jetons de présence qu'il aurait perçus auraient la nature de traitement et salaires et que le versement des cautions en cause auraient dès lors été réalisé en vue de la préservation d'un revenu ;
10. Considérant, en troisième et dernier lieu, que M. B..., qui s'est porté caution de deux prêts souscrits au cours de l'année 2000 pour la société Electricité Moderne auprès du Crédit agricole pour des montants de 625 000 francs et 3 000 000 francs, soutenait, devant les premiers juges, avoir versé, au titre de l'engagement de caution du premier prêt, la somme de 100 000 euros ; que les requérants ne contestent pas la motivation du jugement attaqué selon laquelle l'intégralité de cette somme a été imputée avant le 1er janvier 2007 et n'était plus déductible ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré à l'issue de l'audience du 21 avril 2016, où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mai 2016.
''
''
''
''
N° 14MA00695 2