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22/04/2016 | FRANCE | N°13MA04829

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 22 avril 2016, 13MA04829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Le Méric a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignées au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1203248 du 10 octobre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2013 et régularisée le 20 décembre 2013, la SCI

Le Méric, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Le Méric a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignées au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1203248 du 10 octobre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2013 et régularisée le 20 décembre 2013, la SCI Le Méric, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) à titre principal, après une éventuelle expertise, de prononcer la décharge des impositions contestées pour un montant total, en droits et pénalités, de 87 518 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge partielle des impositions contestées pour un montant total, en droits et pénalités, de 33 530 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a entendu dès l'origine construire un immeuble professionnel soumis à la taxe sur la valeur ajoutée dans son intégralité et le louer à la SA Emalex dès avant l'achèvement des constructions ; elle ne saurait être tenue responsable de l'utilisation effective réservée par le preneur aux locaux loués ; elle est juridiquement indépendante de la société Emalex ;

- en 2006 et 2007, elle a pu en toute bonne foi déduire la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée supportée lors de l'acquisition du terrain et lors des opérations de construction ;

- à l'intérieur du délai de réclamation dont elle disposait, elle a pu déposer en juin 2010 une déclaration de livraison à soi-même pour la totalité de l'immeuble en cause ;

- s'il était considéré qu'elle était responsable de l'utilisation qui est faite de l'immeuble loué par la SA Emalex et qu'une partie des bureaux loués était utilisée en tant que logement d'habitation, il conviendrait que cette utilisation soit ramenée aux proportions réelles ; le ratio d'occupation privative de 36 % retenu en dernier lieu par le service doit être réduit à 20 % ;

- les pénalités pour manquement délibéré, portant sur une somme de 22 732 euros, ne sont pas justifiées par l'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SCI Le Méric a été constituée en 2006 en vue de la construction et de la mise en location d'un bâtiment à usage professionnel situé rue Philippe Castan à Montpellier ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible a été notifié à la SCI Le Méric au titre de l'exercice 2007 pour un montant en droits de 67 880 euros, ramené à 56 830 euros dans la réponse en date du 18 mai 2011 faite aux observations de la société contribuable ; que la SCI Le Méric a demandé au tribunal administratif de Montpellier de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts dont ces rappels ont été assortis, à hauteur d'un montant total de 87 518 euros ; que cette société relève appel du jugement en date du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) " ; qu'aux termes de l'article 266 dudit code : " 2. En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : a. Pour les livraisons à soi-même, sur le prix de revient total des immeubles, y compris le coût des terrains ou leur valeur d'apport (...) " ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) " ; qu'enfin aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, applicable jusqu'au 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation. Toutefois, la taxe ayant grevé les dépenses relatives à des biens et à des services ne peut donner lieu à déduction lorsque le pourcentage de l'utilisation de ces biens et services pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou plus généralement à des fins étrangères à son entreprise est supérieur à 90 % de leur utilisation totale " ; que lorsque l'administration, sur le fondement de ces dernières dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'immeuble édifié par la société Le Méric, constitué d'un rez-de-chaussée et d'un étage et d'une surface totale de 313 m², a été livré en 2007 et donné à bail à la société Emalex, qui exerce une activité de gestion immobilière, à compter du mois d'avril 2007 ; que la société Le Méric, se prévalant du fait que la construction comprenait des locaux professionnels et un logement de fonction, a alors entièrement déduit la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat du terrain et aux travaux de construction et d'aménagement réalisés ; qu'en 2010, cette société a, s'agissant de ce même immeuble, déclaré une livraison de biens à soi-même impliquant, sur la base d'une somme de 961 733 euros toutes taxes comprises, une taxe sur la valeur ajoutée due de 156 323 euros et une taxe sur la valeur ajoutée déductible d'égal montant ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la contribuable a fait l'objet, l'administration a remis en cause cette déduction, à hauteur de 36 %, soit la somme de 56 830 euros, au motif que les surfaces de l'immeuble pouvant être considérées comme partie utilisée pour les besoins de l'entreprise au sens du 1 de l'article 230 précité de l'annexe II au code général des impôts, représentaient seulement 64 % de la superficie totale du bien, le reste étant destiné à l'usage personnel de M.B..., associé de la société Le Méric, gendre du gérant de cette dernière société et époux de la gérante de la société Emalex ;

4. Considérant, en premier lieu, que La SCI Le Meric, revendique un droit à déduction de l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la réalisation du bâtiment en litige, en faisant valoir qu'avant même sa construction elle a entendu l'affecter à un usage professionnel ; que, toutefois, si elle se prévaut à cet égard de sa demande de permis de construire, du contrat de bail commercial passé avec la société Emalex et de ce qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de l'utilisation effective réservée par la preneuse aux locaux loués, elle ne conteste pas sérieusement que la partie habitable de l'immeuble en cause était effectivement occupée à titre personnel par M.B... ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme établissant que cette partie habitable n'était pas nécessaire à l'exploitation de la société Emalex au sens des dispositions précitées de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts ; que, dès lors, la SCI Meric n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé que l'immeuble concerné n'entrait pas dans les prévisions de ces dispositions en tant qu'il comportait des locaux affectés à un usage d'habitation ;

5. Considérant, en second lieu, que la requérante critique, à titre subsidiaire, le ratio d'occupation privative de 36 % retenu en dernier lieu par le service, en faisant valoir que ce ratio devrait être ramené à 20 % ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des plans produits, que la surface utilisée à titre privé par M. B... comprend un séjour-cuisine de 40,80 m², une chambre de 21,51 m² et une salle-de-bains de 5,12 m² ; que contrairement aux allégations de la SCI Le Méric, le service n'a pas pris en compte la terrasse couverte située au premier étage de l'immeuble pour le calcul du ratio susmentionné ; que la requérante qui ne peut utilement demander que la surface du garage soit pondérée des correctifs applicables pour la détermination de la valeur locative imposable aux impôts directs locaux, ne critique pas formellement la prise en compte pour moitié du garage d'une surface de 34 m² ; qu'en revanche, s'agissant de deux pièces, dénommées bureaux sur les plans du permis de construire et d'une superficie totale de 29,90 m², également situées au premier étage de l'immeuble mais indépendantes du logement occupé de manière privative par M. B..., l'administration n'établit pas qu'elles auraient une destination de nature autre que professionnelle ; que, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, il y a lieu de regarder la partie exclusivement privative de l'immeuble litigieux comme correspondant à une surface arrondie à 84 m², soit 27 % de la superficie totale de 313 m² ; que, dès lors, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée non déductible au titre de la livraison à soi-même réalisée par la requérante et devant être reversé s'établit à la somme de 42 622 euros [(961 733 - 156 323) x 19,6 % x 27 %] ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SCI Le Méric au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 doivent être diminués de la somme de 14 208 euros (56 830 - 42 622) ;

Sur les pénalités :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

8. Considérant que la SCI Le Méric ne pouvait ignorer la destination réelle de l'immeuble donné à bail à la société Emalex, eu égard aux éléments ci-dessus énoncés aux points 5 et 6, et notamment à la circonstance que ces sociétés avaient des dirigeants et associés communs ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels établis en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, les pénalités dues seront calculées sur la base des rappels fixés ainsi qu'il est dit au point 6 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Le Méric est seulement fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause à concurrence d'un montant en droits de 14 208 euros, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts dont ces rappels ont été assortis ; que le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCI Le Méric de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La société Le Méric est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 à concurrence d'un montant en droits de 14 208 (quatorze mille deux cent huit) euros, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 10 octobre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à la SCI Le Méric au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Méric et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président-assesseur,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 avril 2016.

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N° 13MA04829

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04829
Date de la décision : 22/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CABINET NEXUS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-22;13ma04829 ?
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