Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative agricole (SCA) COPEBI a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision en date du 20 décembre 2013 par laquelle l'agent comptable de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a procédé à une compensation de l'aide qui lui a été attribuée le 18 décembre 2013 au titre du fonds opérationnel campagne 2012 d'un montant de 185 625,83 euros avec la créance dont se prévaut cet établissement à son encontre d'un montant de 5 042 768,78 euros en remboursement d'aides d'Etat qui lui ont été illégalement accordées entre 1998 et 2002, d'enjoindre à FranceAgriMer de lui verser sans délai la somme de 185 625,83 euros assortie des intérêts de droit et de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1400609 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistré le 2 mars 2015, le 18 février 2016 et le 9 mars 2016, la SCA COPEBI, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 20 janvier 2015 ;
2°) d'annuler la décision de l'agent comptable de FranceAgriMer en date du 20 décembre 2013 ;
3°) d'enjoindre à FranceAgriMer de lui verser sans délai la somme de 185 625,83 euros assortie des intérêts de droit ;
4°) subsidiairement de saisir le tribunal des conflits ;
5°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'elle était en procédure de redressement judiciaire, situation qui interdit la compensation entre créances antérieures au jugement d'ouverture et créances postérieures à ce jugement si elles ne sont pas connexes, de ce que les deux créances compensées n'étaient pas de même nature au sens de l'article 1291 du code civil, et de ce que la prétendue créance de FranceAgriMer n'était pas certaine car elle faisait l'objet d'une contestation sérieuse ;
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs et de contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
- en omettant de répondre au moyen tiré de la différence de nature des deux créances, le tribunal a omis d'exercer sa propre compétence pour juger de la possibilité pour FranceAgriMer de saisir par compensation les aides dues à la SCA au titre du programme opérationnel 2012, à supposer qu'il n'était pas compétent pour apprécier la connexité des deux créances ;
- le tribunal de grande instance d'Avignon ne s'est pas prononcé sur cette compensation, et, par ordonnance du 1er juillet 2014, le juge commissaire a renvoyé à la juridiction administrative la question de la validité de la créance déclarée par FranceAgriMer, elle-même diminuée de la somme compensée, sans prendre position sur la créance de COPEBI saisie par compensation ;
- seule sa créance est certaine, liquide et exigible, et la condition de connexité entre les deux créances n'est pas remplie ;
- si la juridiction administrative se déclare incompétente sur le bien-fondé de la compensation, et que la juridiction judiciaire sursoie à statuer tant que la juridiction administrative ne s'est pas prononcée, on aboutit à un déni de justice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2016, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la SCA COPEBI la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCA COPEBI ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du tribunal administratif à connaître du litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 543/2011 de la Commission du 7 juin 2011 ;
- la décision n° C 29/05 de la Commission européenne du 28 janvier 2009 ;
- l'arrêt n° T-139/09 du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2012 ;
- le code du commerce ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pocheron ;
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant la SCA COPEBI, et celles de Me A..., représentant FranceAgriMer.
1. Considérant que le 20 mars 2013, FranceAgriMer a émis à l'encontre de la SCA COPEBI un titre de recette visant au versement de la somme de 5 042 768,78 euros correspondant au remboursement d'aides perçues par la SCA entre 1998 et 2002 et jugées contraires au droit communautaire par une décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne, assorti des intérêts applicables ; que le rejet de l'opposition formée par la SCA contre ce titre de recettes a été confirmé par arrêt n° 15MA00981 de la cour administrative de Marseille du 11 avril 2016 ; que, par jugement du 8 octobre 2013, le tribunal de grande instance d'Avignon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SCA ; que, le 20 décembre 2013 l'agent comptable de FranceAgriMer a procédé à une compensation entre cette créance et une somme de 185 625,83 euros due par l'établissement à la SCA au titre du solde du fonds opérationnel pour la campagne 2012, attribuée par décision du 18 décembre 2012 mais notifiée par lettre du 19 décembre 2013 ; que la SCA relève appel du jugement en date du 20 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande dirigée contre cette décision en date du 20 décembre 2013 et fondée sur l'absence de connexité entre ces deux créances réciproques ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 622-7 du code du commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-14 du même code : " I. - Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture (...) " ;
3. Considérant qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire, compétente pour trancher les litiges relatifs au déroulement de la procédure de redressement judiciaire, de se prononcer sur l'existence d'une connexité existant éventuellement entre une créance née antérieurement au jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et une créance née postérieurement à ce jugement ; qu'il en va ainsi même si les créances dont il s'agit sont de nature administrative et dont le contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître du litige relatif à la compensation opérée par un comptable de FranceAgriMer entre une créance de remboursement d'aides versées en violation du droit communautaire à la SCA COPEBI d'un montant de 5 042 768,78 euros que détient cet établissement, née le 20 mars 2013, avant le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire de la SCA en date du 8 octobre 2013, et une créance de solde d'un fonds opérationnel détenue par cette société née le 19 décembre 2013 postérieurement à ce jugement, dès lors que le litige ne porte que sur l'existence éventuelle d'une connexité entre ces créances réciproques ; qu'en effet si l'opposition formée par la SCA COPEBI à l'encontre du titre de recettes du 20 mars 2013 émis à son encontre a suspendu jusqu'à l'arrêt sus évoqué de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 avril 2016 la possibilité pour FranceAgriMer de recourir aux modes de recouvrement forcé, elle est en tout état de cause sans incidence sur l'exigibilité de la créance constatée par ce titre ; qu'en outre si le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union européenne a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire, il résulte de l'instruction que le présent litige ne présente aucune difficulté d'interprétation de ces normes susceptible d'impliquer que le juge administratif se déclare compétent pour en connaître ; qu'il ne ressort d'ailleurs aucunement des termes de l'ordonnance du 27 novembre 2015 du juge des référés de la cour d'appel de Nîmes produite à l'instruction que le juge judiciaire se serait déclaré incompétent pour connaître de ce litige ; que, par suite, c'est à tort que la demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes par la SCA COPEBI n'a pas été rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la SCA COPEBI, le jugement en date du 20 janvier 2015 du tribunal administratif de Nîmes doit être annulé et la demande présentée par la SCA COPEBI devant le tribunal administratif de Nîmes rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que les conclusions subsidiaires de la SCA COPEBI tendant à la saisine du tribunal des conflits ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt ne saurait en tout état de cause impliquer que la Cour enjoigne à FranceAgriMer de verser à la SCA COPEBI le solde du fonds opérationnel pour la campagne 2012 qui lui a été attribué le 19 décembre 2013 ; que les conclusions sus analysées doivent dès lors être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SCA COPEBI le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par FranceAgriMer et non compris dans les dépens ;
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SCA COPEBI la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 janvier 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SCA COPEBI devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître et le surplus des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 3 : La SCA COPEBI versera à FranceAgriMer une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de FranceAgriMer est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société coopérative agricole COPEBI et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Délibéré après l'audience du 21 mars 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2016.
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N° 15MA00983