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18/04/2016 | FRANCE | N°15MA00767

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 18 avril 2016, 15MA00767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 1405757 du 23 janvier 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

19 février 2015, Mme A... B...épouseD..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 1405757 du 23 janvier 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2015, Mme A... B...épouseD..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 23 janvier 2015 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a fait une inexacte application de l'article L. 211-2 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle établit habiter avec son époux depuis juillet 2013 soit une durée supérieure à six mois ;

- le tribunal n'a pas pris en compte les attestations produites démontrant qu'elle remplissait les conditions de l'article L. 313-11 4° et 7° du même code, alors même que ces attestations étaient précises contrairement à ce que relève le premier juge, et prouvaient l'ancienneté de sa vie commune avec M. D... ainsi que sa résidence habituelle en France depuis mai 2012 ;

- il appartient au préfet de démontrer qu'elle présente une menace pour l'ordre public ;

- elle a construit sa vie en France, pays où elle possède l'ensemble de ses attaches affectives et sociales ;

- le tribunal administratif " a fait une mauvaise application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et notamment de ses articles 3 et 8, ainsi que des articles L. 121-1, L. 311-11, L. 313-14, L. 511-1 et suivants, R. 513-2 et R. 311-1 à R. 317-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ".

Par un mémoire enregistré le 16 février 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme A... B...épouseD....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués contre ses décisions du 12 novembre 2014 n'est fondé.

De nouvelles pièces ont été produites par Mme A... B...épouse D...le 12 mars 2016 après la clôture de l'instruction.

Mme A... B...épouse D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2015.

Un courrier du 15 janvier 2016 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 4 mars 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme E... A...B..., de nationalité tunisienne, a demandé à la préfecture de l'Hérault le 2 septembre 2014 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français après avoir épousé M. D... le 26 juillet 2014 ; qu'elle relève appel de l'ordonnance du 23 janvier 2015 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté, en se fondant sur le 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) " ;

3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme A... B...épouse D...a notamment invoqué les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'atteinte disproportionnée portée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que ces moyens, qui étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien, tels que la durée de son séjour, son insertion professionnelle et sa vie commune avec un ressortissant français qu'elle a épousé, n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, ainsi que le relève la requérante en appel, et n'étaient ni inopérants ni irrecevables ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de Mme A... B...épouse D...; que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait donc, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, rejeter la demande de l'intéressée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dès lors que les conditions exigées par cet article n'étaient pas réunies ; que, par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité, et doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... B...épouse D...;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 novembre 2014 :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. " ;

6. Considérant que l'article L. 211-2-1 précité ouvre la possibilité à un étranger qui est entré régulièrement en France et qui a épousé en France un ressortissant français de présenter au préfet une demande de visa de long séjour, sans avoir à retourner à cette fin dans son pays d'origine, à condition d'avoir séjourné en France plus de six mois avec son conjoint ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions, éclairées au surplus par les travaux préparatoires, que la durée de six mois de vie commune avec le conjoint français qu'elles exigent s'apprécie quelle que soit la date du mariage ;

7. Considérant qu'à supposer même que Mme A... B...soit entrée pour la dernière fois sur le territoire français régulièrement le 5 mai 2012 alors qu'elle était titulaire d'un visa de court séjour valable du 2 mai au 2 juillet 2012, elle ne justifie pas qu'elle remplissait l'ensemble des conditions exigées par les dispositions précitées pour que sa demande de visa de long séjour soit instruite par la préfecture, à défaut de démontrer par les éléments dont elle fait état qu'elle menait une vie commune depuis plus de six mois avec M. D... à la date de sa demande déposée le 2 septembre 2014 ; qu'en effet, alors même que ce point est contesté par le préfet en défense, les quelques attestations de connaissances produites par la requérante devant les premiers juges comme en appel, d'un contenu peu circonstancié, ne sauraient établir son domicile commun avec son futur conjoint depuis le mois de juillet 2013 ainsi qu'elle l'allègue ; qu'une telle preuve n'est pas davantage apportée par la production d'un bail d'habitation conclu le 6 juin 2013 au seul nom de M. D... ; que, par suite le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de droit en lui opposant l'absence de visa de long séjour pour refuser la délivrance d'un titre de séjour demandé par la requérante en qualité de conjointe d'un ressortissant français sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ; que l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale " ;

9. Considérant que Mme A... B...épouse D...est entrée en France au plus tôt en mai 2012 sur le territoire français pour la dernière fois, soit une durée de séjour de deux ans et demi seulement à la date de l'arrêté critiqué ; qu'elle ne fait valoir la présence en France d'aucune autre attache familiale que son époux avec qui elle s'est mariée moins de quatre mois avant la date d'édiction de l'arrêté attaqué, l'ancienneté de la vie commune antérieure ne ressortant pas de manière probante des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus ; que la requérante ne démontre pas davantage être dépourvue d'attaches en Tunisie où elle a vécu à l'âge adulte, alors que le préfet soutient sans être contesté qu'y réside notamment sa mère ; qu'enfin, la circonstance que la requérante soit actionnaire avec son conjoint d'une société à responsabilité limitée au capital de 500 euros constituée à Béziers le 30 septembre 2013 ayant pour objet l'achat/vente de pâtisserie et viennoiserie, ne saurait par elle-même démontrer que l'arrêté attaqué porte une atteinte grave et disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite le préfet de l'Hérault n'a méconnu ni l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en édictant les décisions en litige ;

10. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce qu'il revenait au préfet de l'Hérault de démontrer la menace présentée par la requérante pour l'ordre public ne peut qu'être être écarté comme inopérant, dès lors que les décisions contestées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas fondées sur un tel motif ;

11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que ne peuvent qu'être écartés comme dépourvus de toute précision permettant d'en apprécier l'opérance et le bien-fondé les moyens tirés de ce que le préfet aurait fait une mauvaise application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que " des articles L. 121-1, L. 311-11, L. 313-14, L. 511-1 et suivants, R. 513-2 et R. 311-1 à R. 317-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de Mme A... B...épouse D...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 12 novembre 2014 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1405757 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 23 janvier 2015 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... B...épouse D...devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2016.

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N° 15MA00767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00767
Date de la décision : 18/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : ZERBY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-18;15ma00767 ?
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