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07/04/2016 | FRANCE | N°15MA01370

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 15MA01370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - M. A... a, par une requête enregistrée sous le n° 1404079, demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2014 par lequel le préfet du Var a décidé de le remettre aux autorités polonaises.

II - Mme B... a, par une requête enregistrée sous le n° 1404078, demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2014 par lequel le préfet du Var a décidé de la remettre aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 1404078, 140407

9 en date du 27 février 2015, le tribunal administratif de Toulon, après avoir procédé à la jon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - M. A... a, par une requête enregistrée sous le n° 1404079, demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2014 par lequel le préfet du Var a décidé de le remettre aux autorités polonaises.

II - Mme B... a, par une requête enregistrée sous le n° 1404078, demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2014 par lequel le préfet du Var a décidé de la remettre aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 1404078, 1404079 en date du 27 février 2015, le tribunal administratif de Toulon, après avoir procédé à la jonction de ces deux instances, a rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête enregistrée le 1er avril 2015 sous le n° 15MA01370, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1404078, 1404079 du 27 février 2015 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1404079 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2014 du préfet du Var ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var d'examiner sa demande de protection internationale, celle de son épouse, Mme B..., et celle de leur fille YevangelinaB... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, son épouse et lui-même n'ont pas été destinataires de la procédure d'asile et des informations y afférentes et n'ont pas été assistés d'un interprète en violation de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues, le magistrat qui a présidé l'audience collégiale les concernant ayant également statué en référé ;

- les premiers juges ont ignoré la hiérarchie des critères de détermination de l'Etat responsable énoncés par l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que sa cousine était en France ;

- l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire à l'article 78 paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- les autorités françaises auraient dû faire application des critères définis par le règlement (UE) n° 604/2013 et non pas de ceux définis par le règlement (CE) n° 343/2003 ;

- la situation politique en Ukraine, le nécessaire respect de la vie privée et familiale et l'intérêt supérieur de l'enfant, imposaient qu'il soit fait application des dispositions dérogatoires prévues par le règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de application de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été méconnues, les autorités françaises ayant renvoyé sa famille vers la Pologne sans s'assurer qu'elle serait prise en charge d'une manière adaptée à ses besoins ;

- subsidiairement, les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été méconnues dès lors que même si l'Etat français n'était pas l'Etat responsable, il pouvait examiner la demande d'asile présentée par son épouse et lui-même ;

- subsidiairement, en application de l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, le transfert n'ayant pas été exécuté dans le délai de six mois, la France est devenue l'Etat responsable.

II - Par une requête enregistrée le 31 mars 2015 sous le n° 15MA01371, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1404078, 1404079 en date du 27 février 2015, du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1404078 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2014 du préfet du Var ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var d'examiner sa demande de protection internationale, celle de son époux, M. A..., et celle de leur fille YevangelinaB... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros.

Elle invoque les mêmes moyens que son époux, MA....

Par deux mémoires enregistrés le 10 décembre 2015, le préfet du Var conclut au rejet des deux requêtes.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... et par Mme B... ne sont pas fondés.

Par deux décisions en date du 16 juin 2015, M. A... et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique les rapports de Mme Paix.

1. Considérant que les requêtes n° 15MA1370 et n° 15MA01371 présentent à juger des questions communes et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul et même arrêt ;

2. Considérant que M. A... et Mme B..., tous deux de nationalité ukrainienne et nés respectivement en 1980 et en 1982, sont entrés en France le 3 juin 2014, avec leur enfant, née le 6 avril 2013, munis chacun d'un visa de type Schengen délivré par les autorités polonaises et valable du 23 mai 2014 au 24 juillet 2014 ; qu'ils ont sollicité auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes leur admission provisoire au séjour au titre de l'asile sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, admission qui leur a été refusée le 6 août 2014 ; qu'au vu de l'accord donné le 12 septembre 2014 par les autorités polonaises pour la réadmission en Pologne de M. A... et de Mme B..., le préfet du Var a décidé, par deux arrêtés du 14 octobre 2014, de les remettre aux autorités polonaises ; que M. A... et Mme B... demandent l'annulation du jugement du 27 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon, après avoir joint les deux instances, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 14 octobre 2014 du préfet du Var ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à ce qu'il prononce, à titre provisoire et conservatoire, la suspension d'une décision administrative, le juge des référés procède dans les plus brefs délais à une instruction succincte, distincte de celle au vu de laquelle le juge saisi du principal statuera, pour apprécier si les préjudices que l'exécution de cette décision pourrait entraîner sont suffisamment graves et immédiats pour caractériser une situation d'urgence et si les moyens invoqués apparaissent, en cet état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision ; qu'il se prononce par une ordonnance qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et dont il peut lui-même modifier la portée au vu d'un élément nouveau invoqué devant lui par toute personne intéressée ; qu'eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés - et sous réserve du cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige - la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal ;

4. Considérant qu'il ressort des termes de chacune des ordonnances en date du 21 novembre 2014 rejetant les demandes de suspension de chacune des décisions du 14 octobre 2014 présentées par M. A... et par son épouse, que le juge des référés a clairement exprimé l'appréciation qu'il pouvait porter sur la légalité de ces décisions en estimant notamment que le préfet du département du Var n'avait commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du règlement du Conseil européen et que la cellule familiale pouvait se reconstituer en Pologne ; que cette circonstance faisait obstacle à ce que le même magistrat siégeât par la suite au sein de la formation collégiale ayant rendu le jugement attaqué comme c'est le cas en l'espèce ; que M. A... et Mme B... sont fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité pour ce premier motif ;

5. Considérant, d'autre part, que M. et Mme A... avaient invoqué, dans leur requête introductive d'instance devant le tribunal administratif puis dans leur mémoire en réplique enregistré le 15 janvier 2015 au greffe du tribunal le moyen tiré de l'erreur commise par le préfet du Var qui aurait indiqué qu'ils étaient entrés irrégulièrement en France alors qu'ils y sont entrés régulièrement ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que M. et Mme A... sont également fondés à soutenir, pour ce second motif, que le jugement est irrégulier ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'annuler le jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. A... et Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon ;

Sur la légalité externe des arrêtés du 14 octobre 2014 du préfet du Var :

7. Considérant, en premier lieu, que les irrégularités qui auraient pu entacher la notification des décisions contestées n'ont pas d'incidence sur leur légalité ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme B... ont été destinataires de la procédure d'asile et des informations afférentes à la mise en oeuvre du règlement Dublin II dans une langue qu'ils comprennent, qu'ils ont signé, le 6 août 2014, un formulaire d'observation les informant qu'ils pouvaient avertir le consulat dont ils relèvent ou toute personne de leur choix, de la procédure de remise aux autorités polonaises et qu'ils pouvaient présenter leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait, et reçu une brochure d'information sur la procédure dont ils faisaient l'objet ; qu'ils ont attesté à la même date avoir pris connaissance de la décision les concernant dans une langue qu'ils déclarent comprendre ; qu'ils ont donc bénéficié de l'ensemble des informations nécessaires au suivi de leur demande d'asile et à l'engagement de la procédure de réadmission et ont été mis en mesure de faire valoir leurs observations ; que le moyen tiré du vice de procédure qu'aurait constituée l'absence de possibilité de bénéficier d'un interprète doit donc être écarté ;

Sur la légalité interne des arrêtés du 14 octobre 2014 du préfet du Var :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats(...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 du même règlement : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'Etat membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) / 4. Si le demandeur est seulement titulaire (...) d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des Etats membres " et qu'aux termes de l'article 17, paragraphe 1, du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " ;

11. Considérant, en premier lieu, que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que, contrairement à ce que soutiennent M. A... et Mme B..., le préfet du département du Var n'a pas fait application des anciens critères définis par le règlement (CE) n° 343/2003 mais a fait application du règlement (UE) n° 604/2013 auquel le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne déroge pas ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la présence sur le territoire d'un Etat membre de certains membres de la famille n'est pas un critère prioritaire pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, le g) de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 définissant les " membres de la famille " du demandeur majeur comme son conjoint ou son ou sa partenaire non marié (e) engagé (e) dans une relation stable et les enfants mineurs ; que la circonstance que M. A... et Mme B... sont titulaires d'un visa délivré par les autorités polonaises, qui ont accepté leur prise en charge, suffit à faire regarder la Pologne comme l'Etat responsable de leur demande d'asile ; qu'ils ne peuvent, pour ce motif, se prévaloir des dispositions de l'article 13 de ce règlement, qui concernent uniquement le cas où le demandeur d'asile a franchi irrégulièrement la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers ; que la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du même règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le règlement n° 604/2013, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " et que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, contrairement à ce que soutiennent M. A... et Mme B... et eu égard au jeune âge de leur enfant, les décisions attaquées, qui n'ont pas pour effet de les séparer de celui-ci, ne portent pas atteinte aux droits de l'enfant et donc à ces stipulations et ce même si l'enfant, âgé d'un an et demi, n'a pas fait l'objet de la même mesure ; qu'eu égard au caractère récent de l'entrée en France des intéressés, elles ne méconnaissent pas davantage les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces stipulations n'ayant pas pour objet et ne pouvant avoir pour effet de permettre aux demandeurs de choisir le pays dans lequel ils souhaitent s'établir et la vie familiale pouvant se reconstituer en Pologne ; que les décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du règlement ( UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) " ; que la circonstance que le préfet du Var a mentionné dans chacun des arrêtés que M. A..., d'une part, et Mme B... d'autre part, étaient entrés irrégulièrement en France, résulte d'une simple erreur matérielle, qui n'entraînait pas pour le préfet l'obligation de faire application de l'article 13 du règlement (CE) n° 343/2003, cette application ne constituant, comme il a été dit au point 12, qu'une simple faculté ; que, par ailleurs, il résulte de l'ensemble des énonciations de chacun des arrêtés litigieux que la situation des intéressés sur le plan personnel et familial a fait l'objet d'un véritable examen ;

15. Considérant, en cinquième lieu, que si M. A... et Mme B... soutiennent qu'il n'est pas établi qu'ils seront accueillis en Pologne avec leur enfant dans des conditions dignes et présentant les garanties requises par le droit d'asile, les requérants ne produisent aucun élément de nature à établir qu'il existerait dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant et faisant obstacle aux décisions de réadmission contestées du préfet du Var ;

16. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe / (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite/ (...) " ;

17. Considérant que la légalité d'une décision s'apprécie à la date de son édiction ; qu'à la date du 14 octobre 2014, le délai de six mois, à compter de l'acceptation, par la Pologne de reprendre en charge M. A... et Mme B... n'était pas écoulé ; que les stipulations de l'article 29 du règlement n'ont donc pas été méconnues par les décisions attaquées ;

18. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du département du Var décidant leur remise aux autorités polonaises ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune des mesures d'exécution demandées par les requérants ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... et de Mme B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404078, 1404079 du 27 février 2015 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. A... et de Mme B... présentées devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Bédier président de chambre,

- Mme Paix, président assesseur,

- Mme Markarian, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 avril 2016.

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N° 15MA01370, 15MA01371 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01370
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : FARHAT-VAYSSIERE ; FARHAT-VAYSSIERE ; FARHAT-VAYSSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-07;15ma01370 ?
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