Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Le Saint-Trop a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux mêmes années, ainsi que des pénalités qui ont assorti ces impositions.
Par un jugement n° 1106673 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2014 et un mémoire enregistré le 18 mars 2015, la SARL Le Saint-Trop, représentée par Me A...B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2014 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les avances sans intérêts qui lui ont été consenties par la SARL Le Panoramique et la SARL Gavanon, auxquelles elle donne en location des fonds de commerce, constituent des aides et non des suppléments de loyers ;
- il était dans son intérêt de prendre en charge les consommations d'eau de la SARL Le Panoramique et de la SARL Gavanon ;
- l'inscription de la dette de 111 810 euros au bilan du 31 décembre 2007 est fondée et justifiée ;
- le compte " Taxe sur la valeur ajoutée à décaisser " ne pouvait comporter la somme de 34 877 euros car cette dette était prescrite ; elle ne conteste pas la rectification proposée ; le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ;
- les pénalités de 40 % qui lui ont été assignées ne sont ni suffisamment motivées ni fondées.
Par des mémoires en défense enregistrés le 23 octobre 2014 et le 17 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il demande, dans l'hypothèse où la Cour déciderait de réduire les impositions de l'année 2005, et compte tenu d'une erreur survenue dans le calcul d'un dégrèvement, la compensation à concurrence de la somme de 1 071 euros en droits et pénalités.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Le Saint-Trop ne sont pas fondés.
Par ordonnance en date du 14 décembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 décembre 2015 à 12 heures.
Un mémoire a été présenté par la SARL Le Saint-Trop le 14 mars 2016.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Le Saint-Trop, qui exerce une activité de loueur de fonds de commerce de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; qu'elle demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2014 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux mêmes années, ainsi que des pénalités qui ont assorti ces impositions ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL Le Saint-Trop prend à bail un local commercial situé à Carry-le-Rouet ; qu'elle est propriétaire du fonds de commerce attaché à ce local ; qu'elle a donné en location, par bail enregistré à la recette de Martigues le 8 avril 1991, ce fonds de commerce à la SARL Gavanon, qui occupe le rez-de-chaussée des locaux, et à la SARL Le Panoramique, qui en occupe le premier étage, pour un loyer annuel versé par chacune des deux sociétés de 55 183 euros HT ; qu'il a été constaté par l'administration que la SARL Le Saint-Trop avait perçu en plus des loyers prévus par le bail les sommes de 40 000 euros en 2005, de 29 600 euros en 2006 et de 30 000 euros en 2007 versées pour moitié par chacune des deux sociétés et que les trois sociétés entretenaient des liens commerciaux et possédaient des associés communs, la SARL Gavanon étant associée de la SARL Le Saint-Trop et M. C..., associé de la SARL Le Panoramique, étant aussi associé de la SARL Le Saint-Trop ; que si la requérante soutient que les sommes perçues en sus des loyers seraient des prêts qui lui ont été consentis par la SARL Gavanon et par la SARL Le Panoramique en raison de difficultés de trésorerie qu'elle aurait connues et que cette démarche relèverait de sa liberté de gestion, il n'est pas contesté que le contrat de prêt présenté à l'appui de cette affirmation n'a été enregistré que le 10 juillet 2008, postérieurement à l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité de la société, que les contrats de location consentis à la SARL Gavanon et à la SARL Le Panoramique ne prévoient pas le versement d'avances et qu'aucun remboursement n'a été opéré avant le début de la vérification ; que, de plus, il résulte de la proposition de rectification du 18 septembre 2008 que les loyers facturés par la SARL Le Saint-Trop à la SARL Gavanon et à la SARL Le Panoramique sont inférieurs à ceux qu'elle acquittait elle-même pour disposer de l'immeuble ; que les sommes ainsi perçues doivent, par suite, être analysées comme des suppléments de loyers imposables ; que demeure sans incidence à cet égard la circonstance que les sommes versées par la SARL Le Panoramique figurent à l'actif de son bilan ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté le moyen tiré par la société requérante de ce que les sommes en cause constitueraient des avances consenties par la SARL Gavanon et la SARL Le Panoramique et non des suppléments de loyers ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL Le Saint-Trop a comptabilisé en charges les consommations d'eau de la SARL Gavanon et de la SARL Le Panoramique pour des montants de 5 184 euros en 2005, 7 362 euros en 2006 et 9 237 euros en 2008 ; qu'elle ne conteste pas ne pas avoir refacturé les charges ainsi prises à son compte à la SARL Gavanon et à la SARL Le Panoramique alors que cette prise en charge n'était pas prévue dans les contrats de location ; que, dans sa réponse à la proposition de rectification du 18 septembre 2008, la requérante a d'ailleurs expressément accepté le redressement ; que, pas davantage en appel que devant les premiers juges, la SARL Le Saint-Trop ne justifie de l'intérêt pour elle de prendre en charge les consommations d'eau des sociétés locataires, la justification d'une contrepartie ne pouvant résulter, comme elle le soutient, de sa volonté de maîtriser les fluides de ses locataires gérants ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté la contestation par la société de ce chef de redressement dont l'administration établit le bien-fondé ;
4. Considérant, en troisième lieu, que les opérations de contrôle ont permis de constater que figurait au bilan de la société au 31 décembre 2007 une somme de 146 687 euros, se décomposant en 111 810 euros sous le libellé " Dettes Rafoni " et 34 877 euros au titre de dettes de taxe sur la valeur ajoutée ; que la société requérante ne conteste pas la réintégration de la dette de taxe sur la valeur ajoutée de 34 877 euros ; qu'elle conteste, en revanche, la réintégration du passif constitué par la somme de 111 810 euros en indiquant que cette somme correspond au solde à payer du plan de redressement arrêté le 2 mai 2010 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, lequel prévoyait le remboursement de son passif à compter du mois de juin 2000, sur une durée de cent mois, par versement de cent mensualités de 45 800 francs entre les mains de Me Rafoni, commissaire à l'exécution du plan ; que si l'administration soutient que, par courrier du 6 décembre 2007, le comptable du service des impôts des entreprises de Martigues a attesté que la société avait acquitté l'ensemble des sommes dues au Trésor public, il résulte du bilan produit par la société, et du détail de ses comptes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 que la somme de 111 810 euros est relative aux " Autres dettes de la société " et comprend exclusivement sous le compte n° 467100 la dette due à Me Rafoni, alors que les dettes fiscales et sociales se chiffrent pour la même période à 39 216 euros ; que la SARL Le Saint-Trop doit, par suite, être regardée comme justifiant l'inscription au passif de la somme de 111 810 euros ; qu'elle est fondée à demander la décharge en base du rehaussement résultant de la réintégration de cette somme à ses résultats de l'année 2007 ;
Sur l'application des pénalités :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
6. Considérant que, pour retenir le caractère délibéré des manquements reprochés à la SARL Le Saint-Trop, l'administration fiscale a initialement relevé que certaines sommes inscrites au passif n'étaient pas justifiées, que des charges inscrites en comptabilité n'étaient pas engagées dans l'intérêt de la société, que les encaissements reçus des sociétés locataires ne pouvaient être assimilés à des prêts mais constituaient des suppléments de loyers non déclarés, que les loyers facturés à la SARL Gavanon et à la SARL Le Panoramique étaient inférieurs à ceux qu'elle acquittait elle-même pour la jouissance des locaux et que le fonds de commerce devait être regardé comme faisant l'objet d'une mise à disposition gratuite constitutive d'un acte anormal de gestion ; que, si certains chefs de rectification ont été abandonnés, les rectifications confirmées en matière de passif injustifié, de suppléments de loyers et de prise en charge indue de frais n'incombant pas à la société, révèlent, compte tenu de la répétition des pratiques et de la nature des infractions, que l'ensemble du comportement de la SARL Saint-Trop visait délibérément à éluder l'impôt ; que, par suite, la SARL Le Saint-Trop n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré auxquelles elle demeure assujettie ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Le Saint-Trop est seulement fondée à demander, en matière d'impôt sur les sociétés, la réduction, au titre de l'année 2007, de ses bases imposables pour un montant de 111 810 euros et la décharge, en droits et pénalités, de l'imposition correspondante ; que la demande de compensation présentée par le ministre, qui porte sur les seules impositions de l'année 2005, se trouve, de ce fait, dépourvue d'objet ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Le Saint-Trop et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés de la SARL Le Saint-Trop sont réduites au titre de l'année 2007 de la somme de 111 810 (cent onze mille huit cent dix) euros.
Article 2 : La SARL Le Saint-Trop est déchargée, en droits et pénalités, de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et celle résultant de l'application de l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL Le Saint-Trop la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Le Saint-Trop est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Saint-Trop et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré à l'issue de l'audience du 24 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 avril 2016.
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N° 14MA02700 2