Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société de production électrique de Lézignan Corbières (SPEL) a demandé à titre principal au tribunal administratif de Montpellier de condamner Electricité de France (EDF) à lui verser la somme de 427 087,59 euros hors taxes en réparation du préjudice résultant de sa décision de mettre fin au contrat d'achat d'énergie électrique conclu le 18 février 2000.
Par un jugement n° 1301147 du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 septembre 2014, le 6 août 2015 et le 14 septembre 2015, la société de production électrique de Lézignan Corbières, représentée par le cabinet d'avocats Ravetto Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 juillet 2014 ;
2°) de condamner EDF à lui verser la somme de 427 087,59 euros hors taxes, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2010 ;
3°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge d'EDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier comme ayant méconnu les dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ;
- il est insuffisamment motivé, est entaché d'une contradiction de motifs et repose sur un fondement juridique erroné ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les parties ne pouvaient déroger aux clauses type du contrat " 97.02. " ni aux dispositions législatives et réglementaires ;
- en application de l'article 10.1 des conditions particulières du contrat de vente, la durée du contrat est de quinze ans à compter de la date de mise en service de l'installation ; le contrat ne pouvait donc prendre fin qu'au 28 janvier 2011 ;
- elle justifie d'un manque à gagner correspondant aux 3/5èmes de la prime fixe calculée conformément à l'article 9 des conditions générales et à l'article 6.1. des conditions particulières du contrat de vente.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 décembre 2014 et le 14 septembre 2015, la S.A. Electricité de France conclut à titre principal au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation à la somme de 263 983,50 euros hors taxes et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la SPEL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SPEL ne sont pas fondés.
Par courrier du 30 juin 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 25 janvier 2016, la clôture d'instruction a été prononcée immédiatement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;
- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;
- le décret n° 55-662 du 20 mai 1955 modifié réglant les rapports entre les établissements visés par les articles 2 et 23 de la loi du 8 avril 1946 et les producteurs autonomes d'énergie électrique ;
- le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SPEL, et de Me A..., représentant EDF.
1. Considérant que la société de production électrique de Lézignan-Corbières (SPEL) exploite une centrale de production électrique d'une puissance de 7 428 kW ; qu'elle a conclu avec Electricité de France le 5 novembre 1995 un contrat aux termes duquel EDF s'engageait à acheter partiellement l'électricité produite par cette centrale ; qu'à la suite de parution de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, EDF et la SPEL ont conclu le 18 février 2000 un nouveau contrat pour l'achat par EDF de la totalité de l'énergie produite par cette centrale, résiliant le contrat précédemment conclu ; que, par lettre du 19 octobre 2009, EDF a informé la SPEL que ce contrat arriverait à échéance le 31 octobre 2010 ; que la SPEL relève appel du jugement du 4 juillet 2014 rejetant sa demande tendant à la condamnation d'EDF à lui verser la somme de 427 087,59 euros en réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par EDF des stipulations contractuelles ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience (...) " et qu'aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " A l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-1 à R. 751-4, les actes de procédure sont accomplis à l'égard du mandataire (...) " ;
3. Considérant que la SPEL, qui n'était ni présente ni représentée à l'audience devant le tribunal administratif de Montpellier, soutient ne pas avoir reçu de convocation à cette audience ; que si le jugement mentionne que les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience, aucun accusé de réception de la convocation à l'audience du conseil de la société ne figure au dossier de première instance ; que, par conséquent, la SPEL est fondée à soutenir que le jugement a été rendu en méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, le jugement est entaché d'irrégularité et doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés par la société requérante, être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SPEL devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur le fond :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par EDF à la demande de première instance ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, dans sa rédaction applicable à la date de signature du contrat : " Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et (...) les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par :/ (...) 2° Les installations dont la puissance installée par site de production n'excède pas 12 mégawatts qui utilisent des énergies renouvelables (...) Un décret en Conseil d'Etat fixe, par catégorie d'installations, les limites de puissance installée par site de production des installations qui peuvent bénéficier de cette obligation d'achat (...)/ Un décret précise les obligations qui s'imposent aux producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat, ainsi que les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent, après avis de la Commission de régulation de l'électricité, les conditions d'achat de l'électricité ainsi produite (...)" ;
6. Considérant qu'en application de ces dispositions, EDF et la SPEL ont conclu le 18 février 2000 un contrat portant sur l'achat par EDF de l'énergie produite par la SPEL ; que l'article 10.1 des conditions particulières de ce contrat dispose : " Le présent contrat, qui résilie tous les accords antérieurs pour l'achat d'énergie par EDF, et en particulier le contrat pour l'achat d'énergie électrique au tarif pour " fournitures partiellement garanties " signée entre les parties le 5. novembre 1995, prend effet au 1er novembre 1997 et est conclu pour une durée de 13 ans à compter de cette date (15 ans moins la période intervenue depuis la date de première mise en service de l'installation) " ;
7. Considérant que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1er du décret du 20 mai 1955 susvisé, qui imposait que le contrat puisse, à la demande du producteur, être passé pour une durée au moins égale à celle de l'amortissement normal de ses installations, ce décret, du fait de son abrogation par l'article 54 de la loi du 11 février 2000 n'étant plus applicable à la date de signature du contrat ;
8. Considérant que si le contrat d'achat tel qu'approuvé par le ministre chargé de l'électricité prévoit que sa prise d'effet est au 1er novembre 1997 et que sa durée est de 15 ans moins la période intervenue depuis la date de dernière mise en service de l'installation, il ressort clairement des mentions manuscrites portées dans le contrat que les parties ont d'une commune intention fixé une échéance du contrat à une date autre que celle résultant de la formule de calcul dont la requérante revendique l'application ; qu'ainsi, alors même que le terme de ce contrat a été fixé à une échéance différente de celle préconisée par les dispositions précitées, le contrat du 18 février 2000 doit être en tout état de cause regardé comme prenant fin, conformément à ses stipulations, au 31 octobre 2010 ; que, par suite, les conclusions indemnitaires de la société requérante ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1301147 du 4 juillet 2014 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande de la société de production électrique de Lézignan-Corbières présentée devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Les conclusions d'EDF tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société de production électrique de Lézignan-Corbières et à Electricité de France.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 avril 2016.
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N° 14MA03897