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01/04/2016 | FRANCE | N°14MA03826

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 01 avril 2016, 14MA03826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Méridionale du Bâtiment (SMB), la société Sicom, M. F... C...et Mme E... B...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département du Gard à leur verser, à titre principal, la somme de 2 545 438,92 euros en réparation de leur préjudice subi du fait des promesses non tenues par le département et, à titre subsidiaire, une somme de 405 438,92 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par un jugement n° 1201506 du 3 juillet 2014, le tribunal administr

atif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Méridionale du Bâtiment (SMB), la société Sicom, M. F... C...et Mme E... B...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département du Gard à leur verser, à titre principal, la somme de 2 545 438,92 euros en réparation de leur préjudice subi du fait des promesses non tenues par le département et, à titre subsidiaire, une somme de 405 438,92 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Par un jugement n° 1201506 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2014, deux mémoires complémentaires, enregistrés le 31 août 2015 et le 4 janvier 2016, et des pièces complémentaires, enregistrées le 22 janvier 2016, la SMB, la société Sicom, M. F... C...et Mme E...B..., représentés par la SCP Coulombie-Gras-Cretin-Becquevort-Rosier-Soland, avocats demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 juillet 2014 ;

2°) à titre principal, de condamner le département du Gard à leur verser, solidairement, la somme de 2 545 438,92 euros en réparation de leur préjudice subi du fait des promesses non tenues du département, cette somme étant assortie des intérêts capitalisés ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le département du Gard à leur verser, solidairement, la somme de 405 438,92 euros, au titre de l'enrichissement sans cause du département à leur dépens ;

4°) de mettre à la charge du département une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la clause de renonciation à toute demande d'indemnité applicable aux candidats au marché, ne leur est pas applicable car ils ont la qualité d'opérateur retenu ;

- la responsabilité pour faute du département est engagée, premièrement, par le fait que l'administration, en s'engageant auprès de la SMB à lui attribuer le marché relatif à la réalisation d'un ensemble immobilier et en tardant à l'informer de l'abandon du projet, a incité la SMB, à exposer des frais, deuxièmement, du fait de l'invitation qui a été faite à la SMB de déposer des demandes d'autorisation d'urbanisme, troisièmement, du fait de l'illégalité du retrait, par la délibération du 19 octobre 2011, de la délibération du 10 juin 2010, laquelle constitue une décision individuelle créatrice de droit ;

- ils n'ont commis aucune imprudence ;

- leur préjudice résulte des frais exposés en pure perte et du manque à gagner du fait de l'abandon de l'opération ;

- le département a acquiescé aux faits, s'agissant de l'appréciation du montant des frais exposés en pure perte ;

- à titre subsidiaire, les frais relatifs aux études préalables ayant été engagés à la demande et avec l'assentiment du département, procurent à cette administration un enrichissement sans cause correspondant précisément à leur appauvrissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2015, des pièces complémentaires, enregistrées le 14 août 2015 et un nouveau mémoire, enregistré le 14 septembre 2015, le département du Gard, représenté par le cabinet Goutal et Alibert et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des requérants du versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable en raison de la renonciation par avance à toute demande d'indemnité par les candidats au marché public en cause ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Un courrier du 28 décembre 2015, adressé aux requérants, leur a demandé de produire les pièces permettant de justifier du détail des prestations effectuées par leur conseil pour un montant de 3 109,6 euros et de la date à laquelle ont été demandé les travaux d'étude thermique qui ont donné lieu à deux factures de 4 544,8 euros et de 3 193,32 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport M. Argoud,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant la SMB et les autres requérants et celles de Me D... représentant le département du Gard.

1. Considérant que, par une délibération du 28 mai 2009, le conseil général du Gard a lancé un appel à projets auprès de promoteurs privés et publics aux fins d'acquisition d'un immeuble de son patrimoine en vue de réaliser un ensemble immobilier comprenant notamment des logements à caractère social ; que, par une délibération du 10 juin 2010, le conseil général a approuvé le choix de la société Méridionale du Bâtiment (SMB) pour réaliser cette opération ; que, par une lettre du 17 juin 2010, le président du conseil général du Gard a informé la société que son offre était retenue et lui a déclaré que " sans attendre la signature du compromis de vente qui ne pourra intervenir qu'après déclassement de l'immeuble du domaine public ", il lui était accordé l'autorisation de déposer une demande de permis de construire ; que la SMB a alors sollicité deux autorisations d'urbanisme les 26 juillet et 14 octobre 2010 ; que, toutefois, le conseil général du Gard a, par délibération du 19 octobre 2011, " annulé la procédure du projet initial de reconversion du site " et " validé le principe de lancement d'une nouvelle consultation visant à la vente de la propriété départementale ", après que, par arrêté du 9 mars 2011, le préfet de la région Languedoc-Roussillon ait décidé d'inscrire au titre des monuments historiques une partie de l'immeuble concerné ; que la SMB, ainsi que la société Sicom et deux porteurs de parts de cette société, par le truchement de laquelle ont été déposées les demandes d'autorisation d'urbanisme, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, de condamner le département du Gard à leur verser la somme de 2 545 438,92 euros en réparation du préjudice subi, constitué par les frais d'études engagés et le manque à gagner, au titre de la responsabilité délictuelle, et à titre subsidiaire, de condamner le département du Gard à leur verser solidairement la somme de 405 438,92 euros en réparation du préjudice subi par eux du fait des frais d'études engagés, au titre de l'enrichissement sans cause ; que la SMB et les autres requérants relèvent appel du jugement du 3 juillet 2014, par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant que la clause 3.1 " Modalités administratives " du règlement de l'appel d'offre stipule que " Les frais d'études, d'établissement des projets et des propositions et plus généralement toutes les dépenses engagées par les candidats au titre de la présente consultation demeureront à leur charge exclusive quelle que soit la suite réservée à leur proposition. Les candidats renoncent expressément et par avance à toute demande d'indemnité ou de dédommagement quelconque " ; qu'il résulte de l'instruction que l'indemnisation demandée par les requérants pour la réalisation des études préalables au dépôt de demandes d'autorisation d'urbanisme et pour le dépôt de ces demandes, trouve son fondement dans des prestations effectuées à la demande de l'administration et non dans le cadre de la procédure de l'appel d'offre ; que, par suite, le département du Gard n'est pas fondé à opposer aux conclusions indemnitaires des requérants, la clause de renonciation à tout recours indemnitaire prévue par l'article 3.1 précité ;

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

3. Considérant que les requérants recherchent, à titre principal, la responsabilité pour faute du département du Gard, en invoquant, premièrement, l'invitation qui leur a été adressée, le 17 mai 2010, par le président du conseil général de déposer une demande de permis de construire, deuxièmement, l'incitation à exposer des frais du fait de l'engagement ou de la promesse non tenue d'attribuer le marché, dont la fermeté doit être appréciée notamment au regard du retard de l'administration à informer les requérants de l'abandon du projet, troisièmement, le retrait fautif de la délibération du 10 juin 2010 ayant choisi d'attribuer le marché en cause à la société SMB et, enfin, à titre subsidiaire, l'enrichissement sans cause ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'en incitant fermement la société SMB à exécuter des prestations relatives à la réalisation des études préalables au dépôt de demandes d'autorisation d'urbanisme et au dépôt de ces demandes, en promettant - par ailleurs de façon formelle - la signature du contrat dans le cadre duquel ces prestations notamment devraient être rémunérées, et ce, alors qu'aucun contrat n'avait été préalablement signé, le département a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard des requérants ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le département en informant la société SMB de ce que sa candidature était retenue et en lui demandant de déposer sans attendre une demande de permis de construire, et nonobstant la circonstance qu'il ne l'ait pas informé de la délibération du 6 octobre 2011 ayant abandonné le projet, ne peut pas être regardé comme ayant incité cette société à exposer des frais autres que ceux relatifs aux demandes d'autorisations d'urbanisme susmentionnées ;

6. Considérant, en troisième lieu, que lorsque l'administration informe un soumissionnaire que son offre est acceptée, cette décision ne crée pour l'attributaire aucun droit à la signature du marché ; que, par suite, la SMB, dont l'offre a été acceptée par la délibération du 10 juin 2010, ne peut faire valoir utilement que les conditions de retrait de cette délibération méconnaissent les règles applicables au retrait des décisions individuelles créatrices de droits ;

7. Considérant, enfin, que les requérants ne démontrent pas que leur appauvrissement aurait eu pour conséquence un enrichissement de l'administration ; qu'ils ne sont donc pas fondés à rechercher, à titre subsidiaire, la responsabilité du département du Gard sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à rechercher la responsabilité extra-contractuelle pour faute du département du Gard ;

En ce qui concerne le partage de responsabilité :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants forment un groupement, dont l'activité a pour objet de porter des projets immobiliers ; qu'en engageant des études et en réalisant des prestations, au vu de la délibération du 10 juin 2010 et de la lettre du 17 juin 2010 du président du conseil général citées au point 1, sans attendre la signature du contrat relatif à la réalisation du programme immobilier en cause, les requérants ont commis une imprudence de nature à exonérer partiellement le département du Gard de sa responsabilité ; qu'eu égard notamment, aux caractéristiques de ce groupement, à la circonstance que les études ont été réalisées à la demande expresse et pressante du département, et à la fermeté de l'engagement du département pour la signature du contrat qui concernait non seulement les prestations relatives aux études préalables aux travaux mais également celles des travaux, il sera fait une juste appréciation des faits de l'espèce en mettant à la charge du département du Gard, 75 pour cent du préjudice indemnisable ;

En ce qui concerne le préjudice et le lien de causalité :

10. Considérant, en premier lieu, que seuls les préjudices correspondant à des dépenses engagées en pure perte consécutivement à la demande, relative à la réalisation des études préalables au dépôt de demandes d'autorisation d'urbanisme et au dépôt de ces demandes, du président du conseil général du Gard du 17 juin 2010, et ayant pour objet la réalisation de ces prestations, sont en lien de façon directe et certaine avec le fait générateur de la responsabilité de la commune ;

11. Considérant, en deuxième lieu, et, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que la réalisation de cette opération était subordonnée au déclassement de l'immeuble du domaine public et que celui-ci n'a pu être effectué du fait du classement du bâtiment à l'inventaire des monuments historiques, à l'initiative de l'architecte des bâtiments de France, par une décision du préfet de la région Languedoc-Roussillon en date du 9 mars 2011; que, par suite, le préjudice des requérants correspondant, en raison de l'abandon du projet immobilier, au manque à gagner du fait de la perte de chance de réaliser l'ensemble de l'opération, est sans lien direct avec la faute retenue au point 4 ;

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

12. Considérant, en premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que le département qui a produit des écritures en défense devant le tribunal administratif et devant la cour de céans, n'a acquiescé aux faits ni en première instance ni en appel ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte du point 11 que les frais de géomètre d'un montant de 1 578,72 euros, constituant des dépenses engagées et payées avant la demande du département du 17 juin 2010, sont sans lien avec le fait générateur de la responsabilité ; que les frais de gestion immobilière et de commercialisation, et les prestations effectuées par le conseil du groupement, pour un montant de 3 109,60 euros, ayant trait à la participation de ce conseil à une réunion puis à la rédaction par ses soins d'une consultation concernant l'impact de la procédure d'inscription aux monuments historiques sur les dossiers de permis de démolir et de permis de construire déjà déposés, sont sans lien avec la prestation demandée relative au dépôt des demandes d'autorisation d'urbanisme ; que ces frais sont, par suite, également dépourvus d'un lien de causalité suffisamment direct avec ce fait générateur ;

14. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les travaux relatifs à l'étude géologique, ayant fait l'objet d'une facture de 10 634,83 euros au nom de la société SMB, commandée le 1er juin 2010, antérieurement à la demande de prestations du département du Gard, ont été, toutefois, réalisés postérieurement à cette demande ; que les frais en résultant doivent donc être regardés comme en lien direct avec le comportement fautif du département du Gard ; que la part du préjudice de la société SMB devant être imputée à la commune s'élève donc, compte tenu du partage de responsabilité défini précédemment au point 9, à un montant de 7 976, 12 euros ;

15. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que les études effectuées par un bureau de contrôle ayant fait l'objet de deux factures de 7 229,82 euros et de 2 511,6 euros établies au nom de la société Sicom, les frais d'architectes ayant fait l'objet de deux factures de 159 823,73 euros et de 52 241 euros établies au nom de la société Sicom, pour un montant total de 212 064,73 euros et les travaux d'étude thermique qui ont donné lieu à deux factures de 4 544,8 euros et de 3 193,32 euros, établies au nom de la société Sicom, par le bureau d'études Logibat le 30 septembre 2010 et le 30 juillet 2010, pour la réalisation d'études demandées le 6 juillet 2010, constituent des dépenses engagées postérieurement à la demande par le département de réalisation de prestations et ayant pour objet ces prestations ; qu'elles sont donc en lien direct et certain avec le fait générateur de la responsabilité ; qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble de ces préjudices de la société Sicom en lui allouant, compte tenu du partage de responsabilité défini précédemment au point 9, une somme de 172 158,20 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande et qu'ils sont donc fondés à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge des requérants, qui n'ont ni la qualité de partie perdante ni la partie tenue aux dépens à la présente instance, au titre des frais exposés par le département du Gard et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la charge du département du Gard une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société SMB et la société Sicom pris ensemble et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font également obstacle à ce que le département verse une quelconque somme sur leur fondement aux autres requérants vis à vis desquels il n'a pas la qualité de partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 3 juillet 2014 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : Le département du Gard est condamné à verser une somme de 172 158,20 euros (cent soixante douze mille cent cinquante huit euros et vingt centimes) à la société SMB et une somme de 7 976, 12 euros (sept mille neuf cent soixante seize euros et douze centimes) à la société Sicom en réparation de leur préjudice.

Article 3 : Le département du Gard versera à la société SMB et à la société Sicom pris ensemble une somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le département du Gard sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Méridionale du Bâtiment (SMB), à la société Sicom, à M. F... C..., à Mme E...B..., et au département du Gard.

Délibéré après l'audience du 26 février 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er avril 2016.

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