Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
Par une ordonnance n° 1407741 du 9 décembre 2014, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2014, MmeB..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 9 décembre 2014 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet des Bouches-du-Rhône.
Elle soutient que :
- le refus de séjour au motif de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité de son état de santé et d'une possibilité de traitement approprié en Algérie procède d'une mauvaise lecture des documents médicaux qu'elle produit ;
- elle démontre que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, la mesure d'éloignement prise à son encontre est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal administratif a passé sous silence les nombreux certificats médicaux produits et a estimé à tort que ceux-ci étaient rédigés en termes très généraux alors que ceux-ci sont circonstanciés quant à la gravité de son état et l'absence de traitement dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il soutient que :
- il ne lui appartient pas de présenter des observations sur la rédaction de la décision du tribunal administratif ;
- aucun des moyens invoqués contre l'arrêté en litige n'est fondé.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme B...a été rejetée par décision du 12 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- et les observations de Me C... substituant Me D..., représentant Mme B....
1. Considérant que Mme A...B..., de nationalité algérienne, est entrée en France le 26 janvier 2013 ; qu'après avoir sollicité son admission au séjour à raison de son état de santé, elle s'est vu délivrer par le préfet des Bouches-du-Rhône une autorisation provisoire de séjour valable du 25 novembre 2013 au 11 mai 2014, dont elle a demandé le renouvellement ; que par arrêté du 24 juillet 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que Mme B... relève appel de l'ordonnance du 9 décembre 2014 par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...)." ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille, Mme B... a soulevé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et doit être également regardée, eu égard au contenu de ses écritures, comme invoquant son droit au renouvellement du titre de séjour obtenu à raison de son état de santé, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le premier juge ; que, si le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'était manifestement pas assorti par la requérante de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, en revanche celui tiré de ce qu'elle remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour eu égard à la gravité des conséquences d'une absence de traitement de sa pathologie et à l'indisponibilité d'un tel traitement en Algérie étaient, contrairement à ce qu'à estimé le premier juge, assortis d'éléments susceptibles de venir à son soutien et notamment de certificats médicaux suffisamment circonstanciés, ainsi que le fait valoir l'intéressée en appel ; que ce moyen n'était par ailleurs ni inopérant ni irrecevable ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de Mme B... ; que la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille ne pouvait, par suite, rejeter la demande de l'intéressée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dès lors que les conditions exigées par cet article n'étaient pas réunies ; que, par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... ;
Sur la légalité des décisions du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 juillet 2014 :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ;
6. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une polyarthrite rhumatoïde sévère du fait de laquelle elle a notamment subi une arthroplastie des deux hanches ; que si les documents médicaux qu'elle produit, et en particulier les certificats établis par un chirurgien orthopédiste les 3 juin et 18 novembre 2014 et par un rhumatologue le 5 septembre 2014, démontrent la réalité de son parcours de soins depuis 2013 sur le territoire français ainsi que la nécessité d'une prise en charge médicale, ils ne permettent pas d'établir que la pathologie chronique dont elle souffre est telle qu'un défaut de prise en charge pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ils ne sont donc pas susceptibles de remettre en cause valablement les conclusions sur ce point du médecin de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur dans son avis du 28 mars 2014 ; que, dès lors, et sans que puisse être utilement discutée dans ces conditions la disponibilité d'un traitement approprié en Algérie, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations précitées en édictant les décisions contestées ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que si Mme B... fait valoir que la mesure d'éloignement prise à son égard serait contraire aux stipulations précitées, elle n'assortit pas davantage cette affirmation en appel que devant le tribunal administratif de précisions permettant d'en examiner le bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à supposer même qu'il soit invoqué contre l'obligation de quitter le territoire français dont a été assorti le refus de titre de séjour litigieux, ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2016.
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N° 14MA05055