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29/03/2016 | FRANCE | N°14MA03105

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 29 mars 2016, 14MA03105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet née le 17 février 2012 du silence gardé par le directeur du centre hospitalier d'Embrun sur son recours gracieux et de condamner le centre hospitalier d'Embrun à lui verser la somme de 723 557,30 euros en réparation des différents postes de préjudice subis.

Par un jugement n° 1201461 du 31 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier d'Embrun à verser à M. E.

..une somme de 5 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet née le 17 février 2012 du silence gardé par le directeur du centre hospitalier d'Embrun sur son recours gracieux et de condamner le centre hospitalier d'Embrun à lui verser la somme de 723 557,30 euros en réparation des différents postes de préjudice subis.

Par un jugement n° 1201461 du 31 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier d'Embrun à verser à M. E...une somme de 5 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 juin 2014 et 17 février 2015, M. E..., représenté par MeD..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2014 en tant qu'il a limité à la somme 5 000 euros la réparation des différents préjudices subis ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 17 février 2012 du silence gardé par le directeur du centre hospitalier d'Embrun sur son recours gracieux ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Embrun à lui verser la somme de 345 428 euros TTC en réparation des différents postes de préjudice subis ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Embrun une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le lien de causalité entre les maladies professionnelles contractées et le poste occupé, demeuré inchangé malgré les problèmes de santé soulevés, est établi ;

- en dépit de la pension principale qu'il perçoit et de sa rente d'invalidité, sa mise à la retraite pour invalidité lui génère un préjudice financier d'autant plus significatif que, compte tenu de ses handicaps, il ne pourra espérer trouver un nouvel emploi ;

- les stages et formations que le centre hospitalier invoque ne sont intervenues au mieux que jusqu'en mars 2003 et en 1999 uniquement pour celles relatives à la " manutention manuelle des malades " ; que maîtrisant parfaitement ces techniques, c'est le manque de moyens mis à sa disposition qui est à l'origine de l'usure prématurée de son organisme ;

- son préjudice se décompose ainsi : 191 095 euros correspondant à sa perte de rémunérations, 80 000 euros au titre des souffrances endurées, 13 100 euros au titre du déficit fonctionnel, 4 708 euros au titre de la perte des rémunérations antérieures, 50 000 euros au titre de la perte de chance, 6 075 euros au titre de la perte de l'allocation temporaire d'invalidité et 450 euros au titre des honoraires d'expertise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2014, le centre hospitalier d'Embrun, représenté par MeC..., conclut au rejet des conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, à la limitation aux sommes de 8 000 euros, 44 346,32 euros, 19 201, 84 et

4 288,32 euros l'indemnisation respectivement des souffrances physiques et morales, de la perte de revenus, de la perte de chance de chance de bénéficier de l'avancement légal et de la perte de rémunération liée à son congé maladie de mai 2008 à octobre 2011.

Il soutient que :

- la Caisse des dépôts et consignations ayant rejeté la demande d'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité présentée par M.E..., il ne pouvait en aucun cas se substituer à cette décision ;

- s'agissant des demandes d'indemnisation en dehors de toutes fautes, M. E...n'établit en aucun manière son préjudice d'agrément alors que, d'autre part, le fait qu'il ne puisse participer au financement des études de son fils ne peut aucunement être pris en compte à ce titre ;

- s'agissant des demandes d'indemnisation fondées sur une faute qui serait à l'origine de son affection, M. E...n'établit pas l'existence de ladite faute ;

-si une quelconque faute ayant mené à la dégradation de l'état de santé du requérant devait être retenue à son encontre, les sommes réclamées au titre de la perte de revenus, de la perte de chance concernant l'avancement légal et de la perte de rémunération liée à son congé maladie devraient être ramenées à de plus justes proportions ;

- s'agissant de la perte de rémunération liée à son passage à temps partiel, rien ne prouve que M. E...aurait fait une telle demande en raison de son état de santé, alors que l'intéressé a évoqué des raisons personnelles ;

- s'agissant de la perte de chance d'obtenir un avancement, l'intéressé ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une chance certaine et sérieuse ;

- la demande d'indemnisation reposant sur la perte de chance d'éviter le dommage du fait de la faute prétendument commise par l'établissement, est infondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ensemble la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;

- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Renouf en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me D...représentant M.E..., et de MeA..., substituant MeC..., représentant le centre hospitalier d'Embrun.

1. Considérant que M. E...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier d'Embrun à lui verser la somme de 331 877,83 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des maladies professionnelles dont il souffre ; qu'il relève appel du jugement du 31 mars 2014 de ce même tribunal en tant qu'il a limité à 5 000 euros la somme accordée au titre des souffrances physiques et morales endurées et demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation du centre hospitalier d'Embrun à lui verser la somme de 345 428 euros en réparation des différents postes de préjudice subis ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Embrun :

2. Considérant que M.E..., travailleur handicapé, a été titularisé à compter du

1er juin 2000 par le centre hospitalier d'Embrun afin d'occuper les fonctions d'aide-soignant dans le service des convalescents ; qu'à la suite d'un accident de trajet survenu le

23 janvier 2002, il s'est plaint de douleurs scapulaires et de fourmillements de la main droite et a alors demandé, le 26 novembre 2002, la reconnaissance de la maladie professionnelle n° 57 ; qu'après un premier avis défavorable, la commission départementale de réforme est revenue sur ledit avis et l'établissement a alors pris, le 5 avril 2004, une décision d'imputabilité au service de cette atteinte ; qu'en raison de douleurs persistantes au niveau de l'épaule droite, M. E...a bénéficié d'arrêts de travail du 14 au 29 août 2007 puis du 11 au 26 octobre 2007, imputés au service par décision du directeur du centre hospitalier d'Embrun du 1er avril 2008 ; que le 3 août 2008, il a été opéré de l'épaule droite ; que, ressentant par ailleurs des douleurs lombaires, M. E...a fait, le 11 septembre 2009, une demande de reconnaissance de la maladie professionnelle n° 98 ; qu'il a été opéré d'une hernie discale droite le 8 décembre 2009,

puis une seconde fois de l'épaule droite, en février 2010 ; que le centre hospitalier d'Embrun a pris le 13 avril 2010 une décision d'imputabilité au service des arrêts de travail relatifs à la première intervention chirurgicale ; que, placé en arrêt de travail continu, le médecin qui l'a examiné lors de la visite de pré-reprise a, tout en émettant un avis d'aptitude, préconisé un reclassement professionnel ; qu'en réponse à la demande de M.E..., le directeur du centre hospitalier d'Embrun lui a indiqué, par courrier du 27 janvier 2011, ne pas disposer de poste aménagé permettant son reclassement professionnel ; qu'à la suite d'une expertise du

27 décembre 2010, le centre hospitalier d'Embrun a constaté, par décision du 8 avril 2011, l'inaptitude définitive de M. E...aux fonctions d'aide-soignant, et a indiqué qu'il relevait d'une mise en retraite pour invalidité, reconnaissant par là-même les deux maladies professionnelles dont il est atteint ; qu'après réception d'un courrier du 17 octobre 2011 l'informant qu'il allait être radié des cadres et placé à la retraite pour invalidité à compter du 1er novembre 2011, M. E... a formé un recours hiérarchique préalable en indemnisation le 9 décembre 2011 aux termes duquel il a sollicité la somme globale de 372 615,62 euros ; qu'en l'absence de réponse, il a alors saisi la juridiction administrative d'une demande de réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

En ce qui concerne le refus d'octroi de l'allocation temporaire d'invalidité :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " Les établissements mentionnés à l'article 2 ci-dessus sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 p. 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'État. /Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 2005 susvisé : " L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10% (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du même texte : " La demande d'allocation doit, à peine de déchéance, être présentée dans le délai d'un an à compter du jour où le fonctionnaire a repris ses fonctions après la consolidation de la blessure ou de son état de santé.

/Toutefois, lorsque le fonctionnaire n'a pas interrompu son activité ou lorsqu'il atteint la limite d'âge ou est radié des cadres avant de pouvoir reprendre ses fonctions, le droit à l'allocation peut lui être reconnu si la demande d'allocation est présentée dans l'année qui suit la date de constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de son état de santé. /Cette date est fixée par la commission de réforme prévue à l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé, lorsque l'accident ou la maladie donne lieu à l'attribution d'un congé au titre du régime statutaire de réparation des accidents du travail applicable à l'agent ou, à défaut, par un médecin assermenté. " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce texte : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article 3, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. " ; que, si, ainsi que le soutient le centre hospitalier, la perception d'une allocation temporaire d'invalidité et d'une rente viagère ne sont pas cumulables, les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 2 mai 2005 ne font toutefois pas obstacle à la perception, par l'agent qui le demande dans l'année qui suit la constatation officielle de la consolidation de sa blessure ou de son état de santé, de l'allocation temporaire d'invalidité pour une période courant entre ladite consolidation et la date à partir de laquelle il perçoit la rente d'invalidité suite à sa radiation des cadres ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que M. E...a présenté une première demande de bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité le 27 juin 2011, réitérée les 4 septembre et 17 octobre 2011, pour la période courant entre la date de consolidation de ses deux maladies professionnelles, soit le 1er juillet 2010 pour la maladie professionnelle n° 57 correspondant à des affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail et le 7 avril 2011 pour la maladie professionnelle n° 98 relative aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes et la date de radiation des cadres le 1er novembre 2011 ; qu'en application de ce qui précède, l'appelant, qui a présenté sa demande dans l'année qui a suivi la date de constatation officielle de la consolidation de ses deux maladies, et à qui le centre hospitalier ne saurait opposer l'absence de reprise du travail, a droit au versement d'une allocation temporaire d'invalidité sur une période de quinze mois, ce indépendamment de l'avis de la caisse des dépôts et consignations du 14 novembre 2011 ; que la commission départementale de réforme ayant fixé la date de consolidation de sa maladie professionnelle n° 98 au 1er juillet 2010 et lui ayant attribué une invalidité permanente partielle de 15%, M.E..., dont le salaire mensuel s'élevait à 1 500 euros net, était ainsi en droit de prétendre à une allocation d'un montant de 225 euros par mois, ceci sur une période de quinze mois ; que, s'agissant de la maladie professionnelle n° 57, la commission départementale de réforme ayant retenu le 7 avril 2011 comme date de consolidation avec un taux d'invalidité permanente partielle de 30%, le requérant était en droit de prétendre à une allocation d'un montant de 450 euros par mois sur une période de six mois ; que, par suite, le préjudice subi du fait de la non obtention de l'allocation temporaire d'invalidité s'élève à la somme 3 375 euros au titre de la maladie professionnelle n° 98 et 2 700 euros au titre de la maladie professionnelle n° 57 sur les différentes périodes considérées, soit un total de 6 075 euros ;

En ce qui concerne la recherche d'un poste adapté à son état de santé :

5. Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'en revanche, elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;

Quant à la responsabilité pour faute :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 8 juin 1989 susvisé : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du médecin du travail, dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire n'a pas nécessité l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical, si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un poste de travail correspondant à son grade dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer ses fonctions. " ;

7. Considérant que M. E...soutient qu'en s'abstenant de rechercher un poste adapté à son état de santé sur une période de plus de dix ans, et ce malgré ses demandes et les préconisations du médecin du travail, le centre hospitalier d'Embrun a directement contribué à sa mise à la retraite d'office pour invalidité, cette mise à la retraite, en dépit de la pension principale servie et de sa rente d'invalidité, lui occasionnant un préjudice financier ;

8. Considérant que M. E...fait valoir qu'eu égard à ses douleurs lombaires récurrentes, il a sollicité en vain en 2001 auprès de la direction de l'hôpital, le bénéfice d'une préparation au concours d'infirmier, qualification qui, selon l'intéressé, lui aurait permis d'éviter les nombreux efforts physiques générés par son activité quotidienne au service de patients pour la plupart âgés et dépendants ; que le courrier de rejet de sa demande, pour des motifs budgétaires, n'est toutefois pas de nature à établir la réalité et l'ampleur de ses douleurs dès cette période alors que ce n'est qu'au cours de l'année 2009 qu'il fera une demande de reconnaissance de maladie professionnelle relative aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes ; que s'il a sollicité, au mois de décembre 2003, une diminution de sa quotité de travail à hauteur de 80%, il ressort du courrier produit par le centre hospitalier que ladite demande était exclusivement fondée sur des motifs personnels ; qu'il n'est par ailleurs aucunement établi que M. E...n'aurait pas disposé du matériel adapté à ses fonctions ; que la circonstance qu'il ait été l'unique aide-soignant de sexe masculin n'établit pas la réalité d'une surcharge de travail ; que si M. E...fait également valoir qu'il s'est vu opposer un refus à la demande de formation d'ergothérapeute qu'il a formulée en avril 2008, ni cette circonstance ni l'ensemble de celles sus évoquées ne sauraient suffire à expliquer la dégradation de l'état de santé de l'intéressé alors qu'il est constant qu'il a bénéficié, au début de sa carrière, de formations relatives à la manutention des malades ; qu'enfin, les différents avis du médecin du travail faisant suite aux visites annuelles dont l'appelant se prévaut concluaient, non pas à une inaptitude à l'emploi, seule circonstance de nature à faire peser sur l'administration une obligation de réaffectation, mais à une limitation des efforts de manutentions lourdes et à répétition ; que, dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Embrun ;

Quant à la responsabilité sans faute :

9. Considérant que M. E...est en revanche fondé, ainsi que l'a à juste titre estimé le tribunal, à solliciter de cet établissement la réparation de son préjudice personnel, même en l'absence de faute de ce dernier, dès lors qu'il est constant que la dégradation de son état de santé ayant conduit à sa mise à la retraite anticipée a été reconnue comme étant imputable au service ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 8 que les conclusions de M. E...tendant à l'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux, à savoir la perte de rémunération ainsi que la perte de chance, ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère extra-patrimonial :

11. Considérant que, d'une part le régime d'indemnisation mis en place en faveur des fonctionnaires victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle tel que décrit au point 5 ayant vocation à permettre la réparation des préjudices distincts de l'atteinte à l'intégrité physique dont les conséquences patrimoniales sont réparées par l'attribution d'une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite ou d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, M. E...ne saurait prétendre à se voir octroyer une quelconque somme au titre du déficit fonctionnel permanent ; que, d'autre part M. E...ne réclame plus de somme spécifique en réparation de son préjudice d'agrément ;

12. Considérant, en revanche, que le docteur Carpentier ayant évalué dans son rapport d'expertise du 17 décembre 2014, à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7, les souffrances endurées par M. E...du fait notamment des trois interventions chirurgicales lourdes qu'il a dû subir et de la prise de nombreux médicaments, au nombre desquels des antalgiques et anti-inflammatoires puissants ainsi que des antidépresseurs, c'est par une juste appréciation qu'elles ont été indemnisées à hauteur de 5 000 euros par les premiers juges ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier d'Embrun à verser à M. E...la somme totale de 11 075 euros ;

Sur les frais d'expertise :

14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État (...) " ;

15. Considérant que M. E...justifie, par une note d'honoraires, avoir exposé des frais d'un montant de 450 euros pour la réalisation d'une expertise médicale, laquelle a été utile à la solution du litige ; qu'il y a ainsi lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre lesdits frais à la charge du centre hospitalier d'Embrun ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Embrun une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 5 000 (cinq mille) euros que le centre hospitalier d'Embrun a été condamnée à verser à M. E...du fait des préjudices subis est portée à 11 525 euros

(onze mille cinq cent vingt-cinq euros).

Article 2 : Le jugement du 31 mars 2014 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier d'Embrun versera à M. E...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au centre hospitalier d'Embrun.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2016 où siégeaient :

- M. Renouf, président,

- Mme Baux, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mars 2016.

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N° 14MA031055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03105
Date de la décision : 29/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. RENOUF
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP GERBAUD - AOUDIANI - CHARMASSON - COTTE - MOINEAU - ROUANET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-29;14ma03105 ?
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