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18/03/2016 | FRANCE | N°14MA03948

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 18 mars 2016, 14MA03948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, Mme B... A...avait notamment demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler :

- l'arrêté pris le 14 septembre 2009 par lequel le maire de Bouillargues l'a placée en congé longue durée puis en disponibilité d'office jusqu'à liquidation de ses droits à pension d'invalidité ;

- la délibération du 16 décembre 2009 par laquelle le conseil municipal de Bouillargues a prononcé la suppression du poste qu'elle occupait précédemment ;

- l'arrêté

du 28 mai 2010 par lequel le maire de Bouillargues a procédé à sa réintégration en surnombre dans l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, Mme B... A...avait notamment demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler :

- l'arrêté pris le 14 septembre 2009 par lequel le maire de Bouillargues l'a placée en congé longue durée puis en disponibilité d'office jusqu'à liquidation de ses droits à pension d'invalidité ;

- la délibération du 16 décembre 2009 par laquelle le conseil municipal de Bouillargues a prononcé la suppression du poste qu'elle occupait précédemment ;

- l'arrêté du 28 mai 2010 par lequel le maire de Bouillargues a procédé à sa réintégration en surnombre dans l'attente d'un reclassement.

Par un jugement n° 0903116-1000459-1001844-1002641 du 9 juin 2011, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir joint les demandes de Mme A..., a annulé ces trois décisions.

Par une décision n° 351611 du 7 mars 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a annulé ces trois décisions, et, d'autre part, renvoyé, dans cette mesure, l'affaire au tribunal administratif de Nîmes.

Par un jugement n° 1400967 du 3 juillet 2014, rendu après renvoi, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces trois décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2014, complétée par mémoire en production de pièces enregistré le 13 janvier 2016, la commune de Bouillargues, représentée par son maire et par la société d'avocats Lysias Partners, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2014 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de l'intimée la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison, d'une part, de la composition de la formation qui a jugé après le renvoi du Conseil d'Etat, d'autre part, du fait que le mémoire complémentaire déposé par Mme A... le 28 mai 2014 ne lui a pas été communiqué ;

- s'agissant de l'arrêté du 14 septembre 2009 plaçant Mme A... en congé longue durée puis en disponibilité d'office, le tribunal a statué à l'encontre de ce qu'avait jugé le Conseil d'Etat dans la décision rendue le 7 mars 2014 n° 351611, qui a annulé son premier jugement ; il a donc entaché sa décision d'une erreur de droit ; les autres moyens soulevés par la requérante en première instance ne sont pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté ;

- s'agissant de la délibération du conseil municipal du 16 décembre 2009 prononçant la suppression du poste précédemment occupé par Mme A..., le tribunal a, à nouveau, persisté dans l'erreur qu'il avait précédemment commise et qui avait été sanctionnée par le Conseil d'Etat dans la décision précitée, méconnaissant ainsi l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat ; le détournement de pouvoir n'est pas établi car elle a démontré que la suppression du poste était uniquement motivée par des considérations tenant à la réorganisation des services communaux ;

- s'agissant de l'arrêté du 28 mai 2010 prononçant la réintégration en surnombre de Mme A... et son placement en disponibilité, sa légalité découle de la légalité de la délibération supprimant le poste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2015, complété par mémoire en production de pièces enregistré le 18 mai 2015, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de la requérante les entiers dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens tenant à l'irrégularité du jugement ne sont pas fondés ;

- s'agissant de l'arrêté du 14 septembre 2009, le tribunal doit tenir compte des éléments postérieurs à l'arrêté attaqué, qui attestent qu'à la date à laquelle il a été pris, une appréciation erronée des faits de l'espèce a entaché sa légalité ; le tribunal n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat, dès lors qu'il n'a pas repris le motif tiré d'une erreur manifeste d'appréciation entachant la légalité de l'arrêté mais celui d'une appréciation erronée des faits ;

- s'agissant de la délibération du 16 décembre 2009, le détournement de pouvoir est établi, dès lors qu'elle a été affectée sur un poste de travail indigne dont les fenêtres donnent directement sur le lieu exact où son père s'est suicidé ; ces éléments constituent un harcèlement moral ; la réorganisation des services dont se prévaut la commune repose en outre sur une supercherie, un agent ayant été recruté il y a plusieurs années sur les mêmes missions ;

- s'agissant de l'arrêté du 28 mai 2010, la Cour, qui confirmera l'annulation des précédentes décisions, ne pourra, par voie de conséquence de ces annulations, que confirmer celle-ci.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance n° 09MA04498 du 28 avril 2010, par laquelle le président de la Cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par le Docteur Jean-Marc Delfieu.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant la commune de Bouillargues, et de Me C..., représentant Mme A....

1. Considérant que Mme A..., adjoint administratif territorial en fonction depuis 1983 au sein des services de la commune de Bouillargues, placée en disponibilité d'office pour raison de santé pour une durée d'un an du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2008, a repris son travail le 3 novembre 2008 ; qu'à la suite d'un nouvel arrêt de travail, elle a été placée en arrêt de maladie, du 13 novembre au 30 novembre 2008, puis en congé longue durée, du 13 novembre 2008 au 12 juillet 2009 ; que, dans son avis du 3 septembre 2009, le comité médical du Gard a conclu à sa mise en congé longue durée, au titre d'une affection relevant de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986, pour une période de huit mois à compter du 13 novembre 2008, l'a déclarée inapte de façon définitive et absolue à toutes fonctions et a proposé sa mise à la retraite pour invalidité ; que, par arrêté du 14 septembre 2009, le maire de la commune de Bouillargues a placé Mme A... en congé longue durée à demi traitement du 13 novembre 2008 au 12 juillet 2009, puis en disponibilité d'office à compter du 13 juillet 2009 jusqu'à la liquidation de sa pension d'invalidité ; que, par délibération du 16 décembre 2009, prise après avis du comité technique paritaire du 28 septembre 2009, le conseil municipal de Bouillargues a procédé à la suppression d'un emploi d'adjoint administratif de 1ère classe ; que, cependant, par avis du 12 janvier 2010, le comité médical supérieur, saisi par Mme A..., a donné un avis favorable à sa réintégration ; que l'expertise, ordonnée le 26 janvier 2010 par la cour administrative d'appel de Marseille, a relevé, le 8 avril 2010, la stabilisation de l'état de santé de Mme A... et l'absence de motif de nature à l'empêcher d'exercer ses fonctions ; que Mme A... ayant demandé sa réintégration, le maire de la commune de Bouillargues a, par arrêté du 28 mai 2010, procédé à cette réintégration à compter du 14 juin 2010 en surnombre pour cause d'absence de poste correspondant à son grade vacant au sein des effectifs de la commune et l'a placée en disponibilité d'office durant une période d'un an à compter du 14 juin 2010 ; que, par jugement rendu le 9 juin 2011, le tribunal administratif de Nîmes a, notamment, annulé l'arrêté du 14 septembre 2009, la délibération du 16 décembre 2009 et l'arrêté du 28 mai 2010 ; que, cependant, par décision n° 351611 rendue le 7 mars 2014, le Conseil d'Etat, sur pourvoi de la commune de Bouillargues, a annulé ce jugement en tant qu'il avait prononcé les trois annulations sus-évoquées et renvoyé au tribunal administratif de Nîmes, dans cette mesure, le jugement de cette affaire ; que la commune de Bouillargues relève appel du jugement du 3 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé, à nouveau, l'arrêté du 14 septembre 2009, la délibération du 16 décembre 2009 et l'arrêté du 28 mai 2010 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut, soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation (...) " ;

3. Considérant que, par sa décision n° 351611 sus-évoquée, le Conseil d'Etat a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 juin 2011 rendu par la deuxième chambre de ce tribunal, statuant en dernier ressort, sur les demandes de Mme A... ; qu'après renvoi de l'affaire devant le même tribunal administratif, celui-ci a statué une seconde fois sur ces demandes par le jugement présentement attaqué, rendu par la même chambre ; que cette chambre a alors siégé dans une formation comprenant un magistrat, présidant la formation de jugement, qui avait également siégé, en cette même qualité, lors de l'audience du 26 mai 2011 à l'issue de laquelle le jugement du 9 juin 2011 avait été délibéré ; que la règle prévue au premier alinéa précité de l'article L. 821-2 ayant ainsi été méconnue alors que la nature de la juridiction ne rendait pas son respect impossible, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu par une formation irrégulièrement composée ; que, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité, ce jugement doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de Mme A... ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2009 :

En ce qui concerne les fins de non recevoir opposées en première instance par la commune de Bouillargues :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué du 14 septembre 2009 a été joint à la demande présentée par Mme A..., enregistrée au greffe du tribunal le 13 novembre 2009 ; que la circonstance que cet arrêté ne lui aurait été officiellement notifié que le 7 novembre 2009 est sans incidence sur la recevabilité de sa demande ;

6. Considérant, en second lieu, que la commune de Bouillargues n'établit pas que l'arrêté en litige répondrait, dans tous ses termes, à une demande de la requérante et qu'ainsi il ne lui ferait pas grief ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée à ce titre doit être écartée ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 14 septembre 2009 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du décret susvisé du 30 juillet 1987 : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Dans ce dernier cas, le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision d'admission à la retraite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de ce décret : " Le comité médical supérieur institué auprès du ministre chargé de la santé par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé peut être appelé, à la demande de l'autorité compétente ou du fonctionnaire concerné, à donner son avis sur les cas litigieux, qui doivent avoir été préalablement examinés en premier ressort par les comités médicaux.(...) / Le comité médical supérieur se prononce uniquement sur la base des pièces figurant au dossier qui lui est soumis. " ;

8. Considérant, en premier lieu, que si, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans sa décision du 7 mars 2014, la légalité d'un acte administratif s'apprécie en fonction de la situation de droit et de fait existant au jour de son édiction, le juge administratif, qui doit examiner si la décision administrative qui lui est déférée a correctement apprécié la situation de droit et de fait litigieuse, peut prendre en compte des pièces qui, bien qu'établies postérieurement à cette décision, ont trait à des éléments de cette situation existant à la date de son intervention ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, par avis du 3 septembre 2009, le comité médical du Gard a conclu à l'inaptitude définitive et absolue à toutes fonctions de Mme A... et a proposé sa mise à la retraite pour invalidité ; que, dans son avis du 12 janvier 2010, le comité médical supérieur indique : " conformément à nos avis précédents et en l'absence d'élément d'évolutivité clinique, avis favorable à la réintégration " ; que, selon les écritures de la commune dans l'instance portant sur la légalité de la délibération du 16 décembre 2009, que la Cour a communiquées aux parties dans la présente instance, l'avis immédiatement précédent du comité médical supérieur avait été rendu le 7 octobre 2008 et avait refusé à Mme A... son placement en congé de longue durée, réitérant ainsi un précédent avis rendu le 12 février 2008 refusant ce même placement ; que le comité médical supérieur lorsqu'il est saisi, comme en l'espèce, de la contestation d'un avis du comité médical départemental doit statuer, en vertu des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 30 juillet 1987, uniquement au vu du dossier qui lui est soumis ; que, dans ces conditions, dans l'avis qu'il a rendu le 12 janvier 2010, le comité médical supérieur doit être regardé comme ayant estimé, qu'en l'absence d'élément d'évolutivité clinique de l'état de santé de l'intéressée depuis ses précédents avis, Mme A... présentait, à la date à laquelle le comité départemental a statué, soit le 3 septembre 2009, un état de santé justifiant sa réintégration ; qu'ainsi, en se fondant sur l'avis du 3 septembre 2009 du comité médical départemental, qui ne le liait pas, pour placer Mme A... en congé de longue durée puis en disponibilité d'office dans l'attente de la liquidation d'une pension pour invalidité, le maire de Bouillargues a commis une erreur d'appréciation sur son état de santé, et entaché l'arrêté en litige d'illégalité pour ce motif ; que cette erreur d'appréciation est, au surplus, corroborée par l'avis émis par l'expert nommé par la présente cour, qui, s'il a examiné Mme A... postérieurement à l'arrêté en litige le 31 mars 2010, a conclu au constat d'un état stabilisé de l'intéressée, a déclaré ne retrouver sur aucun plan de symptomatologie psychiatrique avérée, et ne voir aucune raison pour que Mme A... ne puisse pas exercer ses fonctions ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen invoqué par Mme A..., l'arrêté du 14 septembre 2009 doit être annulé ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 16 décembre 2009 :

En ce qui concerne les fins de non recevoir opposées en première instance par la commune de Bouillargues :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à la fin de non-recevoir tirée de ce que la délibération attaquée n'était pas produite, Mme A... a versé au dossier de première instance le 6 décembre 2010 ladite délibération ; que, par suite, la fin de non recevoir précitée doit être écartée ;

11. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'emploi d'adjoint administratif dont la suppression a été décidée par la délibération litigieuse, était celui occupé par Mme A... avant son congé de maladie ; qu'ainsi, cette délibération, quand bien même elle n'implique pas le licenciement de l'intéressée, présente le caractère d'un acte lui faisant grief ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de la requérante à l'encontre de cette délibération doit être écartée ;

En ce qui concerne la légalité de la délibération attaquée :

12. Considérant que la délibération en litige procède, après recueil d'un avis favorable du comité technique paritaire réuni le 28 septembre 2009, à la suppression du seul poste d'adjoint administratif de 1ère classe qui figurait au tableau des effectifs communaux et qui correspondait au grade détenu par Mme A... ; que cette délibération motive cette suppression par la réorganisation des services administratifs mise en place entre 2007 et 2008 et par le fait que les tâches alors affectées à un poste de secrétaire-dactylo auraient été réparties sur les différents agents, chacun d'eux étant dorénavant équipé d'un poste informatique, ce qui rendrait inutile le maintien de ce poste ;

13. Considérant, cependant, en premier lieu, qu'un peu plus d'un an avant la suppression de cet emploi, le constat d'huissier, dressé le 13 novembre 2008 à la demande de Mme A... et versé au dossier, atteste des très mauvaises conditions que la commune de Bouillargues avait faites à l'intéressée pour sa réintégration au travail ; qu'en effet, il ressort de ce procès-verbal que Mme A... était affectée dans une annexe, appelée "Villa du Parc", située à une centaine de mètres du bâtiment principal de la mairie, dont elle devait attendre l'ouverture au public pour en récupérer les clés ; que, dans cette annexe où aucun autre agent ne travaillait, selon ce qu'a reconnu le maire lui-même dans une sommation interpellative du 24 octobre 2008 et qui est corroboré par le procès-verbal du 13 novembre 2008, la pièce constituant son bureau ne disposait que d'une faible luminosité naturelle et n'était pas convenablement chauffée, dès lors qu'à l'arrivée sur le lieu de travail, la température était de 12° ;

14. Considérant, en second lieu, que la commune affirme qu'elle avait, dès 2005, recruté un agent pour assumer les tâches dont était auparavant chargée Mme A..., et le compte-rendu de la séance du comité technique paritaire (CTP) du 28 septembre 2009 confirme que ces tâches avaient été effectivement prises en charge par d'autres agents de la commune ; que la perte de substance de l'emploi occupé par Mme A... trouve ainsi son origine dans la volonté de la commune de recruter un personnel fonctionnaire sur les tâches laissées en suspens par l'absence du service de Mme A..., et non par la réorganisation des services qui aurait eu lieu dans les années 2007-2008, comme l'indique la délibération en litige ;

15. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort de ce même compte-rendu des débats devant le CTP que, pour vaincre la réticence des représentants du personnel à émettre un avis favorable à la suppression d'emploi proposée, l'autorité territoriale a rappelé que, lors de départs précédents de la commune d'un agent de catégorie A et d'un agent de catégorie C, elle avait veillé à ne pas supprimer ces deux emplois tout en en répartissant les tâches dévolues à ces emplois aux autres agents communaux ; qu'il ressort de cet exposé une volonté de la commune de traiter différemment une même situation, dans laquelle la prise en charge par les agents effectivement en fonctions de tâches dévolues à des emplois devenus vacants, conduit tantôt à la suppression, tantôt à la conservation de ces emplois ; que si cette volonté de traiter différemment une situation identique ne suffit pas, par elle-même, à caractériser un détournement de pouvoir, la rapidité avec laquelle, quinze jours après l'avis du comité médical départemental, la commune a proposé au comité technique paritaire la suppression de l'emploi de Mme A... et les conditions dans lesquelles elle avait précédemment réintégré l'intéressée dans ses fonctions, montrent que le motif ayant déterminé la commune à supprimer l'emploi correspondant au grade détenu par Mme A..., lequel ne la contraignait pas à n'exercer que des fonctions de dactylographe, n'est pas la réorganisation avancée des services municipaux, mais la volonté de ne plus réintégrer l'intéressée dans ses services en affichant une impossibilité numérique de le faire ; que ce faisant, la commune a entaché la délibération du 16 décembre 2009 d'un détournement de pouvoir ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par Mme A..., cette délibération doit être annulée ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2010 :

16. Considérant que l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, dispose : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. // I.-Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique paritaire sur la base d'un rapport présenté par la collectivité territoriale (...). Le président du centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité (...) est rendu destinataire, en même temps que les représentants du comité technique paritaire, du procès-verbal de la séance du comité technique paritaire concernant la suppression de l'emploi. (...). Si la collectivité (...) ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité (...) lui est proposé en priorité ; la collectivité (...) et le centre de gestion examinent, chacun pour ce qui le concerne, les possibilités de reclassement. Est également étudiée la possibilité de détachement ou d'intégration directe du fonctionnaire sur un emploi équivalent d'un autre cadre d'emplois au sein de la même collectivité (...). Sont également examinées les possibilités d'activité dans une autre collectivité ou un autre établissement que celle ou celui d'origine sur un emploi correspondant à son grade ou un emploi équivalent. Au terme de ce délai, le fonctionnaire est pris en charge par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité (...). " ;

17. Considérant que le présent arrêt prononce l'annulation de la délibération du 16 décembre 2009 supprimant l'emploi d'adjoint administratif de 1ère classe susceptible d'accueillir Mme A... ; que, par suite, la situation des effectifs communaux de Bouillargues doit être regardée comme ayant permis la réintégration de l'intéressée lorsque celle-ci l'a sollicitée ; qu'ainsi, le maire de Bouillargues ne pouvait légalement, par l'arrêté du 28 mai 2010, se fonder sur les dispositions précitées de l'article 97 pour réintégrer Mme A... en surnombre à compter du 14 juin 2010 et la placer en disponibilité d'office pour un an à compter de la même date ; que l'arrêté du 28 mai 2010 doit être annulé pour ce motif ;

Sur les conclusions en injonction :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; que les conclusions, présentées par Mme A... le 3 mars 2010 devant le tribunal administratif de Nîmes dans l'instance relative à la délibération du 16 décembre 2009 et tendant à ce que la commune de Bouillargues soit " condamnée à [la] réintégrer immédiatement dans son grade et rang parmi le personnel ", doivent être regardées comme tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à la réintégration juridique et la réintégration effective de l'intéressée au sein des services communaux ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Bouillargues, de telles conclusions ne sont pas irrecevables, dès lors que le présent arrêt, qui annule les arrêtés sus-évoqués du 14 septembre 2009 et du 28 mai 2010 du maire de Bouillargues, ainsi que la délibération du conseil municipal de Bouillargues en date du 16 décembre 2009, implique nécessairement que la commune de Bouillargues procède à ces réintégrations ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre à la commune de Bouillargues de procéder à la réintégration effective de Mme A... et à sa réintégration juridique avec reconstitution de carrière depuis le 13 novembre 2008, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 811,36 euros par l'ordonnance du 28 avril 2010 sus-visée, à la charge définitive de la commune de Bouillargues ;

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que la commune de Bouillargues demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens, soient mises à la charge de l'intimée qui n'est, dans la présente instance, ni tenue aux dépens, ni partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bouillargues une somme de 2 000 euros à verser à ce titre à Mme A... ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement rendu par le tribunal administratif de Nîmes le 3 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : Les arrêtés des 14 septembre 2009 et 28 mai 2010 du maire de Bouillargues et la délibération adoptée le 16 décembre 2009 par le conseil municipal de Bouillargues sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Bouillargues de procéder à la réintégration effective de Mme A... dans les services communaux, et à sa réintégration juridique avec reconstitution de carrière depuis le 13 novembre 2008, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de la commune de Bouillargues.

Article 5 : La commune de Bouillargues versera à Mme A... une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Bouillargues sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bouillargues et à Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 26 février 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Busidan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2016.

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N° 14MA03948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03948
Date de la décision : 18/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal - Délibérations.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Positions diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL LYSIAS PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-18;14ma03948 ?
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