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17/03/2016 | FRANCE | N°14MA02529

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14MA02529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des majorations et intérêts correspondants.

Par jugement n° 1200843 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 10 juin 2014 et le 16 janvier 2015, le ministre chargé du budget de

mande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des majorations et intérêts correspondants.

Par jugement n° 1200843 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 10 juin 2014 et le 16 janvier 2015, le ministre chargé du budget demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 février 2014 ;

2°) de rétablir M. D... au rôle de l'impôt sur le revenu des années 2005 et 2006 pour un montant global en droits et pénalités de 1 460 euros.

Il soutient que :

-le recours est recevable ;

-le tribunal a commis une erreur de droit au regard de l'interprétation de l'article 194 II du code général des impôts ;

- le contribuable ne peut être considéré comme vivant seul pour le calcul de l'impôt sur le revenu des années 2005 et 2006 dès lors que M. D... et Mme B... partagent un lieu d'habitation commun acquis en 1986, malgré le jugement de séparation le 6 mai 1999 ;

-l'octroi de la demi-part supplémentaire et la vie sous le même toit permettent le bénéfice d'un double avantage, ce qui n'est pas conforme à l'article 194 II du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2014, M. D... représenté par Me A... conclut au rejet de la requête comme irrecevable et au fond, à la condamnation de l'Etat à verser la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et fait valoir qu'aucun des moyens du recours n'est fondé.

Par un second mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2015, M. D... représenté par Me E... conclut aux mêmes fins par les même les moyens ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour M. D....

1. Considérant que M. D... a bénéficié, en application des dispositions de l'article 194 du code général des impôts, d'une majoration du quotient familial d'une demi-part supplémentaire au titre des années 2005 et 2006 ; que l'administration fiscale a remis en cause cette majoration du quotient familial ; que le ministre chargé du budget interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a accordé à M. D... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des majorations et intérêts correspondants ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la partie intimée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) " ; que l'article R. 751-3 du même code dispose : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. " ; qu'aux termes de l'article R. 751-4-1 du code de justice administrative, applicable au jugement attaqué : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux administrations de l'Etat, (...) qui sont inscrits dans cette application. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. " ;

3. Considérant que M. D... soutient que l'appel interjeté par le ministre chargé du budget le 10 juin 2014 est irrecevable pour tardiveté dès lors que la notification du jugement de première instance est réputée reçue à la date de la première consultation de la décision ou, par défaut, huit jours après la notification du jugement à l'administration en vertu de l'article R. 751-4-1 du code de justice administrative ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le greffe du tribunal administratif de Nîmes a notifié à la direction départementale des finances publiques du Gard le 20 février 2014 le courrier comportant les copies du jugement attaqué et le courrier de notification ; que le délai d'appel de deux mois dont dispose le ministre chargé du budget, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré le 10 juin 2014, date à laquelle son recours été enregistré au greffe de la Cour ; que l'intimé n'établit pas en outre avoir usé de sa faculté d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, en signifiant directement au ministre, seul compétent pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. D... doit être rejetée ;

Sur le bien fondé des impositions :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 194 du code général des impôts : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : /.../ Célibataire ou divorcé ayant deux enfants à charge 2. / ... II. Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. Lorsqu'ils entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent, la majoration est de 0,25 pour un seul enfant et de 0,5 si les enfants sont au moins deux. Ces dispositions s'appliquent nonobstant la perception éventuelle d'une pension alimentaire versée en vertu d'une décision de justice pour l'entretien desdits enfants. " ;

5. Considérant qu'en subordonnant le bénéfice de la demi-part supplémentaire prévue à l'article 194, II du code général des impôts en faveur des contribuables célibataires ou divorcés ayant un ou plusieurs enfants à charge à la condition que les intéressés vivent seuls, le législateur a entendu placer tous les couples, mariés ou non, dans la même situation au regard des majorations de quotient familial attribuées pour les enfants à charge mais n'a pas, pour autant, voulu exclure de la demi-part supplémentaire les contribuables qui cohabitent avec une personne avec laquelle ils ne vivent pas maritalement ; que lorsque, dans le cadre de son pouvoir de contrôle des déclarations des contribuables, l'administration fiscale remet en cause, selon la procédure contradictoire, la majoration du quotient familial, il lui incombe d'établir que le contribuable ne vit pas seul au 1er janvier de l'année d'imposition et qu'ainsi, il ne remplit pas l'une des conditions auxquelles est soumis le bénéfice de ce droit ; que la présomption de l'existence d'une vie maritale doit être regardée, comme établie dès lors que les deux intéressés n'entretiennent pas entre eux les rapports que commanderait une stricte démarche économique ; que le contribuable peut néanmoins, par tous moyens, apporter la preuve contraire ;

6. Considérant pour remettre en cause le bénéfice de la demi-part supplémentaire au quotient familial applicable aux revenus perçus en 2005 et 2006 au motif que M. D... ne vivait pas seul et ne pouvait pas être considéré comme parent isolé, l'administration fiscale soutient qu'il vit dans le même logement que Mme B..., qui est son ancienne épouse et la mère de ses enfants, logement dont ils sont tous deux propriétaires indivis ;

7. Considérant que si M. D... fait valoir qu'il est en situation de simple cohabitation avec Mme B... avec laquelle il ne vit pas maritalement et que, par ordonnance en date du 6 mai 1999, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nîmes a fixé, compte-tenu de la séparation du couple, la contribution alimentaire de Mme B..., et a relevé leur résidence commune, il est constant que l'immeuble en cause est composé notamment d'une seule cuisine, d'une seule salle de bain et d'une seule salle de séjour ; que même si M. D... et Mme B... sont installés dans deux chambres à un niveau différent, cette circonstance ne suffit pas à établir que les intéressés vivraient en situation de simple cohabitation ; que, de plus, M. D... et Mme B... ont acquis, en 2002, un appartement à Montpellier, et que si le contribuable fait valoir que cet achat avait pour but de loger leur fils aîné à Montpellier, le bien immobilier n'a pas été acheté au nom de leur enfant mais en indivision par les deux anciens époux, plus de trois ans après l'ordonnance de séparation du juge des affaires familiales intervenue le 6 mai 1999 ; que l'ensemble de ces éléments conforte la présomption de vie maritale entre M. D... et Mme B... qui ne vivent pas dans un logement distinct et alors que l'existence de rapports que commanderait une stricte démarche économique n'est pas démontrée ; que par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que M. D... ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions susvisées du code général des impôts pour bénéficier d'une demi-part supplémentaire au quotient familial prévue par le II de l'article 194 du code général des impôts ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont jugé que M. D... remplissait la condition de vie seule pour bénéficier de la demi-part supplémentaire, en tant que parent isolé, pour le calcul de son imposition au titre des années 2005 et 2006 ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

9. Considérant que M. D... invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu du paragraphe 11 de l'instruction du 1er février 2005 publiée au bulletin officiel des impôts 5 B-7-05 en ce qu'elle énonce que : " le point de savoir si des contribuables cohabitent ou vivent en concubinage relève de circonstances de fait (...). Dans ce cas, une déclaration sur l'honneur des contribuables concernés attestant qu'ils vivent seuls (...) fait foi, jusqu'à preuve contraire apportée par l'administration " ; que, cependant, l'intimé n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes précités de l'instruction administrative 5 B-7-05 du 1er février 2005 dès lors qu'ils ne contiennent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application et qu'en outre, ainsi qu'il est dit au point précédent, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que M. D... ne vit pas seul au sens des dispositions de l'article 194 du code général des impôts ; que, par suite, la partie intimée n'est pas davantage fondée, sur le terrain de l'interprétation administrative de la loi, à demander le maintien de la décharge des impositions litigieuses procédant du bénéfice de la demi-part supplémentaire de quotient familial prévu par les dispositions précitées de l'article 195 du code général des impôts ;

10. Considérant que la circonstance invoquée par M. D... qu'il aurait bénéficié de la demi-part supplémentaire prévue par les dispositions du II de l'article 194 du code général des impôts au titre d'autres années est sans incidence sur les impositions en litige ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le ministre chargé du budget est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement n° 1200843 du 20 février 2014 du tribunal administratif de Nîmes et à ce que M. D... soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu des années 2005 et 2006 pour un montant global en droits et pénalités de 1 460 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par M. D... ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1200843 du 20 février 2014 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : M. D... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu des années 2005 et 2006 pour un montant global en droits et pénalités de 1 460 (mille quatre cent soixante) euros.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à M. C... D....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 25 février 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Paix, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Markarian premier conseiller,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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N° 14MA02529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02529
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : HUBSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-17;14ma02529 ?
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