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17/03/2016 | FRANCE | N°13MA02634

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 13MA02634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Solaray Noria Distribution a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 2 novembre 2007 par laquelle la directrice adjointe de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a refusé la commercialisation de quinze compléments alimentaires déclarés, ainsi que de la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux.

Par un jugement n° 1102710 du 13 mai 2013, le tribunal administratif de Montpellier a

annulé la décision du 2 novembre 2007 ainsi que la décision implicite de rejet du r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Solaray Noria Distribution a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 2 novembre 2007 par laquelle la directrice adjointe de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a refusé la commercialisation de quinze compléments alimentaires déclarés, ainsi que de la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux.

Par un jugement n° 1102710 du 13 mai 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 2 novembre 2007 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant qu'elle concerne un produit.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juillet 2013 et 2 avril 2015, la société Solaray Noria Distribution, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102710 du 13 mai 2013 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question se savoir si la mise en oeuvre de la directive 2002/46/CE par le biais d'une procédure d'autorisation contraint les autorités nationales en charge de cette procédure, en présence d'un produit légalement fabriqué et/ou commercialisé dans un autre Etat membre, à envisager toute autre mesure que l'interdiction pure et simple, notamment en imposant des prescriptions d'étiquetage, le cas échéant de leur propre autorité ;

3°) d'annuler la décision du 2 novembre 2007 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant qu'elles refusent la commercialisation du produit " Black Cohosh " ;

4°) d'ordonner à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'autoriser la commercialisation de ce produit dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la déclaration dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 143,52 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration ne s'est pas livrée à une appréciation concrète du produit pour estimer qu'il représentait un risque réel pour la santé publique mais sur la seule présence de la plante " cimicifuga racemosa " (actée à grappes) ;

- le refus de commercialisation du produit est entaché d'erreur d'appréciation car le risque pour la santé n'est pas démontré ;

- la plante " cimicifuga " est autorisée en Belgique, au Danemark et en Croatie ;

- le refus de commercialiser le produit " Black Cohosh " est disproportionné ;

- la plante " cimicifuga racemosa " figure au nombre des plantes autorisées dans les compléments alimentaires par un arrêté du 24 juin 2014.

Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2015, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique conclut au rejet de la requête de la société Solaray Noria Distribution.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

1. Considérant que, par une décision en date du 2 novembre 2007, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a, sur le fondement de l'article 16 du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, opposé un refus à la demande de déclaration de mise sur le marché de compléments alimentaires sollicitée par la société Solaray Noria Distribution ; que cette dernière interjette appel du jugement du 13 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête en tant qu'elle concerne un produit dénommé " Black Cohosh " ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué en tant qu'il concerne le produit " Black Cohosh " :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 16 du décret du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires : " La première mise sur le marché français d'un complément alimentaire contenant une substance à but nutritionnel ou physiologique, une plante ou une préparation de plante, ne figurant pas dans les arrêtés prévus aux articles 6 et 7, mais légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen donne lieu à la procédure suivante : / (...) 5° Le refus d'autorisation de commercialisation est motivé : a) Soit par l'absence des documents et informations mentionnés au c du 2° du présent article ; b) Soit par des éléments scientifiques, délivrés notamment par l'Agence française de sécurité des aliments, démontrant que le produit présente un risque pour la santé (...) " ;

3. Considérant que la commercialisation du produit dénommé " Black Cohosh " a été refusée au motif qu'il contient l'extrait d'une plante dénommée " cimicifuga racemosa " (actée à grappes noires) laquelle présente des risques pour la santé ; qu'il est constant qu'à la date de la décision attaquée l'Agence européenne du médicament avait signalé dans un communiqué du 18 juillet 2006 et dans un document du 8 mai 2007 les effets hépatiques indésirables de cette plante et que cette mise en garde avait été relayée tant par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; que la société Solaray Noria Distribution ne conteste pas sérieusement le risque pour la santé que présente ce produit en se bornant, d'une part, à mentionner que " des experts du National Center for Complementary and Alternative Medecine ont examiné la question du risque hépatique soulevé par le cimicifuga en novembre 2004 [et que] le lien n'a pas été établi : les patientes prenaient d'autres médicaments ou plantes et le cimifuga ne contient pas d'ingrédients toxiques pour le foie, ce qui pourrait indiquer une contamination du produit final plutôt qu'une toxicité de la plante elle-même " et, d'autre part, à indiquer, sans aucune précision, que d'autres études montrent la non toxicité du " cimicifuga " ; que la société Solaray Noria Distribution n'est dès lors pas fondée à soutenir que, pour estimer qu'il présentait un risque réel pour la santé, la décision attaquée aurait été prise sans une analyse concrète et approfondie du produit ; qu'il suit de là qu'en refusant à la société appelante, pour cette raison, la commercialisation de ce produit, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 16 du décret du 20 mars 2006 ;

4. Considérant que si la société Solaray Noria Distribution soutient que la commercialisation de la plante " cimicifuga racemosa " est autorisée en Belgique, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'un risque pour la santé est établi ainsi qu'il a été dit au point précédent ;

5. Considérant que l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne, alors en vigueur, dispose que " Les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres. " ; que l'article 30 du même traité, alors en vigueur, dispose que " Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. " ;

6. Considérant qu'à supposer, comme le prétend la société requérante, que le produit " Black Cohosh " est légalement fabriqué ou commercialisé dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, et que la décision attaquée puisse être regardée comme une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative, elle n'est pas, par principe, contraire au principe de reconnaissance mutuelle ni aux articles 28 et 30 du traité instituant la Communauté européenne dès lors que, comme il a été dit au point 3, la décision est fondée sur le risque que le produit présente pour la santé ; que dès lors, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte injustifiée au principe de reconnaissance mutuelle et à la libre circulation de ce produit au regard de l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi ;

7. Considérant que si la société Solaray Noria Distribution soutient que la décision ne respecte pas le principe de proportionnalité dès lors que l'administration pouvait prendre, le 2 novembre 2007, une mesure moins contraignante qu'un refus d'autorisation de commercialisation pour le produit " Black Cohosh " en prescrivant un étiquetage approprié, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un étiquetage informant les consommateurs des risques pour la santé constituerait une mesure suffisante pour permettre d'assurer la protection de leur santé ; que par ailleurs, il ne résulte pas des dispositions de l'article 16 du décret du 20 mars 2006 que l'administration aurait été tenue de prendre une autre mesure qu'un refus d'autorisation de commercialisation ;

8. Considérant que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'emploi de la plante " cimicifuga racemosa " a été autorisé dans les compléments alimentaires par un arrêté du secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire du 24 juin 2014 dès lors qu'il est constant que le dossier de déclaration du produit " Black Cohosh " ne comportait en tout état de cause pas les restrictions relatives à la portion journalière recommandée de glycosides de triterpènes et à l'utilisation d'extraits aqueux et hydro alcooliques de titre faible ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer pour saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en l'absence de difficulté d'interprétation d'une règle de droit communautaire, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée en tant qu'elle refuse la commercialisation du produit " Black Cohosh " ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la société Solaray Noria Distribution tendant à l'annulation de la décision de refus de commercialisation de compléments alimentaires du 2 novembre 2007 de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en tant qu'elle concerne le produit " Black Cohosh ", n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées par la société Solaray Noria Distribution aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Solaray Noria Distribution une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Solaray Noria Distribution est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Noria Distribution et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Délibéré après l'audience du 25 février 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- Mme B..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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N°13MA02634

TR


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02634
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-042 Santé publique.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LEXCAP ANGERS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-17;13ma02634 ?
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