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14/03/2016 | FRANCE | N°14MA01872

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 14 mars 2016, 14MA01872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Valbonne a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 29 septembre 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Grasse a décidé de déléguer la gestion du système d'alimentation en eau potable du Foulon sous forme de concession pour une durée de vingt ans, a approuvé les orientations principales et les caractéristiques de cette délégation, et a autorisé le maire de la commune à lancer et conduire la procédure de consultation prévue aux articles L.

1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Valbonne a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 29 septembre 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Grasse a décidé de déléguer la gestion du système d'alimentation en eau potable du Foulon sous forme de concession pour une durée de vingt ans, a approuvé les orientations principales et les caractéristiques de cette délégation, et a autorisé le maire de la commune à lancer et conduire la procédure de consultation prévue aux articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

Par un jugement n° 1200982 du 28 février 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération contestée du conseil municipal de Grasse.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2014, la commune de Grasse, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 février 2014 ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Valbonne tendant à l'annulation de la délibération du 29 septembre 2011 susmentionnée ;

3°) et de mettre à la charge de la commune de Valbonne une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté, qui ne répond pas à l'argument tiré de ce qu'elle n'avait pas à solliciter d'autorisation de l'Etat en tant que propriétaire de l'ouvrage, est insuffisamment motivé en violation de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- le raisonnement du tribunal est entaché de contradiction en reconnaissant la liberté pour la commune de déléguer la gestion des eaux du canal mais en imposant par ailleurs une autorisation de l'Etat concédant qui ne ressort pas du cahier des charges annexé à la loi du 4 août 1885 ;

- elle est propriétaire de la totalité des ouvrages dans le cadre de la concession lui attribuant ceux-ci à titre perpétuel, ce qui la dispensait de solliciter une autorisation préalable pour en déléguer l'exploitation et les travaux ;

- subsidiairement, l'autorisation de l'Etat n'était requise qu'en application de l'article 17 de l'avenant n° 2 au cahier des charges approuvé par la loi du 31 décembre 1950, or cette autorisation porte sur les projets de travaux à réaliser, dont la teneur exacte ne pouvait être présentée avant discussion de l'offre du candidat pressenti.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2015, la commune de Valbonne conclut au rejet de la requête de la commune de Grasse et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- le tribunal a interprété sans erreur de droit l'article 7 du cahier des charges, qui autorise la commune de Grasse à gérer librement les eaux de colature, sans préjuger du sort des installations du canal concédées par l'Etat ;

- l'accord exprès du concédant s'imposait ;

- la concession perpétuelle n'entraîne pas la propriété des ouvrages concédés, ceux-ci constituant des biens de retour en l'absence de texte contraire ;

- la condition prévue à l'article 17 de l'avenant n° 2 ne se substitue pas à la règle générale selon laquelle la conclusion d'un contrat de sous-concession nécessite l'accord du concédant ;

- subsidiairement, les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif doivent entraîner l'annulation de la délibération contestée ;

- l'avis conforme du conseil des maires n'a pas été recueilli contrairement aux engagements du maire de Grasse ;

- le recours à un contrat de délégation de service public est entaché d'erreur manifeste compte-tenu des prestations confiées au cocontractant qui ne relèvent pas d'un service public excepté une part minime, et de son mode de rémunération n'incluant aucun aléa financier ;

- subsidiairement, à supposer que le recours à la concession soit envisageable, celle-ci aurait dû prendre la forme d'une concession de travaux publics en application des articles L. 1415-1 et L. 1415-2 du code général des collectivités territoriales, dont la procédure est régie par le décret du 26 avril 2010 ;

Un courrier du 5 octobre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par un mémoire en réplique enregistré le 13 novembre 2015, la commune de Grasse persiste dans les conclusions et moyens de sa requête.

Elle soutient en outre qu'aucun des autres moyens invoqués par la commune de Valbonne contre la délibération en litige n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 4 août 1885 relative à l'exécution du canal du Foulon ;

- la loi n° 50-1918 du 31 décembre 1950 approuvant l'avenant n° 2 au cahier des charges de la concession du canal du Foulon ;

- le code des marchés publics ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 26 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant la commune de Valbonne.

1. Considérant que, par une loi du 4 août 1885, l'Etat a concédé à la commune de Grasse la construction et l'exploitation d'un ouvrage d'adduction et distribution d'eau dénommé " canal du Foulon ", lequel alimente en eau potable tant la population de Grasse que celle de huit autres communes des Alpes-Maritimes à partir de la source du même nom ; que, par délibération du 29 septembre 2011, le conseil municipal de Grasse a décidé de déléguer le " service public d'alimentation en eau potable du Foulon " sous forme d'une concession d'une durée de vingt ans, d'approuver les principales caractéristiques de la délégation et d'autoriser le maire à lancer la procédure de consultation prévue par les articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ; que, sur demande de la commune de Valbonne, à qui la commune de Grasse fournit l'eau du canal du Foulon, le tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération par jugement du 28 février 2014 ; que la commune de Grasse interjette appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Considérant qu'il ressort du point 4 du jugement contesté que les premiers juges se sont prononcés de manière détaillée sur les raisons pour lesquelles ils ont accueilli le moyen tiré de l'absence d'autorisation préalable de la commune de Grasse par l'Etat, autorité concédante ; qu'ils ont notamment précisé que, si la commune était propriétaire de la source du Foulon, elle était en revanche concessionnaire de l'Etat en vertu de la loi du 4 août 1885 pour le canal d'irrigation qui constituait à la date de la délibération en litige un " service concédé " ; que, par suite, la commune de Grasse n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait insuffisamment motivé son jugement eu égard à l'argumentation en défense invoquée dans son mémoire du 9 janvier 2014 et tirée de sa qualité de propriétaire tant des eaux que des installations du canal du Foulon ; que le moyen tiré de ce que le jugement contesté serait irrégulier faute de satisfaire aux prescriptions de l'article L. 9 du code de justice administrative, aux termes duquel " Les jugements sont motivés. " doit, dès lors, être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-4 du code général des collectivités territoriales : " Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local après avoir recueilli l'avis de la commission consultative des services publics locaux prévue à l'article L. 1413-1. Elles statuent au vu d'un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-5 du même code : " Après décision sur le principe de la délégation, il est procédé à une publicité et à un recueil d'offres (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la délibération par laquelle l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale se prononce sur le principe d'une délégation de service public local présente le caractère d'une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; qu'à l'appui d'un tel recours peuvent être utilement invoqués des moyens relatifs aux vices propres dont cette décision serait entachée ou à la légalité du principe du recours à un délégataire pour la gestion du service ; que sont, en revanche, inopérants les moyens relatifs aux caractéristiques et aux modalités de mise en oeuvre ultérieure de la délégation ou des prestations que cette délibération n'a pas pour objet d'arrêter définitivement ;

5. Considérant que, si la commune de Grasse tient des articles L. 2224-7 et suivants du code général des collectivités territoriales la compétence pour organiser le service public local de la distribution d'eau potable sur son territoire, elle ne dispose en revanche des ouvrages publics du canal du Foulon construits à cet effet que dans le cadre de la concession qui lui a été consentie par l'Etat en vertu de la loi du 4 août 1885 approuvant le cahier des charges, et de ses modifications ultérieures par le législateur ; que la circonstance que cette concession ait été consentie par l'Etat sans condition de durée n'a pu avoir pour effet d'entraîner un transfert implicite de propriété à la commune de Grasse des ouvrages de génie civil et des installations du canal, alors d'ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier que la commune a effectué le 24 janvier 2011 auprès du préfet des Alpes-Maritimes une démarche tendant à se voir céder la propriété de ceux-ci par l'Etat ;

6. Considérant que l'exécution de tout ou partie d'un service concédé ne peut être cédée ou transférée par le concessionnaire à un tiers qu'avec l'accord de l'autorité concédante ; que cette règle générale s'applique même en l'absence de stipulation en ce sens dans le contrat de concession ; que, si l'article 7 du cahier des charges de la concession conclue entre l'Etat et la commune de Grasse autorise cette dernière à concéder elle-même, le cas échéant, à des tiers " les eaux de colature " c'est-à-dire les eaux disponibles après satisfaction des besoins en approvisionnement de ses usagers ainsi que des autres communes incluses par conventions bilatérales dans le dispositif de distribution du canal du Foulon, cette stipulation n'a ni pour objet ni pour effet d'habiliter la commune à confier à un tiers l'exploitation du service et des installations et ouvrages concédés du canal du Foulon sans l'accord préalable de l'Etat concédant ; que la commune de Grasse n'établit pas non plus qu'un tel accord de l'Etat ne serait nécessaire qu'à un stade ultérieur à celui de la délibération sur le principe de la délégation du service public d'alimentation en eau du canal du Foulon, en invoquant l'obligation distincte résultant pour elle de l'article 17 du cahier des charges qui lui impose de faire approuver au préalable par l'Etat tout programme de travaux à réaliser sur le canal ; qu'il résulte de ce qui précède que le conseil municipal de Grasse ne pouvait décider à la date du 29 septembre 2011, sans autorisation de l'Etat, de lancer une procédure de délégation de service public en vue de confier à un opérateur privé, par un contrat de concession, l'exploitation de l'ensemble du système de distribution d'eau assuré par le canal du Foulon et la réalisation d'importants travaux de modernisation et transformation des ouvrages propriété de l'Etat, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges ; qu'enfin, si la commune de Grasse fait valoir qu'elle a écrit au préfet des Alpes-Maritimes les 30 mars et 19 août 2011 pour lui demander l'autorisation de lancer une telle procédure sans attendre l'aboutissement de sa démarche visant à la transmission de la propriété des ouvrages, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'elle ait obtenu une autorisation en ce sens du représentant de l'Etat ni avant ni au demeurant après l'adoption de la délibération litigieuse ; que, par suite, la délibération du conseil municipal de Grasse du 29 septembre 2011 est entachée d'illégalité ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Grasse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nice a, sur la demande de la commune de Valbonne, annulé la délibération de son conseil municipal en date du 29 septembre 2011 ; que sa requête doit, dès lors être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Valbonne qui n'est pas la partie perdante, verse à la commune de Grasse tout ou partie de la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Grasse une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Valbonne en application des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Grasse est rejetée.

Article 2 : La commune de Grasse versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à la commune de Valbonne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Valbonne est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grasse et à la commune de Valbonne.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 22 février 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mars 2016.

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N° 14MA01872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01872
Date de la décision : 14/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Services communaux - Eau.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Diverses sortes de contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : GIANINA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-14;14ma01872 ?
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