Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Bastia la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par l'article 1er d'un jugement n° 1200591 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement accordé le 19 novembre 2013. Par les articles 2 et 3 de ce même jugement, le tribunal a accordé à M. et Mme B... une réduction de leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2005 et la décharge des droits et pénalités correspondants. Par l'article 5 de ce même jugement a été rejeté le surplus de la demande de M. et Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 mars 2014, M. et Mme B..., représentés par Me C... de la société d'avocats Luciani-C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'article 5 de ce jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière ; ils ont fait valoir qu'en ne leur adressant pas les pièces demandées, malgré leur demande formulée avant la mise en recouvrement, ils avaient été privés d'une garantie substantielle ; si le tribunal administratif de Bastia a accueilli leur moyen, le jugement est toutefois erroné en ce qui concerne les rectifications concernées par cette irrégularité d'un montant de 74 200 euros et non de 39 002 euros ;
- l'administration entend imposer la somme de 15 000 euros qui leur a été versée par la SCI L'Olivier Bleu dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée alors que s'agissant de revenus fonciers versés par une société civile immobilière relevant de l'article 8 du code général des impôts, cette somme est imposable entre les mains des porteurs de parts à la date de clôture de l'exercice indépendamment de la date de distribution de bénéfices ;
- s'agissant des revenus d'origine indéterminée, les pièces qu'ils ont produites pour justifier des remboursements effectués en 2005 et 2006 par les SARL Sud Construction Ebénisterie et Sud Construction Maçonnerie démontrent qu'ils avaient participé antérieurement au financement des charges d'exploitation ; ces sommes ne peuvent par suite être taxées comme revenus d'origine indéterminée ;
- l'insuffisance de justificatifs ne saurait démontrer la volonté d'éluder l'impôt dès lors qu'ils n'avaient pour objectif que de pallier les difficultés des deux entreprises.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il fait droit à la demande des requérants s'agissant de l'irrégularité de procédure tirée de la violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- s'agissant de la somme de 15 000 euros qui aurait été versée aux requérants par la SCI L'Olivier bleu, ceux-ci n'apportent aucune justification permettant d'identifier ce versement dans la catégorie des revenus fonciers et, en tout état de cause, de connaître sa nature ;
- s'agissant des crédits qui trouvent leur origine dans les avances qui auraient été consenties par les requérants aux SARL Sud Construction Ebénisterie et Sud Construction Maçonnerie, il appartient aux contribuables d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à leur charge ; la matérialité des avances consenties aux deux sociétés n'a pu être établie par la fourniture de relevés bancaires et de copies de chèques ; la nature et l'origine de ces crédits restent, par suite, indéterminées ;
- s'agissant des autres crédits, il appartient également aux requérants de produire les justifications des sommes en cause ; en l'absence également de documents de nature à justifier la réalité des crédits, la nature et l'origine des sommes apparaissant au crédit des comptes bancaires restent indéterminées ;
- l'administration a motivé l'application des pénalités pour manquement délibéré au regard d'un ensemble d'éléments tels que la minoration importante et répétée des déclarations de revenus, l'importance des flux financiers au crédit de comptes et l'absence de réponse aux demandes de justifications ; les requérants, au surplus gérants des sociétés, ne pouvaient ignorer les manquements constatés.
Le ministre des finances et des comptes publics a transmis à la Cour le 12 janvier 2016 un certificat de dégrèvement daté du 14 janvier 2015 diminuant de la somme de 5 884 euros en droits et pénalités les contributions sociales mises à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2005.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Markarian,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2005 et 2006 au cours duquel il est apparu au service des discordances significatives entre les revenus déclarés et les encaissements figurant sur leurs comptes bancaires ; qu'en l'absence de réponse à la demande de justifications qui leur avait été adressée en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, le service leur a notifié des rectifications selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du même livre s'agissant des sommes dont l'origine n'avait pas été justifiée et qui ont été qualifiées de revenus d'origine indéterminée et, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du même livre, s'agissant de sommes regardées, au titre de la seule année 2006, comme des revenus de capitaux mobiliers ; que, par un jugement du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 13 125 euros à raison du dégrèvement de contributions sociales de l'année 2006 prononcé en cours d'instance, a accordé à M. et Mme B... la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2005 d'un montant de 39 002 euros et la décharge correspondante des impositions et pénalités et a rejeté le surplus de leur demande ; que M. et Mme B... relèvent appel de l'article 5 de ce jugement par lequel le tribunal a rejeté le surplus de leur demande ;
Sur l'étendue du litige et la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant que les requérants soutiennent que le tribunal, s'il a accueilli leur moyen tiré de la violation de la procédure d'imposition au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, s'est mépris sur le montant des droits et pénalités établis à la suite de cette irrégularité, correspondant à un montant de 74 200 euros en base et non de 39 002 euros comme l'indique le jugement attaqué ; qu'en appel, le ministre affirme qu'il y a lieu de faire droit à la demande des requérants ; que, d'une part, par une décision en date du 14 janvier 2015, l'administration a prononcé le dégrèvement de la somme de 5 884 euros en droits et pénalités sur les seules contributions sociales dues au titre de l'année 2005 ; que la requête de M. et Mme B... est, dans cette mesure, devenue sans objet ; que, d'autre part, il y a lieu également de réduire les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2005 de la somme de 35 198 euros, correspondant à la différence entre la base imposable retenue par le tribunal et la base imposable, non contestée de 74 200 euros, et de décharger M. et Mme B... des droits et pénalités correspondant à cette réduction ;
Sur le bien-fondé du surplus des sommes taxées en tant que revenus d'origine indéterminée :
3. Considérant, en premier lieu, que lorsque l'administration fiscale procède à la taxation d'office du revenu global d'un contribuable, elle n'est pas tenue, à défaut d'en connaître avec exactitude l'origine, de rattacher ce revenu à une catégorie particulière à moins que cette origine et la nature du revenu ne ressortent des documents ou d'informations qui se trouvent en sa possession ; qu'en particulier, les sommes versées par une société à un contribuable sont imposées à bon droit entre les mains de l'intéressé dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, dès lors qu'il n'établit pas les motifs de leur versement ; qu'il lui est toutefois loisible d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes soit ne constituent pas des revenus imposables soit se rattachent à une catégorie particulière de revenus ;
4. Considérant que l'administration fiscale ne disposait d'aucun renseignement sur la nature de la somme de 15 000 euros qui aurait été versée aux requérants, selon eux, par la SCI L'Olivier Bleu, dont ils détiennent l'intégralité des parts et qui correspondrait à une avance en compte courant d'associé de cette société ; que les requérants, qui, dès lors que la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales a été mise en oeuvre à leur égard sans que sa régularité ne soit contestée, supportent la charge de la preuve, n'établissent pas comme ils le soutiennent que cette somme de 15 000 euros constituait des revenus en provenance de la SCI L'Olivier Bleu ; qu'en affirmant qu'il s'agit de revenus fonciers sans apporter de justifications sur l'objet réel du versement effectué par la société au crédit de leurs comptes bancaires, M. et Mme B... ne justifient pas du rattachement de ces sommes à une catégorie particulière de revenus ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la seule circonstance que cette somme proviendrait d'une société civile immobilière dont ils sont les seuls porteurs de parts ne permet pas de faire regarder le versement litigieux comme taxable dans la catégorie des revenus fonciers ; que cette somme a été à bon droit imposée comme revenu d'origine indéterminée ;
5. Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent en appel que les sommes qui leur ont été remboursées en 2005 et 2006 par la SARL Sud Construction Maçonnerie, en liquidation judiciaire depuis le 15 janvier 2007, et par la SARL Sud Construction Ebénisterie, dont Mme B... était l'associée unique, correspondraient à des charges d'exploitation de ces deux sociétés, à savoir du matériel, des frais de transport et des salaires, au financement desquels ils avaient antérieurement participé et ne pouvaient, par suite, être taxées en tant que revenus d'origine indéterminée ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, il appartient aux requérants d'établir que les sommes ainsi créditées sur leurs comptes bancaires trouvent leur origine dans des remboursements d'avances effectués par les SARL Sud Construction Maçonnerie et Sud Construction Ebénisterie ; que cette preuve n'est pas davantage rapportée en appel qu'en première instance ; que les sommes en cause ont par suite été à bon droit taxées en tant que revenus d'origine indéterminée ;
Sur l'application des pénalités :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
7. Considérant qu'en faisant état de l'importance des sommes non justifiées figurant au crédit des comptes bancaires des requérants pour les deux années en litige et du caractère répété des manquements mis en évidence, ainsi que de l'absence de réponse aux demandes de justifications qui leur avaient été adressées, l'administration justifie la mauvaise foi des requérants et leur volonté d'éluder l'impôt ; que l'administration doit, en conséquence, être regardée comme établissant le bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 résultant du rehaussement, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, de la somme précitée de 35 198 euros ; que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. et Mme B..., qui sont partie perdante pour l'essentiel, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 5 884 (cinq mille huit cent quatre-vingt-quatre) euros en droits et pénalités, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme B... tendant à la décharge des contributions sociales auxquelles ils restent assujettis au titre de l'année 2005.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de l'année 2005 de M. et Mme B... sont réduites de la somme de 35 198 (trente-cinq mille cent quatre-vingt-dix-huit) euros.
Article 3 : M. et Mme B... sont déchargés, au titre de l'année 2005, des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 16 janvier 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et au ministre des finances et des comptes publics
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré à l'issue de l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
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N° 14MA01377 2